(Billet 262) – Mouvement #Metoo chez eux… silence calamiteux chez nous

(Billet 262) – Mouvement #Metoo chez eux… silence calamiteux chez nous

Au Maroc, comme partout, on viole… et au Maroc, comme partout, on viole impunément. Mais au Maroc, contrairement à un ailleurs de plus en plus dénonciateur car sensibilisé, on continue de taire ces actes ignobles qui détruisent des vies et rapprochent de la mort. Plus grave que le viol est la complicité de la société qui accable les victimes bien plus souvent que leurs tourmenteurs ; plus grave que le viol est la relative indulgence de la justice à l’égard des violeurs.

Masaktach, donc, ce mouvement né voici un peu plus d’un an, s’est fixé comme objectif de défendre les femmes harcelées, les femmes violées, les femmes tout court, les femmes qui encourent des drames infâmes dans un milieu masculin, patriarcal, souvent misogyne, phallocratique, où le phallus se dresse pour détruire…

Alors Masaktach a parlé aux femmes victimes de viols et les a encouragées à témoigner, à visage couvert, en taisant les identités des tourmenteurs, pour l’instant (@Masaktach)… car pour un début, les choses doivent se faire dans la discrétion (Masaktach refuse catégoriquement de parler aux médias) et, nous l’espérons, quand la masse des victimes « affranchies » franchira un seuil critique, des témoignages/accusations pourraient apparaître, avec noms des victimes et de leurs bourreaux. L’appel à témoignage a été lancé voici moins de 48 heures, et déjà Masaktach a reçu 7 réactions et d’autres, plus nombreuses, doivent être en préparation !

En 2018, le chef du parquet avait annoncé 1.600 viols en 2017, deux fois plus qu’en 2016… 1.600 est un chiffre qui prêterait à rire si les drames vécus n’étaient pas à pleurer. 1.600 viols… par mois ? Par semaine ? Par ville moyenne ? Mais parbleu, le chiffre est très en-deçà de la réalité car le viol, sur nos terres, est devenu un phénomène social inquiétant, et encore plus inquiétant quand on connaît la loi de l’omerta sociale qui règne sans partage et ces femmes que le viol imprègne à vie de ses outrages !

L’objectif de Masaktach semble être de libérer les paroles des femmes suppliciées, en leur offrant un exutoire qui les valorise et qui annihile toute culpabilité qui les terrorise et les stigmatise. Violer est un acte immonde, elles doivent le savoir, et quand l’acte est commis par un proche,...

il devient bestial et ôte toute humanité à celui qui l’a commis. Dans tous les cas, ni la société, ni la Tradition ni même la religion ne saurait justifier un tel acte. On défend Saad Lamjarred sans attendre le jugement, déjà contesté, on apprend chaque semaine de nouveaux cas de viol, les enfants issus de viols sont ostracisés, autant que leurs mères sont martyrisées...

Si la société civile en général, et Masaktach en particulier, réussissent à libérer les femmes victimes de viol de leur sentiment de culpabilité, un grand pas aurait été fait, et serait le prélude à des dénonciations dans les délais légaux. Il appartiendra à la justice de se montrer aussi féroce à l’égard du violeur que celui-ci l’aura été contre sa victime. Mais cela n’est pas suffisant… Il est important de changer les modes de pensée dans ce pays où les femmes se terrent voire s’enterrent après un viol, dans une sorte de double peine où la société est complice. L’éducation à l’école est importante, les productions audiovisuelles seraient pertinentes…

Pour cela, le Maroc devrait réfléchir à faire évoluer sa juridiction contre le viol… plusieurs pistes s’offrent et que l’on nous fasse grâce des cris d’orfraie sur les droits de l’Homme, car un violeur a perdu son humanité pour avoir fait perdre la sienne à sa victime… surtout, et on en parle peu, les viols commis par des proches ou des personnes d’influence (familiale, politique ou financière). Le Maroc devrait penser à la castration chimique et surtout au procédé du « name and shame ». Aux grands maux les grands remèdes, sachant qu’il n’existe pratiquement pas de remède pour une femme violée, mais il est primordial que le violeur ait peur !

Dans les contrées plus civilisées que les nôtres, les femmes violées, bien que vilipendées par une petite partie de la société, reçoivent le soutien de la majorité, et les violeurs sont envoyés en prison pour de très nombreuses années. Chez nous, souvent, ils sont condamnés à un, deux ou trois ans de prison, et parfois, il ne manque que les félicitations du jury.

Il est temps que cela cesse ! On ne développe pas une nation alors que ses femmes se font violer impunément.

Aziz Boucetta