Sahel : premier sommet du G5 sans la France
Après avoir annoncé son déplacement, Emmanuel Macron a finalement changé d’avis. C’est par visioconférence que le chef de l'État français participe, ce lundi 15 et mardi 16 février, au nouveau sommet organisé à N'Djamena, capitale du Tchad, du G5 Sahel qui regroupe la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad.
En France, comme dans les pays sahéliens, les décisions qui seront prises à l’issue de la rencontre sont très attendues, tant la situation sécuritaire dans plusieurs pays de la région reste très préoccupante.
En dépit des efforts de Paris et de ses partenaires, les mouvements jihadistes continuent d'être actifs et se répandent dans une grande partie du Sahel, où depuis le lancement en janvier 2013 de l'opération française Serval, remplacée en 2014 par Barkhane, plus d'une cinquantaine de soldats tricolores ont perdu la vie. Onze d’entre-eux sont morts durant la seule année 2020. À ce bilan, s'ajoutent ces milliers de civils tués par les islamistes ou victimes des milices locales voire des forces armées et de sécurité.
Depuis le sommet tenu à Pau, dans le Sud de la France, en janvier 2020, entre Emmanuel Macron et les cinq chefs d'État du G5 Sahel, les actions combinées de Barkhane, de la Task Force européenne Takuba et des armées locales ont porté des coups durs aux organisations jihadistes. Mais celles-ci demeurent une menace sérieuse, comme en témoigne la régularité de leurs opérations souvent meurtrières.
« Barkhane a remporté de très nombreux succès tactiques, notamment lors de l'opération Bourrasque. Plusieurs chefs jihadistes ont été neutralisés », s'est félicité, mardi 9 février, Christian Cambon, président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat français. C'était lors d'un débat sous le thème « L'opération Barkhane : bilan et perspectives ».
Au cours de cette rencontre, Jean-Yves Le Drian, le ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, a affirmé que « le Sommet de Pau a été celui du sursaut militaire. Celui de N'Djamena doit être celui du sursaut diplomatique et politique. Un sursaut
également en faveur du développement ».
« L'aide au développement est essentielle pour traiter le mal à la racine et éviter que nos forces soient perçues comme des troupes d'occupation. Or, si nous avons dépensé 900 millions d'euros en 2019 pour les opérations militaires, nous n'avons mobilisé que 85 millions d'euros en aide publique au développement au Mali », a précisé M. Cambon.
En 2020, quatre priorités ont été identifiées à Pau. L'une d'elles est pourtant le développement des pays du G5 Sahel afin de protéger certaines franges fragiles de la population, notamment les jeunes désœuvrés et les pauvres, et éviter qu'elles soient tentées de répondre aux sirènes du jihadisme. Selon M. Le Drian, il faut « une prise de responsabilité du G5 Sahel et une meilleure coordination et territorialisation de l'aide » au développement.
Florence Parly, la ministre des Armées, a abondé dans le même sens : « Transformer les guerres militaires en progrès économique et social : ce sera tout l'objet du Sommet de N'Djamena ».
Depuis cinq ans, a souligné le chef de la Diplomatie française, Paris a augmenté son aide publique au développement en direction du Sahel de plus de 30 %. 350 millions d'euros ont été, selon lui, décaissés par l'Agence Française de Développement (AFD) en un an pour y accélérer des projets.
De plus, l'Alliance Sahel regroupant 24 partenaires a été créée en 2017. Ce programme « supervise (dans cette zone) 870 projets pour un montant total de 20 milliards d'euros », a rappelé Le Drian. « Nous avons des résultats. La scolarisation primaire de 200.000 Nigériens, la réhabilitation de 1800 classes au Mali, la distribution de 40.000 manuels scolaires au Tchad… Se battre pour l'éducation, c'est se battre contre l'obscurantisme », a t-il ajouté.
En prélude au Sommet de N'Djamena, Bah N'daw, Mohamed Ould Ghazouani, Mahamadou Issoufou, Idriss Deby Itno puis Roch Marc Christian Kaboré, respectivement présidents du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Tchad et du Burkina, ont été un à un reçus à l'Elysée par Emmanuel Macron pour affiner leurs positions.