Quelques réflexions sur quelques événements, pour quelque méditation..., par Sanaa Elaji

Quelques réflexions sur quelques événements, pour quelque méditation..., par Sanaa Elaji

1/ Que signifie et comment expliquer qu'al Oula et d'autres médias aient révélé les identités des deux homosexuels qui ont récemment été interpellés à Rabat ? Comment et pourquoi leurs vies et celles de leurs proches  ont-elles ainsi été mises en danger, en cette époque où les discours moralisateurs se suivent, se ressemblent et rassemblent ? Pourquoi ces slogans vengeurs hurlés lors des "manifestations" et "sit-in" organisés à cette occasion, du type (difficilement traduisible) de "quelle honte, quelle honte, l'islam est en danger !" ?

Serait-ce donc que deux homosexuels, nonobstant ce que l'on pourrait penser de l'homosexualité, pourraient menacer la religion ? Je pense quant à moi que ceux qui ont pensé et proclamé ce slogan méprisent l'islam bien plus que ne le peut faire un quelconque homosexuel. Et pourquoi donc, au nom de quel principe, les familles devraient-elles être exposées et payer le prix d'orientations sexuelles de certains de leurs proches qu'elles doivent peut-être elles-mêmes récuser ?

Plusieurs sites d'informations nous ont stupéfaits, estomaqués, avec des titres nauséabonds, bien que certains d'entre eux figurent pourtant parmi ceux que l'on pourrait étiqueter de responsables et professionnels. Las... la course effrénée au "clic", la volonté débridée d'augmenter le nombre de visiteurs et l'âpreté au gain justifient tout, semblerait-il. Personne n'est obligé de défendre les homosexuels ou les "Femen" et personne n'est tenu d'endosser leur cause, mais quelles que soient les divergences que nous puissions avoir avec quelqu'un, cela ne doit pas l'empêcher d'avoir le droit à un procès équitable, au lieu de ce déferlement d'animosité et de toute cette hostilité qui menacent sa sécurité, voire même son existence.

2/ On continue encore de gloser autour de Mawazine et de la soirée de Jennifer Lopez. Une plainte a même été déposée en justice contre cette dernière pour sa fort suggestive chorégraphie. Mais sous nos cieux, on ne semble pas craindre le ridicule. J'essaie, je tente, je m'évertue de comprendre les ressorts intellectuels de ceux qui ont conçu l'idée de cette plainte... Sont-ils vraiment sérieux ? Notre chef du gouvernement a pour sa part adressé un courrier à la HACA (Haute autorité pour la communication audiovisuelle) au sujet de la diffusion de cette soirée sur 2M. Nous attendrons la réponse de cette institution.

Mais, dans l'intervalle, je regarde les chiffres et je médite... Cette soirée, donc, diffusée en dehors des heures de pic d'audience, à 23h30, a été regardée par 1,2 million de personnes, et 160.000 spectateurs avaient fait le déplacement pour suivre le concert de Jennifer Lopez à Rabat. Sans commentaires... Et, pour information, Mawazine 2015 a attiré 2,650 millions de personnes. Mais rappelons-nous qu'en 2011, le PJD avait receuilli les suffrages de 1,2 million de votants, autant que les téléspectateurs qui ont suivi à la télé la prestation de l'artiste américaine et moitié moins que le nombre de spectateurs de Mawazine.

C'est pour cela que, simplement, je dis que personne n'est aujourd'hui, dans ce pays, en mesure de parler au nom de tous les Marocains. Il y en a qui sont emportés par les chorégraphies de Jennifer Lopez, mais il y  en a d'autres qui préfèrent les paroles


et le chant de Majda Roumy, ou encore les spectacles de Chaâbi (270.000 spectateurs). D'autres sont attirés par les soirées des musiques  panégyriques du Prophète, et une autre catégorie n'aime tout simplement pas la musique... Alors, cessez, je vous prie, d'exercer ou de tenter d'exercer votre tutelle sur nous. Laissez-nous, nous vous en saurions gré, choisir notre musique, notre cinéma, nos programmes... Faites-nous la gentillesse de nous laisser la liberté d'avoir nos propres goûts...

3/ A l'écriture de ces lignes, 11 enfants ont perdu la vie sur cette plage de Skhirat. Nos condoléances aux familles sinistrées. Quelle tragédie que d'envoyer son enfant dans une expédition, puis de le perdre, à jamais. Bien évidemment, cela existe dans tous les pays du monde et il peut arriver partout et à n'importe quel moment qu'un accident de la circulation survienne, qu'une noyade emporte la vie d'un être cher ou qu'un bâtiment s'effondre sur ses occupants. Mais chez nous, une grande partie de ces drames provient du désordre qui sévit. Quand donc ce type de voyages organisés pour des enfants sera-t-il sérieusement encadré et sécurisé pour éviter de tels drames ? Les accompagnateurs et surveillants réunissent-ils vraiment toutes les conditions pour s'acquitter de la tâche à eux confiée ?

 Mais bon, arrivés là, on se contentera de nous en remettre à Dieu. Nous ne protesterons pas. nous ne manifesterons pas. nous ne vitupérerons pas sur les réseaux sociaux. Il n'y a plus ni séants dansants, ni "Femen" en top less ni sexe, ni rien. Et quelle est donc la position de MM. el Khalfi, Benkirane, Chabat ,  Benabdallah et de tous ceux qui ont exprimé une opinion sur "Much loved", sur Jennifer Lopez, sur Mawazine ? Oh, mais ils n'ont rien dit sur le drame de Skhirat... Evidemment, cela ne touche pas à notre sacro-sainte image et réputation de Marocains, n'atteint pas notre religion et encore moins nos "valeurs", ces valeurs qui sontfinalement  réduites au sexe... Mais cela est un autre sujet.

4/ En une semaine, j'ai dû lire au moins quatre informations se rapportant à des viols d'enfants, certains de nature incestueuse. La société civile évoque 25.000 cas d'actes pédophiliques par an. Mais je n'ai encore jamais entendu parler de manifestations contre ces actes abjects, et pas non plus de sit-in devant les maisons des auteurs de ces agressions, et encore moins de dénonciations des harceleurs, de ceux qui violentent leurs épouses. Aucune marche ni grogne contre ceux qui s'en prennent à leurs propres parents. La défense des valeurs et l'appartenance à l'islam seraient-elles donc si sélectives ?

5/ En un mot comme en cent, nous n'avons pas pu solutionner les problèmes de corruption, de pauvreté, de marginalisation, de pédophilie... de même que nous n'avons pas su améliorer les secteurs de la santé ou de l'éducation... Nous voyons partout des vols, des viols, des harcèlements sexuels, des comportements peu ou pas citoyens... Mais rien de tout cela ne nous fait remuer le petit doigt. Seules les questions de mœurs, et avec une admirable sélectivité dans leur nature, font bouger la rue et la scène politique... Mais peut-être qu'en cette année électorale, ceci expliquerait cela. Sans doute...

Al Ahdath al Maghribiya