L’opposition de la Cour…, par Taoufiq Bouachrine

L’opposition de la Cour…, par Taoufiq Bouachrine

L’opposition se plaint au roi d’Abdelilah Benkirane…  eh, ça va, oui ?, « yak labass » ? Qu’a donc fait le chef du gouvernement pour mériter tel sort ? L’opposition répond la main sur le cœur en affirmant que le personnage instrumentalise le nom de Mohammed VI et use et abuse de sa fonction, lui qui a dit le 7 mars dernier à Dcheira que « le roi avait sauvé le gouvernement d’un renversement certain ». D’accord… what else ? L’opposition fulmine de voir Benkirane se lancer dans une campagne électorale anticipée et attaquer violemment l’Istiqlal, l’USFP, le PAM et l’UC…

On peut appliquer à l’opposition dans ce pays ce dicton bien marocain « drebni ou bka, sbeqni ou chka » (en substance, il m’a frappé, puis a fondu en larmes, et il m’a devancé en allant se plaindre contre moi). Chère, très chère opposition, nous sommes bien obligés de te dire que ce que tes membres ont fait vendredi dernier, à savoir solliciter une audience royale pour se plaindre des agissements du chef de la majorité est un jeu « malsain »… un peu comme celui qui se fait plumer au poker avant d’aller vitupérer partout que « le poker est interdit par la religion, rendez-moi mon argent ! »…

Si dans un passé récent nous critiquions le chef du gouvernement pour avoir trop tardé dans l’application des réformes par lui promises, pour ne pas avoir respecté l’esprit et la lettre de la constitution, pour avoir embarrassé le palais en affirmant que « le roi est (son) chef », alors il nous appartient aujourd’hui de nous élever contre cette opposition disparate qui s’en prend aux fondements même du jeu démocratique, cherchant des voies peu ou pas constitutionnelles pour lier les mains de Benkirane et l’empêcher de l’affronter sur le terrain.

Passons donc en revue les arguments de l’opposition pour se plaindre du chef du gouvernement ?

Taoufiq Bouachrine1/ Benkirane n’est pas seul à brandir le nom du roi dans ses discours, ses meetings et ses interviews. Tous les partis s’adonnent à ce jeu-là. Avons-nous donc oublié cette désormais fameuse sortie de Driss Lachgar assurant à la télé que « si le gouvernement est le gouvernement de Sa Majesté, alors l’opposition, elle aussi, est celle de Sa Majesté », une innovation verbale et linguistique à mettre au crédit des innovations du nouveau leader de l’USFP ? Ce parti aurait-il également oublié que voici quelques semaines, il avait demandé l’arbitrage royal pour les élections communales, mettant au placard lois et constitution et réclamant l’implication du sultan qui, dans les siècles derniers, avait aplani les différends entre tribus rivales ? Et tous ses discours au parlement où le roi est omniprésent…

Et le PAM aurait-il perdu de vue que lors de sa création, il se présentait comme la formation qui devait mettre en pratique la vision royale, qu’il devait poursuivre le grand chantier de la réconciliation nationale, qu’il devait appliquer les dispositions du rapport du cinquantenaire et renforcer le Code de la famille ?… Ce parti développait l’argument suivant que tout ce qui précède était fait pour le roi puisqu’il (le parti) était conduit par l’ami du roi Fouad Ali al Himma, avant que ce dernier ne saute du tracteur en marche pour des raisons que tout le monde sait.

L’Istiqlal, lui encore, lui aussi, avait joué la carte du palais


avant de se décider à quitter le gouvernement, Chabat ayant mis cette option entre les mains du roi qu’il avait respectueusement prié de l’orienter, loin, très loin de l’esprit de la constitution de 2011.

Et donc, tout le monde désire, aspire jouer la carte du palais et la tourner à son profit pour servir ses intérêts. Alors pourquoi interdire à Benkirane ce que vous vous autorisez de faire ? Si ce n’est pas de l’hypocrisie politique, cela y ressemble terriblement. Le problème est la culture politique de nos élites, et la question est de savoir pourquoi tout le personnel politique ne peut voler de ses propres ailes, sortant de la protection de celle du palais… Le reste n’est que manœuvre politique et manip politicienne.

2/ Pourquoi, une fois sortie de l’enceinte du palais, l’opposition n’a pas publié de communiqué expliquant les tenants et les aboutissants de sa démarche et ce qui s’est dit derrière les hauts murs du palais ? Est-ce un secret ? Est-ce un acte dont vous auriez honte et que vous refusez de partager avec l’opinion publique ? Si Benkirane est dur avec vous, et particulièrement avec le PAM, c’est votre affaire et votre problème !... Répondez-lui, rendez lui ses coups, et laissez le palais en dehors de tout cela. Si Chabat a accusé Benkirane de rouler pour Daech et de se rouler par terre devant  le Mossad, pourquoi se plaint-il, et pourquoi s’étonne-t-il, que le chef du gouvernement lui rende aujourd’hui la monnaie de sa pièce ? Quand Lachgar compare Benkirane à Hitler, il ne doit pas s’offusquer que le même Benkirane le traite de hooligan. Et si le PAM est né avec comme seule mission, ou presque, d’abattre le PJD, il doit accepter aujourd’hui que le chef du PJD et du gouvernement sorte son artillerie lourde contre lui, et essentiellement contre Ilyas el Omary.

Mesdames et Messieurs de l’opposition et de la majorité, pardonnez-nous de vous dire que vous n’êtes pas dignes des attentes du Maroc d’aujourd’hui, et excusez-nous de vous faire remarquer que la constitution 2011 est bien trop grande pour vous. Vous êtes otages du passé et votre propension à aller quémander les faveurs de la monarchie montre assez nettement votre nostalgie des temps d’Hassan II. Vous attendez, vous espérez, vous aspirez à un retour au passé, ce passé où tout se tramait en coulisses avant d’être annoncé en grande pompe. Chers Messieurs de l’opposition, il y a au Maroc, rappelez-vous, un parlement, une justice, une opinion publique et des médias, et c’est là que vous devez naturellement aller pour régler vos comptes avec Benkirane !

La nouvelle constitution a conféré au roi de très larges pouvoirs qu’il exerce dans les domaines politique, religieux, militaire et sécuritaire, mais il ne lui appartient pas de jouer les conciliateurs entre opposition et majorité et encore moins de geler la loi des (dés)équilibres politiques entre les deux camps et de remettre en question la compétition entre différents partis. Le roi a besoin qu’on l’aide à porter le fardeau du pays et non qu’on le charge encore plus de tâches qui n’entrent pas dans ses attributions… le roi a besoin, enfin, qu’on lui donne un coup de main pour pousser l’attelage vers l’avant, non qu’on s’installe dans cet attelage et qu’on lui demande de le pousser. Seul.

Akhbar Alyoum