G20: La pandémie réduit l'engouement du sommet
Après l'affaire Khashoggi, face aux critiques persistantes de nombreuses ONG de défense des droits humains, l'Arabie saoudite voulait profiter de sa présidence du G20 pour se montrer sous son meilleur jour. Mais la pandémie a transformé la vitrine attendue en visioconférence sans grand éclat.
La salle de presse installée dans l'hôtel Crown Plaza de Riyad, la capitale, aurait dû être une ruche bourdonnant de centaines de reporters internationaux. Mais samedi, ils n'étaient qu'une poignée de journalistes, dûment masqués et obligés de se soumettre à des prises de température, pour couvrir deux jours de réunion virtuelle des grandes puissances économiques de la planète.
À l'ouverture du sommet, les rares médias étrangers présents ont dirigé leurs caméras vers un grand écran clignotant où les visages des dirigeants du monde entier sont apparus dans de petites fenêtres - l'un farfouillant dans des papiers, un autre réclamant une aide technique et un autre encore discutant avec un assistant hors-champ.
Dans la salle de presse, aux murs ornés de chandeliers, les postes de travail vides illustraient l'occasion manquée pour l'Arabie saoudite, première nation arabe à accueillir le G20, de faire du sommet une vitrine de sa modernisation. "C'est la volonté de Dieu", a lâché, fataliste, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir. Jadis austère, le royaume entendait vanter les réformes engagées ces trois dernières années : les femmes ont été autorisées à conduire, les cinémas ont rouvert... "Cela aurait été bien de voir des milliers de personnes venir en Arabie saoudite, marcher dans les rues, rencontrer des hommes et des femmes saoudiens, voir les changements qui se sont produits dans le pays", a déclaré M. Jubeir.
Le pétrole blanc
Un sommet physique aurait également été l'occasion de valoriser le potentiel touristique du royaume : ce "pétrole blanc" que la pétromonarchie souhaite développer pour diversifier ses revenus.
Malgré des paysages époustouflants,
l'Arabie saoudite qui pratique un islam rigoriste et où la consommation d'alcool est strictement interdite peine à attirer des touristes. Le royaume espérait y remédier et la salle de presse, où s'affichent des paysages saoudiens de rêve, pourrait être confondue avec un salon du tourisme. Des serveurs proposent à la dégustation quatre sortes de café, chacun provenant d'une région différente du royaume; des livres vantent les délices culinaires saoudiens ou des sites peu connus, comme la cité antique d'Al Ula ou la région montagneuse d'Abha.
Vendredi, le royaume avait organisé un dîner pour les médias dans la ville historique de Diriyah, près de Riyad, réputée pour son architecture en terre cuite, avec danse traditionnelle au programme. Mais l'ombre de l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi planait encore et toujours sur l'événement.
Lors d'une conférence de presse, le ministre de l'Investissement Khalid al-Falih a été interrogé pour savoir si le retentissement de ce crime avait causé un préjudice économique au royaume. Dans un pays peu habitué à ce que les journalistes posent des questions dérangeantes, le modérateur a voulu éluder la question. Mais le ministre a tenu à répondre. "Les investisseurs ne sont pas des journalistes, ils sont à la recherche de pays où ils peuvent avoir confiance dans un gouvernement qui soit efficace et qui prenne des décisions économiques appropriées", a-t-il déclaré en haussant les épaules.
"La nouvelle Arabie saoudite (du prince héritier Mohammad ben Salmane), on n'y croit plus vraiment. Les vrais réformateurs de ce pays sont aujourd'hui derrière les barreaux", avait amèrement constaté avant le sommet Lina al-Hathloul, soeur de l'une des féministes arrêtées au printemps 2018 dans le royaume, Loujain Al-Hathloul. "Il faut profiter de ce sommet où l'Arabie saoudite va être sous le feu des projecteurs pendant quelques jours pour dire les choses publiquement", avait-elle dit à l'AFP.