Notre ami le président !…, par Abdallah Damoune

Notre ami le président !…, par Abdallah Damoune

Une affaire d’espionnage du Maroc par la France a été révélée voici quelques jours. Or, les espions français ne s’intéressent pas à tous les Marocains, mais à leurs responsables seulement, leurs grands responsables. Le modus operandi ? Habituel… les écoutes téléphoniques, aussi riches en informations qu’un « panaché » de fruits l’est en vitamines.

Certains ont considéré cela comme étant un véritable scandale, mais d’autres pensent que la chose est normale tant il est naturel qu’un ami espionne son ami, bien plus que des ennemis ne s’espionnent entre eux. Ne dit-on pas d’ailleurs : « Seigneur, protégez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m’en charge » ?

La question est de savoir la raison pour laquelle les Français s’intéressent aux faits et gestes des dirigeants marocains, et pourquoi ils les traquent ? Ne sont-ils pas tous autant qu’ils sont des frères de lait ? N’accorde-t-on pas aux Français tout ce qu’ils veulent, et même plus ? Les responsables marocains ne sont-ils pas les grands défenseurs de la langue et de la culture françaises ? Les intérêts français au Maroc ne sont-ils donc pas, plus, une cause sacrée ?

La France a occupé et colonisé le Maroc et on murmure que les Français ont trouvé que les Marocains leur ressembl(ai)ent à bien des égards. Les généraux français ont compris le Maroc bien plus et bien mieux que les Marocains eux-mêmes, et ils ont réussi à apprivoiser ces derniers en un temps record, du moins les notables et les responsables.

Et quand la France a quitté le Maroc, elle n’est partie que sur le plan physique, non moral. Elle est même restée et s’est enracinée plus profondément que du temps de sa présence, officiellement. La langue de Molière continue de « piétiner » l’arabe, supposée être la langue officielle du pays, du moins dans la constitution. Et les affaires des Français au Maroc sont toujours aussi sacrées que la Sainte Kaâba ; quiconque veut les atteindre s’y brûle les doigts et les responsables marocains persistent à voir dans la France leur mère poule, leur mère tout court, dont ils aspirent le lait, à grandes goulées, matin et soir.

Dans la théorie soufie, il existe un principe qui veut que les corps s’assemblent puis se ressemblent au point de ne plus former qu’un seul. C’est que disait le grand Inn al-Arabi : « S’il veut, je veux, et si je veux, il veut »… et c’est bien le cas pour le Maroc et la France.

Le Maroc et la France entretiennent une relation d’amour très particulière… que l’on n’oublie la passion de Roméo et Juliette, de Kaïs et Leïla, d’Antar et Abla et que l’on scrute celle de Rabat et Paris. Le plus étrange est que quand un conflit ou une mésentente survient, la France penche un peu plus du côté algérien, pour rendre encore plus jaloux le Maroc, et le Maroc se jette un peu plus dans les bras de Madrid, pour rendre encore plus jalouse la France.


La passion et les sentiments remplissent alors leur office et les deux tourtereaux retombent bien vite dans les bras l’un de l’autre, éperdument amoureux.

Mais il y a plus que cela, les choses vont plus loin qu’une simple histoire d’amour… les intérêts aussi, et surtout, sont là, et c’est pour cela que Paris craint plus que tout qu’un autre vienne lui ravir son Maroc bien-aimé. La France n’a qu’à exprimer un souhait, le Maroc le lui accorde sans hésiter, très vite, une grande gerbe de fleurs en prime.

L’espionnage officiel par la France de hauts responsables marocains a commencé du temps de l’ancien président Nicolas Sarkozy, et il se poursuit encore. Cette vaste opération d’espionnage aura coûté au départ quelque 700 millions d’euros, et on continue de financer pour mieux écouter. Et pourtant, Sarkozy est cet homme que nous considérons comme notre père, ou notre (tout) petit frère… mais il n’a qu’à ouvrir la bouche pour faire part d’une demande qu’elle est immédiatement satisfaite, avant même qu’il ne termine de l’exprimer.

Il avait émis le vœu de nous fourguer un TGV. Fort bien, le Maroc s’y est engagé à grande vitesse et les défenseurs de ce marché idiot nous vendent l’idée que désormais le Marocain pourra faire en une heure et demie seulement le trajet entre Rabat et Tanger. Mais même si les Marocains avaient voyagé à dos de mulets, ils n’auraient pas vu de différence car le jour où ils s’engouffreront dans un TGV pour aller à Rabat y subir une opération chirurgicale, ils s’entendront répondre, une fois sur place, qu’il faut attendre trois mois pour que le chirurgien soit disponible. Quel est donc l’intérêt d’un TGV dans un pays qui marche à l’allure d’une tortue ?

Sarkozy est également derrière la société Veolia Amendis de distribution d’eau et d’électricité dans bien des villes du Maroc et les Marocains ont souvent entendu parler de cette histoire qui présente l’ancien président comme ayant été à l’origine de l’éviction de ce maire d’une grande ville, limogé pour avoir refusé la domination de ladite entreprise.

Et c’est ce même Sarkozy qui avait été accusé par Kadhafi d’avoir accepté le financement de sa campagne électorale présidentielle, lequel Kadhafi avait plus tard été assassiné par les services français, afin qu’il emmène son secret dans la tombe. C’est cela, Sarkozy…

Et c’est encore Sarkozy qui, bien qu’il ait mis en place le vaste réseau d’écoutes des responsables marocains, était sur notre sol voici quelques semaines et y a été reçu en grande pompe par ces mêmes responsables, comme s’il était encore président.

Sarkozy, enfin, se comporte avec nous comme il le ferait avec une république bananière… Il prend notre fric, nous espionne, nous vend ce qu’il veut comme il veut et quand il le veut, démettant de leurs fonctions qui il veut pour la raison qu’il veut, puis il vient chez nous quand il veut pour y être reçu de la manière qu’il veut…

Il est notre ami le président !

Al Massae