(Billet 892) – Faut-il, comme l’ONU, s’inquiéter pour les droits humains en France ?

(Billet 892) – Faut-il, comme l’ONU, s’inquiéter pour les droits humains en France ?

27 juin 2023, Nanterre, un jeune homme au volant d’une voiture à l’arrêt est interpellé par deux agents de police qui le menacent avec leurs armes, il redémarre, un agent tire, le jeune homme meurt. Y a-t-il eu refus d’obtempérer ? Oui. Le jeune homme méritait-il de mourir ? Non. Le policier est-il coupable de meurtre ? la question se pose. Et la France explose.

On peut penser qu’il s’agit d’un banal fait divers comme il en survient tant dans le monde. On peut considérer que ce qui s’en suit, s’en est suivi et s’en suivra demeure une affaire intérieure française. Mais non, car ce qui se produit en France intéresse le monde du fait même que la France se montre concernée par ce qui se passe ailleurs, se sent concernée et le fait sentir. Médias, diplomates, gouvernement et ONG françaises sont prompts à exprimer leur avis quand un événement similaire se produit au Maroc, en zone francophone et même ailleurs, dans le Sud. Il serait donc pure courtoisie d’en faire de même en retour.

Revenons sur ce funeste 27 juin et la mort prématurée du jeune homme à Nanterre. La justice se prononcera car, au-delà de ce que montre la fameuse vidéo qui a « immortalisé » la scène, on peut se demander ce que pensait le policier, sous stress, face à un jeune homme qui roulait dans un couloir de bus et qui a démarré malgré les injonctions. Cet agent devait répondre à plusieurs questions en une fraction de seconde : Que contenait la voiture ? Que voulait faire le jeune homme en démarrant ? Présentait-il un risque pour la population ? Et lui, policier, devait-il tirer, en visant quelle partie du corps et à quel moment, sachant que la voiture était en mouvement ? Il a pris sa décision, il a tiré, il a tué. Le drame est là, mais pour autant, l’intention du policier et les circonstances doivent être établies par la justice.

Le problème est ailleurs. Il est essentiellement dans cet article L435-1 du Code de la sécurité intérieure, tel qu’amendé et appliqué depuis le 2 mars 2017, et qui, entre autres situations où les agents de police peuvent tirer, ajoute celle-ci : « Lorsqu'ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l'usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui ». Un véritable permis de tuer, à la James Bond ; avec cet article, les agents de police en France n’ont plus la bride sur le cou, mais le revolver à la main.

Ceci est aggravé par l’impunité et la protection dont jouissent les policiers depuis quelques années ; les politiques semblent être soumis aux contraintes des forces de l’ordre et non l’inverse, et cela est très perceptible depuis la crise des gilets jaunes, avec les morts passées sous silence (comme cette octogénaire de Marseille, abattue dans son balcon du 4ème étage), les éborgnés et autres amputés des mains, passés par pertes et profits… Rétablir l’ordre est une chose, verser dans une violence disproportionnée, indifférenciée, à grande échelle en est une autre ; jouer les différences entre franges de...

la société, dresser les uns contre les autres et s’appuyer sur la force des médias pour justifier cela et l’enrober d’un vernis de légalité républicaine conduit aux dérives aujourd’hui constatées. Et à la colère violente aujourd’hui déchaînée, inadmissible et inexcusable des deux côtés.

La peur incite à la violence et la violence appelle encore plus de violence et ainsi, de conflit social en antagonisme politique, de stigmatisation des jeunes des banlieues et des « Français de papier » en aversion pour les forces de l’ordre, un climat de brutalité physique et verbale s’est installé en France. Durablement. Conforté et renforcé par la personnalité opaque du président Macron et par l’inexpérience de ses collaborateurs quant à la compréhension des évolutions d’une société polymorphe dans un monde complexe.

C’est là que la politique tient son rôle, ou devrait le tenir. Pour éviter les « délits d’adresse et de faciès », pour rapprocher les points de vue, pour isoler les radicaux de tous bords. Mais quand les médias, eux-mêmes soumis au grand capital, soutiennent une politique inappropriée, faite autant de racisme contre les « Français de papier » que d’ostracisme contre de pleines catégories de « Français de souche », les extrêmes prennent le dessus et la violence prend de l’ampleur.

Autre chose qui attire l’attention en observant ce qui se passe en France aujourd’hui et depuis quelques années, la discrétion des ONG dites de défense des droits de l’Homme, si promptes à s’enflammer quand un fait survient ici ou là sur la planète, plus retenues, bien plus modérées quand cela se produit en France. Un simple communiqué très timide de la FIDH… AI, RSF et HRW attendent la publication de leurs rapports sans condamner ni même critiquer et même Josep Borrell, l’homme prompt à dégainer son indignation contre la « jungle » qui entoure le « jardin » européen, ne s’est pas révolté.

Seule, pour l’instant, l’ONU s’alarme du « racisme et (de la) discrimination raciale au sein des forces de l’ordre », des faits constatés un peu partout en France ; on ne peut raisonnablement pas soutenir que la société française est « raciste » ou « discriminatoire », mais des franges de plus en plus importantes le sont, rendant le fait xénophobe ou raciste plus visible, plus audible que dans d’autres nations européennes, ayant mieux réussi l’intégration de populations musulmanes ou africaines subsahariennes, comme le Royaume-Uni voisin. La France mérite mieux et peut mieux agir qu’en « menaçant » les parents des émeutiers en les rendant responsables d’actions dont la responsabilité première incombe pourtant à un pouvoir politique de plus en plus stigmatisant, discriminant et violent. Cela ne justifie aucunement le vandalisme et la désobéissance violente, mais cela peut l’expliquer.

En France, le pouvoir corporatiste d’Emmanuel Macron conduit le pays à des extrêmes inquiétants. D’abord une diplomatie qui rompt avec la grande tradition du pays et qui réduit son rayonnement dans le monde, et maintenant, une société française qui doute, qui se fissure, qui craque, et qui regimbe.

La France ne nous a pas habitués à ces scènes de carnage et de pillage à large échelle, ces actes de violences urbaines incontrôlables et cette politique de répression de moins en moins contrôlée par des responsables qui la revendiquent.

Oui, la France mérite mieux car nous l’avons connue meilleure. Montesquieu, Rousseau, réveillez-vous, ils sont devenus fous !

Aziz Boucetta