3e sommet Turquie-Afrique : Erdoğan redéfinit ses objectifs
Le 3e sommet Afrique-Turquie a pris fin ce samedi à Istanbul. Les 2 jours de discussions entre dirigeants des deux parties ont été ponctués de signatures d’accords et de déclarations optimistes, dans la continuité de l’implication d’Ankara sur le continent noir. Bilan.
Accords signés, partenariats en perspective
Des rencontres entre autorités turques et africaines, ces deux derniers jours, on retiendra plusieurs accords et promesses. Alors que l’OMS craint que le continent n’atteigne pas les objectifs essentiels de vaccination contre la Covid-19 (70%) avant le second semestre 2024, Recep Tayyip Erdoğan a promis l’envoi gratuit de 15 millions de doses de Turkovac, un vaccin turc actuellement en attente d’approbation.
Côté défense et sécurité, Ankara pourrait livrer au Niger et à l’Angola des drones TB2 de fabrication turque (société Bayraktar), déjà utilisés en Azerbaïdjan, en Libye, en Ukraine selon Drone Wars, une plateforme statistique britannique spécialisée dans les drones armés, ainsi que des sources concordantes. La Tunisie et le Maroc en ont déjà acheté septembre dernier, avec, à l’appui, une formation à leur maniement.
De fait, la Turquie souhaite renforcer sa coopération militaire avec les pays africains, des accords-cadres ayant été signés récemment avec le Togo, la Tunisie et l’Ethiopie. Ankara dispose d’une base militaire en Somalie, et de pas moins de 37 bureaux militaires répartis sur le continent.
Les ministres turc et libyen de l’Education ont aussi entériné un partenariat en matière d’enseignement technique et professionnel.
Globalement, d’ici 2026, Erdoğan souhaite améliorer le partenariat entre son pays et l’Afrique dans des secteurs clés comme la technologie, l’énergie, l’agriculture, la santé, le commerce, les infrastructures et l’éducation.
La Turquie entend développer son volume d’échanges actuel avec l’Afrique, chiffré à plus de 25 milliards USD. Dans cette optique, le chef de l’Etat a annoncé l’augmentation prochaine du nombre de représentations diplomatiques déjà implantées sur le continent, soit 43, pour 38 bureaux commerciaux. « Le potentiel réel entre nous va bien au-delà de nos objectifs actuels » a-t-il déclaré, évoquant « une feuille de route qui permettra d'approfondir nos relations avec l'Afrique ».
Discours optimistes
Pour le chef d’Etat congolais Felix Tshisekedi, cette coopération bilatérale accrue « aidera
certainement l’Afrique à relever les défis qui l’attendent en termes d’investissement et d’expertise ». Son ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula Apala, a noté que « Cette forte participation est révélatrice de la confiance de l’Afrique vis-à-vis de la Turquie ».
Même son de cloche chez Richard Adeniyi Adebayo, le ministre nigérian de l’Industrie. Selon lui, les investisseurs issus de la première économie africaine sont « enthousiastes à l’idée de faire des affaires avec la Turquie », qu’il considère comme un partenaire stratégique. Pour Mevlut Cavusoglu, ministre turc des Affaires étrangères, « ce sommet est « historique, […] et vise à gagner ensemble, avec l’Afrique, sur le long terme ».
Les discussions ont rassemblé plus d’une dizaine de présidents africains, dont Muhammadu Buhari du Nigeria, Mohammed Farmajo de la Somalie, Macky Sall du Sénégal, Julius Maada Bio de Sierra-Léone, Umaro Sissoco Embaló de Guinée-Bissau, ainsi que plusieurs dizaines de ministres et représentants d’institutions économiques.
La Turquie vise les marchés africains
Les dernières années ont vu les relations entre la Turquie et le continent africain s’intensifier. Erdoğan a une approche fortement basée sur la diplomatie, misant sur une certaine défiance de l’opinion publique africaine vis-à-vis de leurs traditionnels partenaires (France, UK, USA, Chine, etc.) et affirmant que son pays n’a jamais participé à la colonisation de l’Afrique.
Ce sommet s’est néanmoins déroulé dans un contexte difficile pour l’économie turque qui subit actuellement une forte inflation, chiffrée en novembre à 21,3% en glissement annuel. Le cours de la livre turque a drastiquement baissé (-45% contre le dollar depuis janvier 2021). De ce fait, la dette souveraine du pays pourrait s’orienter de stable à négative.
Comme contre-mesure, le président turc a ordonné plusieurs fois une baisse des taux directeurs qui, si elle gonfle le PIB du pays, accroit également les prix des produits importés sur des segments clés comme l’énergie et les bien de consommation courants. La situation est telle qu’une forte augmentation du SMIC est prévue dès l’année prochaine, pour restaurer un tant soit peu le pouvoir d’achat des populations.
Pour Erdoğan, le développement du commerce extérieur est devenu une priorité, ce qui peut justifier un intérêt soutenu pour le potentiel de croissance des marchés africains.
Agence