La guerre avec l’Algérie, par Noureddine Miftah

La guerre avec l’Algérie, par Noureddine Miftah

Ce titre aurait pu être décliné de bien des manières, qui auraient toutes été pertinentes… « La guerre avec l’Algérie », ou « la guerre contre l’Algérie », ou encore « la guerre de l’Algérie », le tout est de maintenir le terme « guerre » et le nom des deux pays voisins pour procurer du sens à la formule. Cette guerre puise ses origines loin dans le temps, probablement depuis les années 60, mais il n’est pas nécessaire, en ce mois de ramadan, de remonter si loin dans ces faits historiques, bien que leur connaissance eût pu aider à mieux comprendre la réalité d’aujourd’hui.

Les récentes et dernières évolutions de ce conflit montrent un nouvel épisode de la guerre active qui se déroule… Il s’agit de la visite du roi Mohammed VI, ce mois de juin, dans plusieurs pays africains, puis de la réaction du premier ministre algérien Abdelmalek Sellal au sommet de l’Union africaine (UA) en Afrique du Sud, puis la riposte indirecte du Maroc dans un journal télévisé, et encore la visite éclair du président Hollande en Algérie et les propos étranges qu’il y a tenus, et ensuite la réponse marocaine à travers le diversement interprété  accueil de chef d’Etat  réservé à Nicolas Sarkozy… Et puis, tout cela s’est conclu par le lancement de la grosse usine de PSA à Kenitra, une implantation qui achèvera de conférer au Maroc le statut de plus important exportateur d’automobiles de la région, un statut qui a été très mal reçu et vécu en Algérie.

Le succès du Maroc suite au vote du Conseil de sécurité (CS) de l’ONU en avril ne concerne pas uniquement le non-élargissement des attributions de la MINURSO aux questions de droits de l’Homme. Ce succès réside aussi et surtout dans la reconnaissance par l’instance mondiale des indéniables progrès réalisés dans ce domaine de respect des droits au Sahara. Qui plus est, la mention par le CS de la situation qui prévaut dans les camps de Tindouf et la mise en échec de l’entreprise de l’UA œuvrant à se constituer partie dans le conflit du Sahara ont sonné comme autant de désillusions pour le palais de la Mouradia (présidence algérienne). Et toute désillusion donne lieu à encore plus de férocité, accrue encore plus, bien plus par la tournée royale en Afrique.

Après une décennie d’attente et d’observation, le roi Mohammed VI a choisi d’affronter l’Algérie avec une arme qu’elle ne possède pas, et qui a pour nom la diplomatie économique. Le Maroc a donc œuvré à exporter ses succès en développement dans des pays subsahariens qui y croient, et il a aussi travaillé sur la création et l’expansion de la richesse par le travail, l’innovation et la créativité. L’exemple a été donné d’une bonne coopération gagnant-gagnant par le lancement de projets concrets, une approche prenant totalement le contrepied de cette ancienne stratégie de guerre consistant à acheter les gouvernements à grands coups de millions de dollars dont les populations ne profitaient jamais.

Là, l’Algérie a eu quelque difficulté à suivre car une économie fondée sur la rente gazière ne lui conférait aucune maîtrise ni légitimité, et encore moins de compétences, pour créer de la richesse à partir de la rareté, pour transformer cette rareté en opulence. Quiconque suivrait les écrits et les commentaires, conséquents ou non, en Algérie sur la situation actuelle comprendrait que notre voisin de l’est s’est lui-même mis dans un piège inextricable. En effet, alors même que les dirigeants algériens se sont toujours évertués à mettre des bâtons dans les roues de l’attelage Maroc avec les différentes déclinaisons de l’affaire du Sahara, ce dernier a su se lancer dans un processus de développement désormais pris pour exemple par les pays


de la région et donné comme modèle par les pays avancés, en dépit des grandes disparités sociales qui règnent encore sous nos cieux.

Pendant ce temps, l’Algérie est restée captive d’une affaire ancienne, conduite selon un procédé dépassé se fondant sur les envolées oratoires lyriques, les grands principes éculés, les manœuvres et manipulations à puissants jets de devises, entretenant une persistante hostilité pour le Maroc. A partir de là et dans cette logique, on peut comprendre les sorties du premier ministre algérien à Johannesburg, s’entretenant du Maroc dans des propos frisant l’insulte, affirmant le regard droit et la main sur le cœur que « le Maroc conduit encore une politique de colonisation au Sahara, remontant à des temps immémoriaux », et que le Sahara est aujourd’hui la dernière colonie en Afrique.

Pour faire simple, Alger voyait et imaginer un Maroc englué dans les sables du Sahara, exsangue, au bord de l’effondrement, paupérisé, sans routes ni autoroutes, sans ports ni aéroports, sans agriculture ni tourisme et encore moins d’industrie… En face, Alger s’imaginait et se voyait comme étant encore et toujours ce pays de la révolution et de l’évolution, qui crée la richesse et exporte le développement en restant le premier et dernier recours des peuples pour défendre leur indépendance. Las… C’est l’inverse qui s’est produit.

Le Maroc a troqué ses années de plomb pour celles du ciment, a changé sa situation jusques-y compris au Sahara où le respect des droits est en progrès constant. C’est pourquoi on peut comprendre que sur notre sol Renault fabrique, PSA se construit, l’aéronautique prospère et le Plan vert en agriculture prend des couleurs. Il reste bien évidemment des problèmes à résoudre, plutôt complexes, mais les Marocains s’y attellent, installés sur un socle dur, ferme et affermi qui est celui de la stabilité, de l’existence d’institutions solides et d’un développement économique et d’une démocratie politique prometteurs. C’est sur ce terrain et ce socle que nous discutons des autres problèmes, les insuffisances encore constatées en matière de respect des droits de l’Homme, la corruption, la précarité d’une partie de la population, la santé souffrante, le cauchemar de l’école publique… autant de points qui restent à travailler et qui ne seront, à l’instar des autres nations, jamais définitivement ni durablement résolus, et qui feront toujours l’objet de débats.

Et donc, à mon avis, un pays qui dispose de ces atouts et de ces capacités de riposte à l’Algérie, à ses milliards et à ses manœuvres et autres manipulations pour affaiblir le Maroc et le seul Maroc ne doit précisément pas répondre à un régime algérien encore pris dans une logique de guerre froide, de même qu’il ne doit pas à s’en prendre à un chef d’Etat plutôt malade. Ce Maroc ne doit pas dire dans un journal télévisé 2Mien qu’ « un printemps orageux emportera la direction algérienne aussi fermée qu’arrogante… et que le vieux président n’a gagné que des élections dominées de la tête et des galons par des généraux qui placent qui ils veulent où ils veulent pour lui faire faire ce qu’ils veulent… ».

Dernière chose… qui est que ce que nous pouvons dire à l’Algérie a déjà été dit par le roi Mohammed VI lors de discours de la Marche Verte. Il a été aussi clair qu’explicite à l’égard de l’Algérie, nommément citée, de l’Europe, de l’Amérique et des élites sahraouies qui persistent à s’engraisser de et par la rente. Le dialogue avec notre voisin, si on peut appeler cela de cette manière, devra alors se poursuivre par le travail… Toute avancée démocratique, tout progrès en transparence, toute amélioration en liberté et en dignité, en plus de raffermir notre intégrité territoriale,  éclateront comme une bombe atomique dans cette guerre que nous n’avons pas voulue avec le régime algérien.

Al Ayyam