Ces criminels qui ont assassiné nos enfants à Tan Tan, par Noureddine Miftah

Ces criminels qui ont assassiné nos enfants à Tan Tan, par Noureddine Miftah

Chaque fois, ils ne nous laissent que nos yeux pour pleurer ces dizaines de victimes… et chaque fois, encore, toujours, les larmes coulent tellement que les glandes lacrymales se tarissent…

Chaque fois, encore, toujours, le ministre, le gouverneur, le président, le caïd et tous ces responsables cherchent des mots de condoléances pour consoler la nation de la perte de ses enfants qui meurent par traîtrise. Leurs mots sont aussi froids qu’une morgue. Qui donc est responsable quand tout ce monde pleure, encore et tellement que l’on ne peut plus distinguer les larmes d’une mère ravagée de celles d’un crocodile ? Qu’est-il arrivé à ceux qui se sont rendus coupables de la mort des habitants de l’immeuble du quartier Bourgogne, de ceux de l’ancienne médina de Casablanca, des 50 employés de l’usine Rosamor brûlés vifs, des 43 passagers de l’autobus du Tizi’n Tichka, des 35 victimes des inondations de Guelmim, et la liste des morts est encore longue ?...

Ils comptent sur l’oubli pour blanchir les criminels après que les blessures des victimes et de leurs familles se referment, mal… mais ils se trompent car à chaque nouveau drame les blessures se rouvrent et dans les cœurs des gens grandit ce sentiment de hogra que leur voue la nation, de même que se développe dans leur esprit l’idée que leurs enfants, leurs âmes, leurs pères et leurs mères ne valent pas un kopeck et qu’ils ne sont égaux que face à la souffrance, ici ou ailleurs, à Rabat ou dans les coins les plus reculés du pays.

Seigneur, est-il donc possible que 34 enfants périssent brûlés sur une voie publique, alors que nous ne subissons les bombardements de personne et que nous ne sommes en guerre contre personne ? Si nous l’avions été, les mères de cette chère ville de Laâyoune n’auraient jamais laissé leurs enfants s’aventurer sur des routes où l’on crève… mais elles savent, aujourd’hui, ces mères, que la guerre est là, et pas seulement la guerre des routes mais aussi et surtout celle des brigands et des truands, de la corruption et de la rente et, principalement, la guerre faite de chantage dans nos provinces du Sud, là où certains Sahraouis nous disent en substance : « Laissez-nous traire cette vache à lait, laissez-nous vous massacrer ou nous basculerons séparatistes ». Misère du commerce et misère de notre sort…

Le transport d’enfants, dans le monde entier, a des conditions… et quand ce transport se fait sous la responsabilité d’un organisme public, ces conditions sont plus draconiennes. Le transport des carburants répond aussi à des conditions précises et fermes. Mais quand ces deux transports se percutent, nous sommes alors face à un véritable crime, et la sanction doit tomber, sévère, dure, rude.

Le ministère de l’Intérieur a publié un communiqué qui rend ses conclusions avant même la fin de l’enquête diligentée sous la supervision du parquet, donc de la justice. L’Intérieur est une administration et elle est aussi partie dans cette affaire car ils sont plusieurs de ces cadres qui


devront donner des explications et rendre des comptes pour éclairer la justice. Que le communiqué démente que le camion transportait du carburant est une donnée claire ; mais qu’il affirme que ce camion est propriété d’une société de transport casablancaise, sans dévoiler son nom, alors même que connaître la vérité est le droit des familles sinistrées et accablées et de tous les Marocains… qu’il nie que ce camion transportait du carburant de contrebande, cela devient  une violation manifeste du secret de l’instruction et ajoute encore plus de mystère à cette affaire… alors même que ledit communiqué aurait dû rassurer, comme l’ont fait certains conseillers de ministres de Benkirane lequel, lui, est toujours silencieux.

Au-delà du fait que ce camion responsable du drame de Tan Tan était un camion-citerne ou non, les Marocains savent bien que nous n’avons pas de puits de pétrole au Sahara et que la seule raffinerie du royaume se trouve au centre… alors pourquoi des camions transportant du carburant vont-ils du sud vers le nord, et que des informations insistantes et persistantes évoquent régulièrement cette activité de contrebande de carburants du Sahara vers les provinces nord du pays, car au sud ces carburants sont subventionnés. Pourquoi fermons-nous les yeux encore et encore, jusqu’à vivre, ou mourir, de cette tragédie qui compte parmi les plus abjectes qu’ait connu ce pays ? Combien et que doivent donc payer ces criminels pour la vie de 15 jeunes sportifs, d’un champion international et de tous ces cadres morts pendant leur sommeil ?

Si nous avions posé cette question à un responsable, il nous aurait servi cette réponse aussi insipide que réchauffée : attendons les résultats de l’enquête ! (sachant que le ministère de l’Intérieur n’a pas attendu ces conclusions pour asséner sa vérité)… mais n’y a-t-il pas eu d’enquête sur les inondations de Guelmim pour apporter la lumière sur toutes ces dizaines de personnes mortes, surprises par l’ampleur et la force des flots ? Il y a même eu une commission d’enquête parlementaire avant que son président Abdellatif Wahbi ne démissionne de son poste en raison de problèmes internes à l’opposition dont il est membre, en raison du fait que le président de la municipalité de Guelmim est un socialiste, dans l’opposition lui aussi. La recherche des équilibres politiques, encore, toujours, à jamais, à mort… Qui consolera donc les familles endeuillées ? Quelle justice en ce bas-monde, avant que la justice divine ne passe ?

Quoi de plus atroce que ce témoignage du second chauffeur du bus transportant les enfants, quand il a expliqué que, brutalement réveillé par le choc et alors que les flammes de l’incendie ravageaient tout sur leur passage à l’intérieur du véhicule, il n’a retenu de ces quelques secondes que cette petite voix de cette petite fille qui suppliait : « ton-ton… ton-ton.. sau-ve-moi »… Hélas… Comment donc les responsables de cette affreuse tragédie pourront-ils encore trouver le sommeil alors que de pareilles voix fluettes flottent encore dans l’air de leurs chambres ?

Que Dieu bénisse nos martyrs et que les feux de la géhenne brûlent à jamais leurs meurtriers…

Al Ayyam