Pourquoi et comment voter ?, par Aziz Boucetta

Pourquoi et comment voter ?, par Aziz Boucetta

La campagne électorale s’achève aujourd’hui, et les électeurs n’ont plus que quelques heures pour faire leur choix. Le principe selon lequel il faut voter pour pouvoir s’exprimer durant les prochaines années est faux. S’exprimer relève de la liberté d’expression, qui n’est pas plus conditionnelle que le vote est obligatoire, mais il vaut mieux voter. Pour qui ? C’est la question qu’il faut se poser, et il existe plusieurs manières d’y répondre, si toutefois les candidats, leurs faits et effets nous ont convaincus d’aller aux bureaux de vote.

Le vote citoyen

L’électeur ira voter, il prendra de son temps pour marquer sa citoyenneté et signifier qu’il s’inscrit dans la marche démocratique du pays. Il peut ne pas être totalement convaincu par les uns et les autres – à raison d’ailleurs – mais une fois dans son isoloir, tout ce qu’il a vu et entendu durant ces derniers 15 jours et même ces derniers mois et années remontera dans sa mémoire, et le décidera à glisser un bulletin dans son enveloppe. Ou pas. Mais il aura fait son devoir. Il est dommage que l’Etat ne soit pas assez citoyen pour tenir compte de ce vote citoyen, s’il est blanc.

Le vote citoyen est une manière de dire « je vous ai compris » aux uns et « vous m’avez appris… » aux autres

Le vote partisan

L’électeur ira voter pour son parti. Que veut dire « son » parti ? Cela signifie la formation qu’il a toujours privilégiée et qu’il a toujours soutenue, quels que soient ses travers, son populisme, son amateurisme, ou son professionnalisme (quoique, dans ce dernier cas…). On vote pour ce parti parce que la famille y a toujours été attachée, parce qu’il est historique, ou pour son passé que l’on connaît ou son avenir que l’on prévoit.

Le vote partisan peut signifier deux choses : voter pour un parti, quoi qu’il ait fait et réalisé, ou l’inverse, voter pour tout autre candidat afin de priver ce parti de sa voix pour de multiples raisons, personnelles, idéologiques ou encore politiques.

Le vote idéologique

La campagne électorale a commencé, effectivement, voici plusieurs mois avec les débats idéologiques et les combats sociétaux qui ont secoué le pays, en 2015 surtout. Les femmes, les mœurs, les effets vestimentaires, le code pénal, la religion et sa place dans la société, l’islamisme, le modernisme, le conservatisme, l’avortement, la polygamie… autant de questions et de questionnements qui ont marqué les esprits durant ces derniers temps. L’avantage des réseaux sociaux et des médias est d’avoir montré le positionnement de chacun de nos partis et de leurs dirigeants par rapport à ces questions.

Voter idéologique signifie que l’on n’accorde pas autant d’importance à l’économie qu’au social, que l’on privilégie la conscience à la performance.

Le vote sanction

Il est un concept importé… importé des pays où les attributions


sont expressément définies et clairement réparties entre les différents pouvoirs. Le gouvernement gouverne et l’opposition s’oppose ; cela dure le temps d’une législature ou d’un mandat et alors l’électeur est convoqué aux urnes pour donner son avis sur la gouvernance, les turpitudes et/ou manquements des responsables et aussi sur la force des arguments des opposants. Au Maroc, le vote sanction peut tout aussi bien s’appliquer au gouvernement et aux partis qui le forment qu’à l’opposition et aux formations qui la composent. Les uns et les autres sont, tous, coupables de compromis ou de compromissions. On sanctionnera alors celui qui aura le plus failli, dans l’action ou dans l’obstruction.

Le vote utile

Il sera celui du citoyen/électeur au fait de la chose politique nationale, qui comprend la nature, la portée et l’utilité des alliances, qui sait lire le non-dit dans les déclarations et qui est à même de faire le tri dans le tohu-bohu parlementaire et le vacarme médiatique. Voter utile, c’est faire abstraction de son idéologie ou de ses sympathies politiques ou affinités personnelles pour exprimer une opinion concrète, matérielle. Voter utile, c’est encourager un parti ou une coalition à poursuivre son action ou, à l’inverse, barrer la route à une (ou des) formation(s) qu’il estime néfastes ou nuisibles à la bonne marche du pays ; dans ce dernier cas, il a le choix…

 

Aller voter, on le voit donc, est un acte de réponse personnelle et intime aux actes et actions publics des personnels politiques. Chacun pourra exprimer son ressenti de ces dernières années car ce vote, ne nous y trompons pas, ne sera que rarement fondé sur les programmes déroulés par les uns et les autres ; il serait bien hasardeux de prêter une quelconque crédibilité à ces programmes car soit ils sont passe-partout (sécurité, environnement, voirie, « sérieux »,…) soit ils sont irréalisables car trop ambitieux, soit ils sont, tout simplement, copiés ici et là sur la toile.

Notre démocratie aussi naissante que balbutiante a encore besoin de plusieurs années, et de quelques élections, pour que les deux conditions fondamentales d’une élection (presque) réussie soient (presque) réunies : des partis sérieux qui présentent des candidats valables, et une population convaincue qui vote en connaissance de cause et en toute conscience des programmes et des propositions.

Aujourd’hui, nous en sommes encore à l’intégrité personnelle, qui fait quasiment office de programme électoral. On l’aura d’ailleurs remarqué, les discours les plus audibles et les plus véhéments, passionnés, ont eu davantage trait à l’honnêteté qu’aux programmes urbains et régionaux.

Dans l’intervalle, il serait bon que les gens votent. Qu’ils votent pour ceux des candidats qui, indépendamment de leurs appartenances politiques ou idéologiques, sont les plus compétents, les plus désintéressés et les plus disponibles. Cela rapprocherait dans l’avenir les électeurs de leurs élus et leur redonnerait confiance dans le processus électoral dans son ensemble, central, régional et local.