« Je suis clair », par Soulaiman Raïssouni

« Je suis clair », par Soulaiman Raïssouni

Les politiques au Maroc sont de trois sortes : les « causeurs », qui parlent de tout et de rien, disent tout et n’importe quoi sur des choses et d’autres ; les « taiseux » qui s’enferment dans un admirable mutisme quand ils doivent causer, qui se contentent de détourner les yeux et la langue, laissant les rumeurs devenir infos, puis faits historiques indéniables ; et, enfin, la troisième catégorie est celle de ceux qui s’expriment pour ne rien dire, qui parlent alors qu’ils auraient mieux fait de se taire, et c’est là le cas de notre ministre de la Communication Mustapha el Khalfi qui a répété en boucle, sur Europe 1 « je suis clair », « l’avenir », alors même que la clarté est la chose qui lui manquait le plus pour évoquer l’avenir de relations franco-marocaines que les responsables français trahissent encore plus qu’ils ne le feraient avec leurs maîtresses.

Mustapha el Khalfi sait qu’il a un (tout) petit rôle, et que les affaires sensibles et stratégiques lui passent bien au-dessus de la tête, comme de celle de tous les autres membres du gouvernement auquel il appartient. Mais non, il a tenu à essayer de convaincre les Français qu’il était au parfum des grands secrets des relations franco-marocaines, mais qu’il se refusait à les révéler dans une émission radio. Résultat , Il a déclenché contre lui une monstrueuse vague de sarcasmes en France, confirmant même et à son corps défendant cette étude « raciste » publiée voici deux mois environ par la revue « Télé loisirs » qui avait conclu que les Marocains étaient un peuple à l’intelligence fort limitée, voire qu’ils étaient stupides si on les comparait aux Français… mais si ceux-ci considéraient comment ils disaient le nombre 97 (quatre et vingt et dix et sept), ils sauraient comment ceux-là les dépassent en intelligence, du moins dans la manière de dire les nombres et dans certaines formes linguistiques. Et ci ce magazine


avait vu, lu et entendu ce qu’ont dit nos compatriotes sur notre ministre de la non-Communication, alors il aurait compris que la feinte stupidité du Marocain émigré en France est une simple ruse pour se défendre et se prémunir contre une société qui a échoué à intégrer ses différentes composantes et communautés.

Personne n’a obligé Mustapha el Khalfi à aller à Europe 1 alors qu’il avait des idées si confuses, qu’il a une connaissance si approximative du français, et surtout qu’il savait, qu’il sait, que son rôle est on ne peut plus humble… Il aurait dû savoir que la France est une « démocratie » qui sait composer avec les vrais dirigeants du Maroc sur les affaires sérieuses, en douceur, en coulisses, en secret… tout en recevant des ministres, tantôt de la com, tantôt de la justice, pour faire risette et faire des bisous avec leurs homologues parisiens.

Driss Basri, un lointain prédécesseur d’el Khalfi, qui connaissait ses limites en matière d’expression en public, surtout quand il fallait le faire en arabe, prenait garde à ne jamais se mettre dans des situations où les snipers de l’opposition d’alors n’allaient pas le rater, eux qui traquaient ses moindres faits, gestes et erreurs. Mais lorsqu’il avait quitté ses fonctions, il avait été se répandre dans les médias pour envoyer des messages à qui de droit, sans ne jamais avoir le courage d’appeler les choses par leur nom. Alors les Marocains s’en étaient donné à cœur joie contre ce type qui s’était longtemps tu et quand il avait parlé, il avait dit du grand n’importe quoi. Et c’est exactement ce qu’a tenté de faire notre ministre de la Communication qui a voulu jouer grand, œuvrant à faire savoir qu’il était un homme d’Etat qui s’évertuait à dissimuler les erreurs et errements dudit Etat, tout en glorifiant ses hauts faits.

Al Massae