A Louis Massignon, rien ne va plus, ou presque, entre parents et direction …
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- 25 juin 2018 --
- Opinions
Il règne en ce moment une ambiance électrique au sein du groupe OSUI et plus précisément au lycée Louis Massignon de Bouskoura. L’administration élabore ses plans hardiment et trace sa route avec vigueur, alors que les parents rongent leur frein, et s’impatientent. Entre les deux, les enfants, élèves de la 1ère et progénitures des seconds, se trouvent pris entre deux feux. En toute inconscience de tous.
Les griefs des parents
Les parents contestent deux décisions prises par la direction du Groupe : l’augmentation des frais de scolarité de 4,5% et des droits d’inscription de beaucoup, et l’instauration d’une classe numérique pour trois niveaux, CM1, 5ème et seconde.
Les parents, unis comme un seul homme ou une seule femme, s’élèvent contre ce qu’ils appellent « l’oligarchie », la prise de pouvoir, et craignent des « représailles » contre leurs progénitures. Ils invoquent pêle-mêle les droits de l’Homme et les valeurs, la considération et l’humanisme. Les parents ont commis un courrier, très long, très documenté et très vindicatif contre la direction de l’établissement auquel il est adressé avec copie, entre autres, aux chefs de l’Etat et de la diplomatie françaises…
Ils y contestent l’instauration de la classe numérique, sans concertation avec eux, et disent craindre les conséquences néfastes sur la santé de leurs enfants… et sur les frais auxquels ils seront exposés (achat de matériel entre autres)… De même qu’ils y déplorent les incessantes augmentations des frais de scolarité qui, il est vrai, sont sur une pente ascendante, raide.
Et pourtant… malgré ces frais et en dépit des cris d’orfraie, le lycée n’est pas encore au point. Les salles présentent en partie une sonorisation défectueuse, même si des efforts ont été consentis cette année, et les effectifs sont tirés vers le haut, avec des classes allant jusqu’à 32 élèves, malgré les engagements de l’administration. De plus, le lycée ne dispose pas d’infirmerie, seul le collège en a une.
La posture de l’administration
Elle n’en a pas, ou plutôt une : prendre les décisions, unilatéralement, en informer les intéressés, éventuellement et tardivement, et les appliquer envers et contre tous, résolument. La Proviseure Mme Bellus est une dame d’autorité certes, et elle ne prend à ce titre aucune forme avec des parents pourtant très formels. Les directions du Groupe, au Maroc et en France, malgré leurs dénégations, gardent l’œil, un œil averti et fort intéressé, sur leurs comptes, et le profit n’est pas le cadet de leurs soucis.
Lorsque les parents font usage de leur droit de râler, la proviseure répond par un courrier aussi laconique que quelque peu condescendant. Et dans tous les cas, n’envisage pas le moins du monde, de reculer, de céder, de comprendre. On sait bien que Mme Bellus est (haut) fonctionnaire au sein de son administration et qu’en tant que telle, elle est appelée à mettre en place la politique de son employeur, mais il y a la manière… L’efficacité est une chose, la sagacité en est une autre mais elles peuvent aller de pair. Ce que demandent les parents n’est pourtant pas monstrueux : leur procurer une visibilité concernant les frais de scolarité de leurs enfants, et les impliquer d’une manière plus convaincante dans les grandes prises de décisions… au besoin faire montre de « pédagogie parentale » avant toute décision.
Pour la question de la classe numérique, force est de reconnaître que les pro et les anti développent des arguments d'égale pertinence. Au lieu d'imposer un timing, et un matériel, il eût mieux valu plus expliquer, davantage communiquer, avant d'appliquer.
Le dialogue entre les deux parties
En principe, il existe des associations de parents d’élèves, pour servir de courroie de transmission entre parents et administration. Il y en a actuellement trois, chacune d’elle ayant sa manière de voir, d’agir, de concevoir et de répondre. Face à elles, forcément, l’administration est plus forte car elle parle d’une seule voix.
Oh bien évidemment, les apparences sont sauves. Les APE ont droit de siéger en Conseil d’établissement, mais lors des réunions de cette instance, ces mêmes APE ont bien plus le droit d’écouter que de discuter, de subir plutôt que d’agir. Cela crée de la tension et de l’énervement.
Les parents
Ils ne sont pas les victimes sacrificielles que l’on pourrait croire. Ils portent une grande part de responsabilité dans la baisse du niveau général de leurs enfants, par la multiplication par exemple des cours de soutien, par une grande tolérance face aux dérives absentéistes et par une négligence coupable et une permissivité sans bornes.
Avant, les parents avaient tout fait, tout entrepris, n’avaient rien négligé pour inscrire leurs progénitures à « la Mission », à Massignon… aujourd’hui, ils en sont fiers et heureux, et ils le claironnent ici et là, ailleurs, partout. Mais ils sont avant tout et par-dessus tout, surtout, rassurés. Ils n’ont d’ailleurs pas le choix, l’enseignement national étant de la qualité la plus médiocre qui soit, pour être gentil…
Or, les parents doivent savoir aussi que pour cela, ils doivent payer le prix, et ne surtout pas évoquer cet argument porté dans leur courrier : « Si nos salaires étaient indexés proportionnellement à l’augmentation des frais de scolarité, la question ne
se poserait pas ». Le Groupe Louis Massignon n’a aucune prise sur le pouvoir d’achat des Marocains ; cela s’appelle l’indépendance…
De plus, le dispersement des efforts entre plusieurs associations, les attaques de plus en plus fréquentes entre ces associations voire entre leurs membres, ne sert pas "la cause" des parents, et ouvre un boulevard face à l'administration qui règne, puisque les autres sont divisés...
La direction
Elle est autoritaire, souvent cassante… voire oppressante. La fronde de certains enseignants enregistrée à au moins deux reprises ces deux dernières années le montre. Les professeur(e)s protestent, contestent, voire manifestent… et regrettent les temps heureux d’avant la proviseure actuelle. Il en va de même pour les parents. Il est vrai que Mme Bellus, selon ceux qui la côtoient et la connaissent, est de nature tranchante. Elle est de fait bien plus gestionnaire que pédagogue et elle est aussi, lui reproche-t-on, carriériste. Fort bien, cela est humain et même naturel, mais pas quand l’enjeu est l’enseignement. Ou du moins cela devrait être atténué…
En effet, la gestion de l’établissement est faite à la hussarde, souvent sabre au clair. En début d’année, des mouvements avaient été enregistrés de la part de certains professeurs, qui reprochaient – et reprochent encore – à la direction le manque de dialogue et une gestion crispée et crissante. Le même reproche est formulé par les parents, concernant l’augmentation des frais de scolarité et l’introduction du numérique, les deux décisions ayant été prises sans véritable concertation, ou alors une concertation-information.
En un mot, comme en cent, le lycée est devenu une entreprise, répondant en quelque sorte aux normes de l’entreprise : augmentation des ressources, baisse des charges, introduction de nouvelles technologies, peu de dialogue avec les partenaires… La raison est limpide : il existe des cohortes de parents demandeurs pour intégrer leurs enfants dans cet établissement.
Par ailleurs, et contrairement à d’autres lycées, où la discipline et l’encadrement pédagogique sont les priorités, à Louis Massignon, la bonne marche de l’établissement passe impérieusement avant tout. Contrairement aux temps révolus des anciens responsables qui savaient y faire avec les élèves – à défaut, souvent, de leurs parents – la direction actuelle est plutôt invisible dans l’enceinte de son empire. Elle gère, mais n’éduque guère.
A Louis Massignon, la discipline des enseignants prend la forme de la crainte et celle des élèves est largement enfreinte. La cohorte des professeurs vit sous le joug de la résiliation de leurs contrats, et l’armée des élèves sévit avec la complicité bienveillante de tous.
Disons-le clairement : avant, les cours de soutien, les fameuses heures sup’, étaient rudement combattus par l’administration mais ça c’était avant… Aujourd’hui, l’indifférence à ce propos règne et les classes de Terminale sont désertes, ou presque, dès le mois d’avril, bien que l’administration s’en défende, expliquant faire le nécessaire pour éviter les cours de soutien. Mais les faits sont têtus… Au rythme où vont les choses, et vu le glissement des valeurs de l’éducation parentale, il ne serait pas étonnant que la violence s’installe dans ce lycée (dit) d’excellence.
Le président de la Mission laïque sera dans nos murs cette semaine, et devrait rencontrer les parents. Mais cela aussi paraît être une manœuvre. Face à tous les griefs et demandes des parents, seule une petite heure et demie leur sera consacrée en fin de mois. Mais tout le monde sera heureux : eux auront tempêté, lui aura écouté. Et le problème restera entier.
Et la conclusion ?...
L’éducation est de nos jours est affaire d’argent, face à l’incurie et à la définitive démission de nos pouvoirs publics dans ce domaine. S’il est normal, voire logique, que face à tant de demande, l’offre de la Mission devient de plus en plus chère, logique économique oblige, il est moins acceptable que des décisions pédagogiques soient imposées sans concertation, ou presque.
L’argent a certes sa logique, mais il peut aussi avoir une éthique, dans le sens où si l’établissement a le droit de regarder ses charges et leur équilibre par les ressources, les pourvoyeurs de ressources, les parents, ont aussi le droit de savoir, pour prévoir.
S’il est naturel que les parents s’inquiètent pour leurs enfants, les actions ne doivent pas porter sur des récriminations adressées à MM. Macron et Le Drian, mais plutôt au ministre de l’Education Saaïd Amzazi, ancien parent d’élève à la Mission (peut-être est-ce encore le cas), ancien manifestant contre les augmentations des frais d’inscription, et premier responsable (selon les textes) de l’éducation de nos enfants. Il n’est certes pas élu, mais il ne semble pas être non plus farfelu ; il peut comprendre ces problèmes si on les lui soumet…
Dans l’intervalle, le français est en train de perdre pied dans le royaume, et les Français ne semblent pas en prendre la pleine mesure. Ce n’est qu’une question de temps, bien malheureusement car le français est une bien belle langue. Mais l’anglais lui tient tête, et lui rogne de larges franges de la société, ici et ailleurs… Et le moins que l’on puisse dire est que la politique de la « Mission » française ne sert point celle de la Francophonie.
Aziz Boucetta