Pourquoi refuser l'art de Dieudonné et accepter la poubelle d'Ayouch ?, par Abdallah Damoune
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- 15 juin 2015 --
- Opinions
Les Marocains ont habituellement la mémoire courte, ce qui est heureux et même bienheureux, car si tel n'avait pas été le cas, les dépressions nerveuses et les dépressions tout court auraient explosé... Ainsi, les événements plus ou moins douteux se suivent à un rythme aussi rapide que leur mauvais goût est prononcé, ne laissant pas aux populations le temps de s'y attarder, au point qu'elles ne se souviennent finalement de rien. Heureux, donc...
Et ainsi donc, ce scandale du film porno du dénommé Nabil Ayouch n'a pas eu le temps d'être médité, pas plus que ses responsables n'ont été poursuivis car juste après cette histoire, nous avons eu droit au spectacle plutôt dénudé de l'Américaine Jennifer Lopez… puis, aussitôt après, ce sont deux Françaises partisanes de l'homosexualité qui se sont faites photographier sur l'esplanade de la mosquée de la Tour Hassan. Cette histoire n'était pas encore oubliée qu'un chanteur homosexuel lui aussi est monté sur scène à Mawazine, arborant en grand un X, comme une croix qu'il a placée sur la constitution qui interdit l'homosexualité. Nous pouvons donc raisonnablement nous attendre à d'autres événements du même type qui feront oublier ceux qui les ont précédés.
Mais prenons un seul de ces faits qui se sont récemment produits et méditons-y un peu… nous y découvririons une extraordinaire dose de schizophrénie et d'hypocrisie qui existent en ce pays… une hypocrisie partagée par beaucoup de personnes, officielles ou non, qui indiquent que nous sommes un pays qui marche sans boussole, et pas seulement en politique mais dans bien d'autres domaines, voire tous les domaines. Revenons donc quelques semaines en arrière et recensons les différents événements.
Lorsque l'humoriste français Dieudonné avait voulu organiser un spectacle sur nos terres, des voix s'étaient élevées pour dénoncer sa venue au Maroc comme si cet homme avait été à lui seul une bombe A. On l'avait qualifié de tous les noms et de tous les adjectifs, et on l’avait accusé de tous les maux, usant de tous les mots, comme l'antisémitisme et l'incitation à la haine. Suite à cela, le résultat escompté avait été atteint et l'artiste avait été interdit de spectacle.
Dieudonné est un artiste, un véritable artiste, défendant des causes humanitaires dont il est convaincu et qu'il défend avec le talent qu'on lui connaît. Il est effectivement sujet à polémique, mais en tout état de cause, il est bien meilleur que tous ces artistes qui essaient de faire rire leur public par tous les moyens, comme par exemple glisser une peau de banane sous les pieds d’un particulier et s'esclaffer devant le résultat.
Ceux qui s'étaient opposés à la venue de Dieudonné chez nous au prétexte qu'il incite à la haine et qu'il a plus d'audace que nécessaire sont les mêmes qui avaient pris la défense de l'hebdomadaire provocateur Charlie Hebdo qui moque les musulmans et les autres, tous les autres. Certains contempteurs de Dieudonné étaient sortis manifester dans les rues, brandissant des écriteaux où était marquée l'inscription "je suis Charlie", bien que ce périodique avait fait
dans l'incitation à la haine et au mépris, alors que Dieudonné se contente de faire rire les gens d'une manière civilisée et talentueuse.
Et donc, la liberté conférée à Charlie Hebdo dans ses attaques contre les religions et les sarcasmes contre leurs symboles est refusée à un artiste comme Dieudonné qui ne moque pas les religions mais se concentre sur les politiques, sur les incohérences historiques et sur les mensonges. La liberté n'est donc pas un air que doit respirer tout le monde, mais quelques-uns seulement… Cette liberté est comme une marchandise offerte aux uns, monopolisée par d'autres, et interdite au reste.
Et puis, ces jours-ci, l'hypocrisie est revenue en force dans ce pays des contradictions qu'est le Maroc… Ceux qui détestent Dieudonné car, comme ils disent, il est antisémite sont les mêmes qui ont défendu bec et ongles le réalisateur pornographique, pardon cinématographique, Nabil Ayouch, spécialisé devant l'Eternel en films pornos consacrés au Maroc et aux Marocains.
Dieudonné est interdit de spectacle au Maroc et pour cela, les modernistes hypocrites ont applaudi la décision, et ce sont les mêmes qui gémissent et vitupèrent de voir interdit le film insipide de Nabil Ayouch dans les salles marocaines.
Dans ses spectacles, Dieudonné parle de choses importantes. Oh certes, il y a des choses à dire sur ses sketches mais il n'en demeure pas moins que cet artiste s'inspire de faits sociaux, de l'hypocrisie ambiante et des faits et gestes des puissants lobbies qui dirigent le monde. Il dénonce les mensonges historiques et épingle le racisme, mais malgré cela, pour cela, il est interdit.
Ayouch, quant à lui, ne connaît que le vocabulaire grossier, le sexe apparent et la nudité dans toute sa splendeur. Quel que soit le thème qu'il traite, il ne peut s'empêcher de verser dans le vulgaire ni de sacrer et de consacrer le sexe. A défaut d'être un artiste, il s'est fait réalisateur provocateur. Dans un de ses films sur le terrorisme, il avait veillé à mettre dans la bouche de ses comédiens tous les termes orduriers possibles, de même qu'il avait tenu à tourner des scènes obscènes, bien qu'il aurait pu passer son message d'une manière autre, différente, plus facile et plus acceptée. Il ne fait guère la différence entre un lupanar et une salle de cinéma, pas plus qu'il ne distingue des toilettes une salle de projection. Et malgré cela, cet homme trouve des partisans parmi les chantres de la modernité aussi artificielle que malade.
Dans un film américain sur le Sida, les gens ont tous vu la maladie, la misère, la peur, la terreur et la mort, mais ils n’ont pas vu le stupre et le lucre. Cela se passait à Hollywood, la Mecque du cinéma mondial… Ayouch, quant à lui, dénude ses compatriotes et vend le Maroc comme une citadelle de la prostitution. Et avec cela, il arrive à se procurer les milliards de l'argent public pour produire et réaliser ses films. Questionnez donc Fayçal Laâraïchi sur ces milliards, mais cela est une autre histoire à laquelle nous nous attellerons plus tard, prochainement.
Al Massae