Le Maroc aura-t-il « son » Mondial ?, par Aziz Boucetta
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- 07 juin 2018 --
- Opinions
Alors qu’il en est à sa 5ème tentative, jamais le royaume n’aura été aussi proche de décrocher l’honneur d’organiser une coupe du monde de football, sauf peut-être en 2004, quand il était en compétition avec l’Afrique du Sud pour un Mondial africain en 2010. Cette fois, l’opportunité est plus grande car l’hôte du Mondial 2026 sera désigné ce 13 juin par les 207 fédérations composant la FIFA. Le Maroc a-t-il des chances de l’emporter face au puissant trio nord-américain Etats-Unis/Mexique/Canada ? Tout nous porterait à répondre oui. Mais comme chacun sait, il y a toujours un mais.
Le Maroc présente une candidature convaincante. Avant, lors des tentatives précédentes, les dossiers marocains n’étaient garnis que de maquettes, et très peu de photos. Aujourd’hui, les choses sont plus équilibrées, et le Maroc, bénéficiant d’une excellente réputation à l’international, a démontré une réelle volonté d’organiser ce mondial 2026, et d’y consentir les moyens nécessaires, si nécessaire. Il argue de ses réalisations en infrastructures, érigées durant ces dix dernières années, sans pression aucune de la FIFA.
Force est de constater que les arguments du Comité de candidature ont été percutants car le groupe de travail, ou Task Force, s’est laissé « séduire » puisque le « petit » Maroc aura quand même obtenu pour son dossier la note globale de 2,7/5, contre 4/5 pour la Grande Amérique, et assez loin au-dessus de la note éliminatoire de 1,9/5. Cette étape passée constitue en elle-même un succès pour le royaume, dont la crédibilité a ainsi été reconnue de belle manière.
Il reste le vote du congrès… sur les 211 fédérations nationales, seules 207 se prononceront ce 13 juin, les quatre pays candidats n’ayant pas droit de participer au scrutin. Mais les Américains se laisseront-ils faire contre le Maroc, après le revers obtenu pour le Mondial 2022 contre le Qatar et qu’ils avaient pris comme une humiliation ? Cela a conduit le président Trump à dégainer ses tweets rageurs, comme celui du 27 avril dernier où il menace de retirer son soutien, « y compris à l’ONU », à ceux qui ne soutiennent pas son pays à la FIFA, … un tweet intervenu le
lendemain de la visite de la seconde équipe du groupe d’évaluation au Maroc.
Hasard du calendrier, si on accepte l’idée de coïncidences calendaires à ce niveau, c’est le même jour que la résolution 2414 sur le Sahara a été votée par le Conseil de sécurité de l’ONU, une résolution rédigée par les Etats-Unis et très nettement favorable au Maroc. Cela ressemble fort à un soutien américain…
Selon des indiscrétions/confidences d’un haut responsable marocain, dans son insistance et sa persistance à vouloir obtenir l’organisation du Mondial 2026, « le Maroc ne perd pas de vue pour autant ses intérêts, et son Sahara »… Comprendre : nous ne créerons pas de crise avec les Etats-Unis, et nous négocierons au besoin. Soit, mais pour négocier, il faut être en position de le faire, d’où l’absolue nécessité pour le royaume de passer avec succès l’étape de l’évaluation de la Task Force. C’est aujourd’hui chose faite… et l’extraordinaire impopularité de Donald Trump à l’international, en plus de ses décisions ravageuses sur Jérusalem, le climat, l’Iran, le protectionnisme sont autant d’atouts supplémentaires à faire valoir pour le Maroc. Et c’est là que la négociation pourrait commencer…
Serait-il donc inenvisageable pour la FIFA d’emboîter le pas au CIO qui, l’été dernier, avait admis le principe de la double attribution des Jeux de 2024 et 2028, afin de départager Paris et Los Angeles, chacune des deux villes ayant finalement obtenu l’organisation, selon cette méthode ? Le Maroc pourrait-il donc finalement retirer sa candidature, en faveur de l’Oncle Sam et de l’Oncle Donald, contre l’attribution au royaume de l’édition 2030 ? Ou au moins l’engagement ferme de soutien résolu des Etats-Unis pour une candidature du Maroc à cette édition… La question a été posée à un très haut responsable, qui n’a pas confirmé, sans pour autant nier…
Les choses seraient facilitées quand on sait qu’un continent qui accueille un Mondial n’a pas la possibilité de le recevoir lors des deux éditions suivantes. Si les Etats-Unis décrochent 2026, seuls l’Afrique et l’Europe pourraient concourir pour 2030, sachant qu’à l’exception du Royaume-Uni, toutes les grandes nations du football du Vieux Continent ont organisé un Mondial ces 30 dernières années…
Les jeux sont donc ouverts, et tout reste possible.