Vive Jennifer, et vive Shakira… et que les autres crèvent !, par Abdallah Damoune

Vive Jennifer, et vive Shakira… et que les autres crèvent !, par Abdallah Damoune

Revenons sur quelques informations parues sur quelques médias durant les quelques jours passés… 6.000 écoles au Maroc ne disposent pas de toilettes, une femme s’est noyée avec son enfant suite à l’effondrement d’un pont pourri en bois encore plus pourri, une ONG internationale met en garde le Maroc contre une agression biologique, des milliers de malades du cœur au Maroc risquent le trépas en raison de ruptures de stocks de médicaments, un Marocain accepte de vendre son rein en Espagne pour 6.000 euros, les ménages marocains pessimistes quant à leur capacité d’épargne pour l’année à venir et 38% doivent emprunter pour boucler leurs fins de mois, un scandale immobilier à Marrakech fait 160 victimes, de grosses exploitations agricoles utilisent des produits prohibés pour l’engraissement de la volaille, la moitié des poissons vendus au Maroc est impropre à la consommation, une étude internationale affirme que les mères au Maroc ont toutes les peines du monde à assurer l’éducation de leurs progénitures, une autre étude classe l’école marocaine parmi les plus mauvaises de la terre, les universités marocaines absentes de tous les classements mondiaux de qualité, une mère a accouché à Taroudant à la lumière de portables…

Voilà donc un aperçu absolument pas exhaustif des nouvelles parues sur la presse durant les quelques jours écoulés. Si nous avions fait une lecture de toute une semaine, la migraine aurait été là, compliquée de nausée, et aurait nécessité une hospitalisation d’urgence.

Pourriez-vous croire qu’un pays indépendant depuis 60 ans connaît encore de tels événements, sachant qu’il ne s’agit là que d’informations sociales rapportant le quotidien des populations ?... Si nous avions étendu cela à la politique, l’économie et les actes de détournements et de concussion que connaît le pays, les Marocains auraient été en droit de demander l’intervention de l’ONU pour prononcer l’incapacité de nos gouvernants et autres responsables, immédiatement et sans plus tarder…

Mais nos grands, valeureux et preux sages nous disent la main sur le cœur qu’après la pluie, arrive le beau temps et  qu’à la fin du tunnel, la lumière point. Et cette lumière est proche, très proche, encore plus proche que nous ne le pensons, et elle porte un nom. Le festival « Mawazine », qui se tient à la fin du mois à Rabat. Et de cette lumière, une autre jaillit, plus étincelante, encore plus brillante et elle aussi a un nom : Jennifer Lopez.

Qui ne connaît pas Jennifer Lopez, qui oserait dire qu’il ne la connaît pas, elle qui, où qu’elle soit et où qu’elle se montre, fait trembler la terre et tressaillir les humains, tous les humains ?...

Et vous voyez donc qu’après le malheur, le bonheur est toujours là, et que toutes les mauvaises nouvelles que peut connaître une nation, notre nation, ne valent pas un kopeck troué à côté de cette bonne et heureuse


nouvelle de l’arrivée de Jennifer Lopez dans notre heureux royaume ! Et c’est pour cette raison aussi que les responsables de Mawazine ont fixé le prix du ticket, pour celles et ceux qui veulent voir la diva de près, à 1.200 DH.

Et c’est cela qui fait le charme de notre pays bien-aimé… on passe du chaud au froid et du froid au chaud en un clin d’œil. Et sitôt après avoir lu toutes ces tristes et affligeantes nouvelles dans la presse, on nous assène l’information de l’arrivée de la star mondiale qui, la plupart du temps, oublie de s’habiller en montant sur scène et se fait accompagner par des danseuses et des danseurs qui, elles et eux aussi, semblent souffrir d’une pareille amnésie vestimentaire…

Peu importe, donc, que 6.000 écoles soient sans toilettes sur nos terres car si on compare ce fait anodin avec les charmes et la plastique de Jennifer sautant et tressautant sur les planches, on vouera au diable toutes les toilettes du monde et on oubliera tous ces enfants tenus de se contenir ou, si ce n’est vraiment pas possible, contraints de faire ce qu’ils veulent là où ils veulent.

La situation n’est alors pas aussi cataclysmique que les pessimistes ignorants qui voient tout en noir souhaitent nous faire croire et entrevoir ; ces gens sont des ennemis de la nation, des adversaires de la modernité triomphante ; ils jouent les corbeaux, ils sont les rabat-joie. Ils veulent plus que tout au monde gâcher cette fête de la venue de Madame Jennifer Lopez en nos contrées. Il n’y a que des nihilistes en mal de soins qui estiment que 6.000 écoles sans toilettes est une chose nauséabonde, car s’ils se donnaient la peine de comparer les deux événements, 6.000 écoles sans toilettes et la montée sur scène à Rabat de Jennifer Lopez, ils se rendraient bien vite compte qu’il n’y a absolument pas matière à dépérir.

Lors d’une précédente édition de Mawazine, la terre avait tremblé sous les protestations de ceux qui pensaient que le milliard et deux cents millions de centimes payés à l’artiste Shakira pour deux heures de spectacle était très cher payé. Mais ces envieux, teigneux, ne voient pas l’autre face de la médaille, à savoir que le Maroc était devenu présent dans tous les esprits et sur toutes les langues … Et voilà que le même Maroc sera au centre de tout et dans les cœurs et les âmes de tous après que la vertueuse Jennifer Lopez eut fait un tour chez nous. Après Shakira, les Marocains sont-ils morts de faim ? Non, et au contraire, le mot Maroc a été inscrit partout en lettre d’or brillant, comme le séant de cette chanteuse colombienne, et c’est exactement ce qui se produira cette fois-ci avec la très respectée chanteuse Lopez…

Alors… vive Jennifer, et vive Shakira… et que les autres crèvent !

Al Massae