J’irai voter pour que d’autres ne décident pas pour moi…, par Sanaa Elaji

J’irai voter pour que d’autres ne décident pas pour moi…, par Sanaa Elaji

A l’approche de chaque élection, je répéterai encore et toujours le même propos : la participation au scrutin n’est pas un luxe mais un devoir que nous devons accomplir si nous croyons effectivement dans la démocratie et ses règles.

Nous sommes certes très nombreux à avoir connu bien des désillusions en matière de pratique politique dans ce beau pays qui est le nôtre, et plus nombreux encore sont ceux qui ont été fortement déçus par les attitudes et positions de certains de nos représentants locaux ou nationaux ou de certains de nos ministres. Et puis il y a certes aussi nombre de nos « dirigeants » de partis qui nous conduisent à perdre tout espoir d’attendre d’eux quelque chose de bon… Mais est-ce en boycottant les élections que nous changerons cette situation ? En nous abstenant d’aller voter, ne prenons-nous pas le risque de confirmer cette réalité qui est la nôtre ?

J’ai été surprise, comme bien des personnes de mon entourage, par ces formations qui se sont mises à la recherche de candidats pour les représenter aux tous derniers jours avant une élection. Cette façon de faire est offensante aussi bien pour les personnes choisies que pour celles qui les ont contactées, et elle est en quelque sorte méprisante pour les citoyens/électeurs que ces candidats seraient supposés représenter. Ainsi, quelques semaines avant le jour du scrutin, plusieurs responsables de partis contactent des amis et connaissances, ici et là, sans véritable attache avec ces formations, et leur demandent s’ils acceptent de se présenter sous leurs couleurs dans telle ou telle circonscription. Est-ce ainsi que l’on sélectionne les candidats ? Au départ, je fus consternée par ces pratiques, avant que je ne me rende à la dure réalité : certains de nos partis, bien malheureusement, se sont eux-mêmes réduits à ne devenir que des officines électorales, sans aucune utilité ou valeur ajoutée politique.

Mais malgré cela, je persiste à refuser de baisser les bras et de me laver les mains du sort de ce pays, avec ses hauts et ses bas, avec ses partis, ses institutions, avec ses succès et ses hiatus aussi… Je ne veux pas céder ma place à quelqu’un d’autre qui déciderait pour moi dans mon quotidien.

Ma logique est simple, aussi simple que directe : tant qu’on boycotte une élection, on laisse la voie libre aux corrompus, aux pervers et aux porteurs de tous les travers… En revanche, plus la participation est importante et plus il sera difficile à ces gens de prendre le contrôle sur une élection. Corrompre un petit nombre de votants est chose possible mais plus leur effectif grandit et plus la tâche sera ardue pour ceux qui souhaitent orienter le sens du scrutin.

En second lieu, et que nous le voulions ou pas, avec ou sans nous, les élections du 4 septembre prochain donneront lieu à la formation des conseils communaux et régionaux. Alors le choix est clair : soit nous y participons et nous contribuerons ainsi, et autant que faire se peut, à désigner les futurs responsables territoriaux, soit nous nous abstenons et nous devrons en conséquence nous taire, durant les cinq prochaines années du moins.


J’ai toujours dit, et je le dis encore, que pour les élections communales et législatives, il n’appartient pas à ceux qui les ont boycottées de s’exprimer et de critiquer ensuite, après le vote, car ils auront contribué à la « non-désignation » de nos représentants, c’est-à-dire ceux qui ont en charge quotidiennement les affaires de nos villes et de nos campagnes et ceux qui nous représentent au parlement, majorité et opposition confondues. Ces élus seront en fonction parce qu’une partie de la population aura voté pour eux et que l’autre n’aura rien dit, n’exprimant pas son choix… et donc, ils sont là, et ils gèrent ; ils nous gèrent. Ils nous représentent. Ils décident pour nous. Ils sont là par la volonté des uns… et en dépit du rejet des autres.

La règle et le jeu démocratiques veulent que dans les conseils communaux et régionaux, puis au gouvernement, ce soit la majorité qui décide de la marche à suivre. Quand nous participons au vote, cela signifie en creux que nous acceptons cette règle. Quand nous boycottons, en revanche, il ne nous appartient plus de critiquer l’action de cette majorité ; cela n’aurait pas de sens car nous ne sommes pas exprimés au moment où il le fallait. Nous aurions contribué par défaut à l’installation de cette situation. Et puis, gardons en mémoire que des pays comme le Brésil, la Belgique, le Costa Rica, l’Australie, la Turquie, la Grèce et bien d’autres ont instauré l’obligation du vote, moyennant amendes pour les contrevenants.

Mais je voudrais aussi mentionner un point que je considère comme une anomalie dans notre code électoral. Aujourd’hui, en effet, le vote blanc n’est pas comptabilisé dans le résultat final d’une élection ; autrement dit, le choix exprimé par des citoyens convaincus de la nécessité de voter mais qui ne sont attirés par aucun parti ni par aucun programme, et qui votent donc blanc, est considéré comme un vote nul, le mot prenant ici son sens complet… Cela est à mon avis une erreur qu’il conviendrait de réparer afin de comptabiliser ces votes blancs. En effet, il est du plein droit, aujourd’hui, à un citoyen de croire au jeu démocratique, d’aller voter, et de signifier son mécontentement pour les candidats, les partis et leurs programmes.

Imaginons par exemple une élection où 20% des suffrages exprimés seraient blancs. Il s’agirait là d’un message fort adressé au personnel politique ; le vote blanc n’est donc pas nul, pas plus que ceux qui optent pour ce choix ne le sont à leur tour, nuls… Voter blanc est une position et un choix politiques qu’il faut prendre en compte pour comprendre aussi bien la scène politique que l’attitude des citoyens face à cette scène.

Dans l’intervalle… Et parce que je crois que le vote relève de mes droits et aussi de mes devoirs en ma qualité de citoyenne qui croit en ce pays, malgré ses désillusions, je voterai… je ne sais pas encore à quel candidat j’accorderai mon suffrage car les élites politiques et leurs partis m’ont cruellement déçue, et je ne suis pas la seule à nourrir ce sentiment…

… mais je voterai car je refuse que d’autres décident pour moi.

Al Ahdath al Maghribiya