En attendant que la Cour des Comptes s’intéresse aux fédérations de sport…, par Ahmed Amchakah
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- 11 avril 2015 --
- Opinions
Dans le dernier rapport de la Cour des Comptes, les juges de Driss Jettou ont appelé à la récupération d’une partie de l’argent inconsidérément englouti par le ministère de la Jeunesse et des Sports du temps de Moncef Belkhayat. Si la chose se fait, nous pourrions alors lever le voile sur bien des aspects de la gestion de cet ancien ministre qui avait été appelé à remplacer la championne Nawal el Moutawakkel après qu’il eût été peint en bleu RNI pour préserver la fragile majorité d’alors, celle d’Abbas el Fassi.
Mais avant d’aller plus loin, reconnaissons que bien rares sont nos dirigeants qui osent affronter les tempêtes qui se lèvent alors qu’ils sont en fonction. La plupart de nos responsables se font autruches à la première difficulté, préférant ainsi se plonger la tête dans le sable en attendant que la tempête passe, puis ils reprennent leurs fonctions, saufs ou non, cela n’a pas d’importance dans notre propos.
Seul l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports Moncef Belkhayat avait dérogé à cette règle, se tenant droit comme un if face aux bourrasques ; cet homme, toute honte bue et que rien n’effrayait, avait coutume de dire et de redire, à l’envi et à la nausée, que tous les rêves qui avaient été les siens avant d’être en situation et après l’avoir été s’étaient réalisés ; il avait même osé affirmer que sous son règne, le sport au Maroc avait fait d’immenses bonds en avant.
Las… les résultats sont là pour infirmer ses affirmations, et pour montrer combien ses rêves se sont transformés en cauchemars. Mais rien n’y fait, le jeune ci-devant ministre continue de clamer à cor et à cris que son passage au ministère fut et fit une grande floraison de succès.
1/ L’homme n’avait cessé de défendre l’ancien sélectionneur national Eric Gerets et de dire que sa direction de l’équipe nationale avait été un franc et massif succès. Mais la réalité est autre, puisque ce Belge nous avait vendu du rêve et fourgué de l’illusion, puis s’en était allé avec un très intéressant paquet d’argent… bien que, rappelons-le, la désignation d’un coach national n’est absolument pas affaire de gouvernement mais reste l’apanage de la Fédération, sans que le ministre n’y puisse intervenir, sauf s’il y trouve intérêt.
2/ L’autre marotte de notre homme Belkhayat était cette fable de centres socio-sportifs de proximité (CSP) dont il avait assourdi nos oreilles à force d’en parler, parlant de centaines de ces infrastrutures, évoquant les milliers de ces installations dans tous les quartiers de toutes les villes du royaume. Mais nous autres, en ce temps-là, nous posions cette question naïve : comment expliquer
aux Marocains de conditions modestes qu’il fallait payer pour accéder à ces centres ? Le ministre avait oublié qu’il administrait un secteur social par excellence – à défaut d’excellence – comme cela est le cas pour la santé ou encore l’éducation.
3/ Il y avait un troisième point que le ministre Belkhayat nous avait si longtemps serinés, et c’est l’histoire de la professionnalisation de la Botola. C’était pour lui un rêve, mais pour le reste des mortels un cauchemar car cette décision aurait dû être prise bien avant cet homme et elle avait même failli l’être à la fin des années 90, quand Belkhayat usait encore ses fonds de culotte dans les écoles de commerce avant qu’il ne les teste dans « Hanouty »… Finalement, le Maroc a intégré le professionnalisme de son championnat parce que la FIFA nous l’avait imposé, sous peine de nous exclure des compétitions internationales. La Fédération et le ministre n’y étaient donc pour rien.
Aujourd’hui, Moncef Belkhayat est rappelé à notre bon souvenir à travers cette décision de la Cour des Comptes de s’intéresser aux finances des fédérations sportives dans la dernière décade, partant du principe de la reddition des comptes de tous les responsables de tous les secteurs… mais se fondant aussi sur l’idée de la gouvernance dont Belkhayat disait qu’elle l’animait du matin au soir et du soir au matin, oubliant que la moindre des choses était qu’il se taise après le scandale du prix de location de sa voiture de fonction, dont les médias avaient fait leurs choux gras. Nous avions en effet vécu cette « saga » de la voiture de Belkhayat, du temps d’Abas el Fassi, puis après aussi, quand l’autre ministre, révoqué depuis, Mohamed Ouzine, avait refusé de régler les frais de location.
L’opinion publique attend donc des magistrats financiers de Jettou qu’ils fassent la lumière sur tout cela, sur ces fédérations, sur les ministères et essentiellement ceux que l’on désigne par le terme de « souveraineté » et qui ne sont contrôlés par rien ni personne, mais aussi sur cette fédération de football qui a voté son dernier rapport financier par applaudissements et non par le vote… comme cela est de coutume dans ce merveilleux pays qui est le nôtre.
Il reste une chose… Le jeune et ancien ministre de la Jeunesse et des Sports est encore et toujours à la tête de la Fondation Mohammed VI des champions sportifs, bien qu’il n’ait jamais été champion de quoi que ce soit ni qu’il ait même été un adepte du sport. On aurait quand même pu penser à désigner à la tête de cette fondation un ancien champion, comme el Guerrouj, ou Aouita ou encore Zaki, si ce n’est Bouderbala…
Al Massae