La Chambre des Conseillers, 8 patrons et beaucoup de poltrons, par Aziz Boucetta
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- 18 août 2015 --
- Opinions
Le Maroc vote… enfin, en partie, et pour une partie de son système législatif. Mais une partie non négligeable car la Chambre des Conseillers, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a l’initiative des lois, contrôle le gouvernement et détient la priorité pour toute la législation à venir sur les collectivités territoriales. Or, à voir les collèges électoraux qui enverront leurs pairs à cette Chambre, nous sommes en droit, déjà, de nous poser des questions sur sa qualité…
Les syndicats ont désigné leurs grands électeurs, mais il reste la grande inconnue des SAS (sans appartenance syndicale) ; une guerre est d’ores et déjà déclarée entre les « grandes » centrales syndicales pour attirer à elles ces « travailleurs indépendants ». L’USFP s’énerve, ayant perdu à travers la déconfiture électorale de sa branche syndicale, la FDT, toute possibilité de figurer dans les instances institutionnelles ; le PJD guerroie toujours autant contre l’Istiqlal mais, dans tous les cas, que peut-on attendre de bon, à la Chambre des conseillers, de syndicats qui ont boycotté leur propre fête du 1er mai, incapables de se faire entendre, et donc de se faire respecter par le gouvernement ? Rien.
Les chambres professionnelles sont encore en phase de constituer leurs bureaux. Le conflit historique, mais surtout personnel, entre PAM et PJD bat son plein ; les uns et les autres s’accusent mutuellement de malversations. Cela crée des dissensions, des inimitiés, et même des heurts personnels, passionnels, entre futurs élus à la Chambre. Pour le collège électoral professionnel, les partis dits de l’administration – et soyons sérieux, ils le sont un peu… – semblent patauger pour s’exprimer d’une même voix, certains étant dans la majorité, d’autres dans l’opposition. Difficile d’espérer quelque chose de bon de ces « professionnels » pour lesquels l’obtention d’un siège parlementaire semble davantage être une fin personnelle qu’un moyen politique.
Les communales/régionales… Chacun le sait, dans ce collège, si la quantité est là, la qualité y reste souffrante, navrante, affligeante. Une grande partie des candidats potentiels trône déjà
à la Chambre des représentants et ne pourra donc aller à celle des conseillers. Il restera les autres, les ambitieux, les vicieux, les pernicieux que la Chambre des conseillers a l’étrange secret d’attirer. La campagne n’a même pas encore commencé pour ces élections que, déjà, on invalide certains candidats, on en conteste d’autres et on met en doute la solidité et l’efficacité future de l’ensemble. On prend donc les mêmes et on recommence et, comme on dit, les mêmes causes engendrent les mêmes effets…
Il reste la CGEM pour compléter les 120 conseillers qui siègeront et légiféreront… le patronat enverra 8 des siens à la Chambre. Telle qu’on la connaît, Miriem Bensalah Chaqroun s’arrangera pour bien faire les choses, mais que pèseront 8 patrons face à tant de poltrons ? Si, sur le plan fiscal et social, ces employeurs devront être irréprochables, il serait néanmoins dommage qu’ils soient, ou aient été, affiliés à un quelconque parti politique. La CGEM en en sera entachée. En effet, si un candidat est ancien membre d’un parti et qu’il renonce à sa loyauté à ce parti, on serait en droit de s’interroger sur sa fidélité prochaine à la CGEM ; et s’il persiste à son attachement à son parti, on pourrait se demander au nom de qui, réellement, il siègera à la Chambre. Il serait donc meilleur que les candidats du patronat soient politiquement indépendants, afin de mieux représenter leurs pairs patrons.
L’effectif de la Chambre des conseillers a été ramené de 270 à 120… Mais si la valeur n’attend pas le nombre des années, comme disait Corneille, la médiocrité et l’efficacité ne relèvent pas de l’effectif des élus. Il reste l’espoir de voir les chefs de partis désigner comme candidats à la Chambre des gens de valeur, mais c’est peu probable, et que la CGEM envoie comme législateurs des patrons et non des politiques, et c’est souhaitable. A moins que les uns et les autres ne reçoivent un message, énervé, de bon sens et dans le bon sens…