Mohamed Bensaïd Aït Idder, par Hassan Tariq
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- 04 août 2015 --
- Opinions
Une bien belle surprise que celle du roi Mohammed VI décorant le militant Mohamed Bensaïd Aït Idder. Un moment marocain, une histoire bien de chez nous où l’on voit un roi décorant l’icône du militantisme nationaliste et plus tard politique. La distinction remise par le roi au militant est le symbole même de l’estime et de la reconnaissance de tout ce qu’a fait cet homme dans l’histoire récente du pays.
Au départ, les décorations avaient été créées pour matérialiser les remerciements d‘une nation à un de ses enfants. A travers cet insigne, une nation exprime par le geste une vertu, celle de la reconnaissance du mérite, et elle échange des faits et gestes exceptionnels par un peu de loyauté à celui/celle qui les accomplis.
Et Mohamed Bensaïd Aït Idder, le résistant, le militant et le citoyen, mérite en effet les remerciements, la reconnaissance et la loyauté.
Cet homme fraîchement décoré est entré en politique par la grande porte : Résistant et fondateur de l’armée de libération nationale, il a été déçu comme nombre de ses contemporains par les premières années de l’indépendance et il avait alors rejoint les rangs progressistes pour défendre les idéaux qui avaient toujours été les siens…. Un choix difficile qui avait valu à cette époque à son auteur une condamnation à la peine capitale, aux moments les plus forts des années de plomb. Il s’était alors exilé.
Là, en dehors de l’Etat géographique mais au cœur de l’idée même de la nation et de l’Histoire, et aussi suite aux révisions idéologiques et aux contradictions du mouvement progressiste, Mohamed Bensaïd Aït Idder s’est retrouvé fondateur et leader de l’un des courants de gauche marocains, avec une nouvelle génération de dirigeants et une nouvelle vague de rêves et d’espoirs.
En la compagnie de ses nouveaux alliés, le voilà qui fait son retour au Maroc dans les années 80, prenant la tête de l’Organisation de l’action démocratique et populaire, ou OADP, qui était la première manifestation de sa reprise avec l’action politique menée au grand jour et qui était aussi une école de la lutte démocratique et de la gauche renouvelée : cela s’était caractérisé par une position idéologique d’avant-garde, une presse d’un genre nouveau, un esprit nationaliste inédit et une armée de militants
et de militantes aguerris.
Et c’est alors que Bensaïd Aït Idder, élu au parlement, allait marquer de son empreinte son passage dans l’institution législative, en posant des questions au-dessus du « plafond » autorisé (Tazmamart, NDLR), puis il allait s’engager dans le mouvement de la Koutla démocratique avant que la constitution de 1996 n’ait raison de l’unité de son parti. L’homme s’est alors mis à la recherche d’un socialisme unifié. Et puis, avec la dynamique du 20 février 2011, Bensaïd Aït Idder allait se retrouver au centre d’une nouvelle génération de jeunes et d’idéaux. On se rappelle encore de ce qu’il avait dit à ces jeunes, quand il leur avait lancé qu’ « ils avaient ouvert la porte du Maroc sur un avenir de la dignité », des jeunes qu’il avait fermement et activement soutenus en sa qualité du « vieil homme qui continue de rêver d’un avenir meilleur pour ce pays ».
Durant toutes ces étapes de sa vie, et avec ces trois générations à la recherche active de liberté et de démocratie, l’homme s’est toujours montré intègre et fidèle à des engagements et à ses idéaux, clair dans ses orientations et absolument rétif à toute forme de compromis.
Et ainsi donc, dans cette image du roi et du militant plusieurs symboles… Bensaïd qui se présente devant Mohammed VI en costume occidental et chapeau « nationaliste », la mise vestimentaire du mouvement national dont les membres étaient ainsi habillés tout en allant redécouvrir le Maroc dans les mosquées et les quartiers urbains et périurbains, tiraillés entre la pression occidentale coloniale et les tensions et dominations venues d’Orient. Ce tarbouche, Mohammed V le portait déjà avant lui, avant que le makhzen ne confectionne un autre code vestimentaire, la fameuse chéchia.
L’image montre l’importance de l’événement : le roi et le militant face à face, avec entre eux et pour ce que représente chacun d’eux une mémoire entrecoupée de heurts et de malheurs, de scissions et de frictions, de grands malentendus, de concordances mais aussi de divergences. Mais entre eux également tout le patrimoine commun et, surtout, les sentiments de deux hommes.
Et puis l’image montre autre chose : il est possible de concilier d’une part le respect et la considération et, d’autre part, la dignité, et tout cela peut ne former qu’un seul bloc.
M. Mohamed Bensaïd, puissiez-vous rester toujours aussi grand.
Akhbar Alyoum