La guerre est, aussi, affaire de communication et d’images, par Aziz Boucetta
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- 16 mai 2015 --
- Opinions
Le lieutenant Yassine Bahti serait donc mort, selon un communiqué des Forces armées royales, publié samedi 15 mai, 24 heures après l’hommage appuyé rendu à cet officier par l’armée, dans son message adressé au roi. Si les troupes engagées sur des théâtres d’opération extérieurs doivent être soutenues par leur population, leur état-major doit également plus et mieux communiquer et le gouvernement doit également assurer une communication au parlement sur l’engagement de l’armée.
Le Maroc a rénové sa doctrine militaire, diplomatique et géostratégique. Il doit également et désormais changer ses méthodes de communication. La succession de toute évidence bien étudiée des informations fournies par l’armée indique une déficience de communication de départ ; quand, en effet, l’information sur la perte de l’avion avait été révélée, cela n’avait pas été par volonté d’informer mais pour relayer les informations apportées par des agences de communication du Golfe, puis d’ailleurs.
Un service de communication des FAR
L’utilité est manifeste de disposer d’un service de communication des FAR, auquel les médias pourraient se référer et/ou s’adresser pour avoir des informations, et ne pas en être réduits à reprendre les images de ceux-là mêmes qui ont abattu le F-16. C’est effarant, dans la guerre des images, il semblerait que les Houthis aient remporté une manche ; si on y ajoute la perte de l’avion, cela fait trop. Un officier des FAR communiquant, recevant les médias, se laissant filmer et répondant aux questions auraient rempli l’espace médiatique et virtuel. On écouterait ce qu’il dirait, et on privilégierait ce qu’il affirmerait, exactement comme le SIRPA français (Service d'informations et de relations publiques des armées) ou le service de communication de l’armée US ou britannique. Nous avions pris position ici sur l'indécence à publier des images au désavantage de l'armée, mais celle-ci aurait gagnée à être pmlus transparente qu'elle ne l'a été.
Les médias, qu’un communiqué des FAR a qualifié d’ « irresponsables », ont d’abord dit que le pilote était disparu (source, FAR et autres agences), puis mort (information houthie), avant de publier ses images, (trouvées suite à un travail journalistique), et puis de déclarer ensuite qu’il était vivant (info houthie), et ensuite que l’ancien Envoyé spécial
de l’ONU au Yémen, le Marocain Jamal Benomar, œuvrait à récupérer le corps… et dans tout ce flot d’informations, ni les FAR, discrètes à l‘extrême, ni le gouvernement, qui ne s’occupe pas de ces choses-là ni le parlement, incompétent dans les sens usuel et juridique du terme, n’ont donné d’informations
Une communication de l’état d’engagement, ou de guerre au parlement
Et puis… Y a-t-il une guerre ? Des avions chasseurs font des sorties de combat, armés, usent de leurs armes et tirent leurs missiles et rentrent à la base en attente d’autres missions ; un autre avion s’écrase, tombé ou abattu, et son pilote décède. Qu’elle soit ou non officiellement déclarée, tout cela ressemble bien à une guerre. Or, que dit la constitution ? Article 49 : « Le Conseil des ministres délibère (…) de la déclaration de guerre » puis, article 99, « la déclaration de guerre, décidée en Conseil des ministres, conformément à l’article 49 de la présente Constitution, a lieu après communication faite par le Roi au Parlement ».
Etat de guerre conventionnelle, contre l’armée régulière d’un Etat, ou asymétrique, contre des groupes terroristes ou assimilés, les Marocains étaient, et sont toujours, en droit de savoir ce que fait leur armée, dans quoi elle est engagée, dans quels objectifs, pour quels bénéfices, pour combien de temps ? S’il est nécessaire de dire la vérité, l’Etat n’est pas pour autant obligé de dire toute la vérité, rien que la vérité… les secrets d’Etat seraient ainsi préservés et le respect des populations, aussi.
En plus du Sahara, l’armée marocaine est engagée aujourd’hui dans deux théâtres d’opération, militaires, donc dangereux. En Syrie (et peut-être, qui sait, en Irak) et au Yémen. Nous ne savons pas, donc, précisément, si ce sont des guerres ou non, pas plus que nous n’apprenons spontanément si pertes il y a, de quelle nature et de quelle ampleur.
Le Maroc connaît depuis quelques années un véritable foisonnement médiatique, de même qu’un bouillonnement dans les réseaux sociaux. Les nouvelles circulent, la demande en infrmation augmente, mais l’offre ne suit pas. Cela fait commettre des impairs aux uns, soucieux d’obtenir l’information et de la relayer auprès de la population, et aux autres, avares de communication et en retard sur leur temps.