La Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, première femme à la tête de l'OMC

La Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, première femme à la tête de l'OMC

Coup double de la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, devenue lundi première femme et première Africaine à la tête de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), une institution quasi paralysée qui n'arrive plus à remplir sa mission.

A 66 ans, elle entre dans le cercle très restreint des femmes au pouvoir dans le monde. C'est un "moment historique", a résumé l'OMC, après sa nomination par consensus.

"C'est à la fois excitant et intimidant parce que je prends les rênes de l'OMC à un moment de grandes incertitudes et de défis", a déclaré la Dr Ngozi, qui prendra ses fonctions en mars et espère arriver à Genève ces prochaines semaines.

"A l'heure actuelle, l'OMC est confrontée à de nombreux défis et il est clair pour moi que des réformes profondes et de grande envergure sont nécessaires. On ne peut pas continuer comme avant", a-t-elle martelé.

Elle a dressé une longue liste de tâches, assurant que ses trois principales priorités au cours des prochains 100 jours seront dans trois domaines: la réponse à la pandémie et à celles à venir, les subventions à la pêche et régler les défaillances du bras juridique de l'OMC.

Son intronisation a été immédiatement saluée par d'autres femmes, toutes aussi puissantes.

"Je connais Ngozi depuis de nombreuses années. Sa forte volonté et sa détermination l'amèneront à promouvoir sans relâche le libre-échange au profit des populations du monde entier", a tweeté Christine Lagarde, première présidente de la BCE et ex-première patronne du FMI.

Dr Ngozi, qui était la seule candidate encore en lice après le retrait de sa rivale, la ministre sud-coréenne du Commerce Yoo Myung-hee, n'a pas pu être physiquement présente dans l'élégant siège de l'OMC au bord du lac Léman, mais elle s'est toutefois adressée aux délégués par visioconférence.

Elle a immédiatement jugé "essentiel" que l'institution soit "forte" pour surmonter les "ravages causées" par la pandémie de Covid-19 et relancer l'économie mondiale.

Fin octobre, l'administration Trump, qui en quatre ans a tout fait pour miner l'organisation, avait aussi bloqué à la dernière minute le consensus qui se dessinait autour de la Nigériane.

Bon nombre espèrent que sa nomination, soutenue par l'administration Biden, mette fin à des années de


blocages de l'institution.

A Genève, le chargé d'affaires américain David Bisbee a assuré lundi qu'elle "peut compter sur les Etats-Unis pour être un partenaire constructif".

Deux fois ministre des Finances et cheffe de la diplomatie du Nigeria durant deux mois, Mme Okonjo-Iweala prend la tête d'une institution qui depuis sa création en 1995 a été dirigée par six hommes: trois Européens, un Néo-Zélandais, un Thaïlandais et un Brésilien.

Si son parcours universitaire et professionnel impressionne, la Dr Ngozi a aussi ses détracteurs, qui lui reprochent notamment de ne pas avoir fait davantage pour endiguer la corruption quand elle était à la tête des finances du pays le plus peuplé du continent africain.

Audace et courage seront indispensables pour sortir l'OMC de sa crise quasi existentielle.

"Elle prend les rênes en toute connaissance de cause, en sachant qu'elle a affaire à une machine qui est, si ce n'est bloquée... en proie à une forte inertie", souligne auprès de l'AFP Elvire Fabry, responsable de la politique commerciale à l'Institut Jacques Delors.

"D'accord, ce n'est pas une spécialiste du commerce, indique-t-elle, mais "la dimension plus politique de la nouvelle directrice générale devrait être intéressante".

Dans un tweet, la France a salué sa nomination: "Économiste et leader international reconnue, elle a tous les atouts pour conduire les réformes dont @wto a besoin".

Au Nigeria, le président Muhammadu Buhari a souligné que Mme Okonjo-Iweala se lance dans une "lourde tâche au service de l'humanité", mais s'est dit convaincu que "son intégrité et sa passion pour le développement continueront à produire des résultats positifs".

La pandémie a mis à nu les fractures provoquées par la libéralisation du commerce mondial, de la trop grande dépendances à des chaînes de production éparpillées aux excès de la délocalisation industrielle ou la fragilité des échanges commerciaux.

La Dr Ngozi veut présenter à la prochaine Conférence ministérielle de l'organisation un accord sur les subventions à la pêche - qui est pour l'heure au point mort - pour démontrer que l'OMC peut encore produire des avancées multilatérales. L'autre priorité consiste à rebâtir l'organe de règlement des différends - le tribunal de l'OMC - qui a été torpillé par l'administration Trump et est moribond.