Pourquoi les rapports de Driss  Jettou ne sont-ils que des écrits sans suite ?, par Ahmed Amchakah

Pourquoi les rapports de Driss  Jettou ne sont-ils que des écrits sans suite ?, par Ahmed Amchakah

Que peut donc receler de plus le rapport 2013 de la Cour des Comptes en matière de gouvernance, de transparence et de contrôle, supposés être la règle dans la gestion des finances publiques ici et là ?

Les Marocains pourraient-ils rêver, ou au moins espérer, un jour voir poursuivis celles et ceux qui auront été convaincus de mauvaise gestion dans tel ou tel autre secteur ?... A moins que ce qui paraît dans les rapports de Jettou, avec des arguments et des éléments de preuve, sur l’implication de responsables, ne soit voué qu’aux débats médiatiques et aux réactions furieuses des associations de défense de l’argent public… pour être immédiatement après oublié, comme cela est déjà arrivé pour de précédents rapports de cette institution de contrôle qu’est la Cour des Comptes, du temps de son ancien président Ahmed Midaoui ou de l’actuel, Driss Jettou.

Et donc, le rapport 2013 s’attelle à la question de la déclaration de patrimoine et aussi à celle des finances des partis politiques et associations. Or, selon les magistrats de la Cour, seuls 70% des responsables tenus par cette déclaration obligatoire s’y sont soumis. Le ministère de l’Intérieur vient en tête des institutions « disciplinées », avec 85% de ses cadres, suivis par le ministère des Habous et Affaires islamiques… En revanche, bien d’autres départements ministériels ont contourné la règle de déclarer le patrimoine de leurs responsables, comme la Santé, les Affaires étrangères, l’Enseignement supérieur, l’Equipement, la Communication (si, si ! la Communication…), qui figure parmi les mauvais élèves de la transparence.

Or, la Cour des Comptes dispose d’une véritable armée de contrôleurs et de magistrats qui travaillent avec enthousiasme, passion et ardeur pour découvrir et dévoiler les anomalies et dysfonctionnements de gestion des institutions publiques. Ces gens disposent de moyens techniques et logistiques d’importance, mais bien malheureusement, leurs conclusions n’aboutissent que très rarement  là où elles le devraient…

Beaucoup de personnes pourront, à raison, se poser la question de savoir comment notre ministre de la Justice réagira face à ces actes de dilapidation et de mauvaise gestion des finances, tels que révélés par la Cour présidée par Driss Jettou. Mustapha Ramid aura-t-il le courage qu’il faut pour déclencher des poursuites judiciaires contre ceux qui le méritent, alors même que son patron au gouvernement Abdelilah Benkirane n’a cessé de répéter son antienne : « ce qui est


passé est passé, Dieu le pardonne » ?

Devrons-nous conseiller aux Marocains de ne pas s’exciter, de rester calmes, car tout cela au final n’est qu’une manifestation, une de plus, de notre démocratie locale, qui a de tous temps privilégié la façade et la vitrine à la profondeur des choses et au sérieux ?

Devrons-nous nous interroger, à l’instar des autres Marocains ? Où sont donc passés  tous ces précédents rapports et les personnes accusées de mauvaise gestion administrative et financière du temps de l’ancien président Ahmed Midaoui ? En effet, toutes celles et tous ceux qui ont été convaincus, un jour ou l’autre, de gestion calamiteuse ont été pardonnés et ont même renaît de leurs cendres, comme cela s’était produit, un jour, sous feu Hassan II quand il avait gracié ses anciens ministres et les avait sortis de prison alors qu’ils auraient dû y rester plus longtemps…

Devrons-nous leur dire : ne craignez rien, chers amis, n’ayez surtout pas peur des rapports de Jettou ? Ils sont comme ces bulles de savon qui éclatent sitôt après s’être formées… Ils seront bien vite oubliés, après que des conférences et des rencontres se soient tenus à leur sujet dans les salons aussi feutrés que climatisés… Ou alors devrons-nous leur affirmer, en les rassurant, comme le font ces politiques de l’opposition comme de la majorité, que tout cela relève de la nature de notre démocratie, qui avance lentement, et qu’il ne faut pas se mettre martel en tête, même si cela concerne les finances publiques et que cela se produit dans des ministères, dans des associations ou dans d’autres organismes qui nous serinent avec leurs marottes habituelles de la défense de l’argent public ?...

Cette démocratie, chers vous, est articulée autour de conseils communaux ruraux et urbains, de corps législatifs députés et conseillers, qui diffèrent dans leurs idées et divergent dans leurs opinions, avant de s’accorder sur le plus important, à savoir leurs indemnités actuelles et leurs retraites futures…

Et donc, en conclusion, entre les rapports de la Cour des Comptes, qui ont dévoilé ce qui ne devait pas forcément l’être, et la profession de foi de Benkirane, qui pardonne et passe l’éponge, les Marocains sont divisés… attendant et espérant que le travail de cette Cour qui coûte tant d’argent nous donne enfin une lueur d’espoir sur un avenir meilleur pour ce pays, et un avenir moins radieux pour ses indélicats !

Al Massae