« Peu de situations m'ont autant choqué » comme au Sahel, selon le chef du HCR
« Les conflits, la violence, la discrimination, les violations des droits de l'homme, les crises politiques ont fait grimper le nombre de personnes déplacées de force à près de 80 millions - le double du chiffre d'il y a dix ans à peine », a déclaré M. Grandi, à l'ouverture de la 71ème session du comité exécutif du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR).
Le chef de l’agence onusienne s’est notamment inquiété de la situation au Sahel où « une crise politique, sécuritaire et humanitaire a déplacé des millions de personnes ». « Au début de cette année, je me suis rendu dans la région. Peu de situations m'ont autant choqué », a déclaré le Haut-Commissaire, dénonçant les brutalités, y compris les histoires horribles d’assassinats de parents devant leurs enfants.
Plus de 600.000 personnes ont été donc forcées d'abandonner leur maison. Ces dernières années, plus de 3.600 écoles ont été détruites ou fermées. Et « le pire, des milliers de femmes ont été violées ».
Tout en soulignant la responsabilité première de groupes armés, il a aussi dénoncé certaines actions militaires menées par les Etats de la région. « Certaines des actions militaires menées par les États de la région ont également forcé des personnes à fuir leurs foyers, causé des souffrances et créé des divisions », a ajouté M. Grandi.
Des solutions au-delà du prisme sécuritaire
S'il n'est pas facile de trouver une solution globale s'attaquant à toutes les causes profondes, le chef du HCR estime qu’il faut « redonner un sentiment d'urgence à la réponse au Sahel ». « Et si les problèmes de sécurité massifs causés par les groupes armés prévalent, les solutions ne peuvent être trouvées uniquement en regardant à travers le prisme sécuritaire », a insisté le Haut-Commissaire de l’ONU pour les réfugiés.
Toujours sur le continent africain, M. Grandi a également constaté de nouveaux déplacements au Mozambique. Au nord de ce pays d’Afrique australe, des affrontements entre les groupes armés non étatiques et les forces gouvernementales ont forcé plus 300.000 personnes à quitter leurs foyers.
Ailleurs dans le reste du monde, « les conflits n'ont pas cessé, comme je l'ai dit », a poursuivi le chef du HCR, qui s’est préoccupé notamment
« de l'escalade des tensions et des actions militaires entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ». « Nous nous joignons au Secrétaire général et à d'autres pour demander la reprise du dialogue afin d'éviter de nouvelles répercussions sur les civils et de nouveaux déplacements », a-t-il fait remarquer.
Dans cette radioscopie des mouvements de population, plus de 140.000 personnes ont été déracinées au Yémen, où la menace de famine pèse sur 24 millions de personnes. En Amérique centrale, 100.000 Nicaraguayens ont cherché refuge à l'étranger, la plupart d'entre eux au Costa Rica.
Débarquement de migrants : « honte en tant qu'Européen »
A l'ouverture de la 71ème session du comité exécutif du HCR, M. Grandi a également regretté « l'externalisation de l'asile au-delà des frontières d'un pays », comme on le voit en Amérique du nord, en Asie avec les Rohingyas, ou avec ces migrants bloqués en mer pendant près de 40 jours à bord du pétrolier danois Maersk Etienne, avant d'être autorisés à débarquer en Sicile le mois dernier.
« Il y a quelques semaines, le navire « Maersk Etienne » a sauvé 27 personnes - 27 personnes - en Méditerranée. Et pourtant, pendant des semaines, les États n'ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités », a-t-il indiqué.
« En tant qu'Européen, je trouve honteux qu'il ait fallu plus d'un mois pour laisser débarquer seulement 27 personnes » du cargo Maersk Etienne, a affirmé le patron du HCR.
A cet égard, la réponse aux mouvements des réfugiés « ne peut pas être que de fermer la porte ». « Nous ne pouvons permettre aux réactions xénophobes, qui ne servent qu'à créer un consensus facile et à attirer des voix électorales, de façonner les réponses à des problèmes certes complexes mais gérables », a insisté le Haut-Commissaire.
A son avis, les dangereuses lignes de pensée qui se dessinent dans certains des pays les plus riches du monde – « externaliser » l'asile au-delà des frontières d'un pays - violent le droit international, mettent en danger la vie des plus vulnérables et constituent des précédents qui menacent l'asile au niveau mondial.
« Pourtant, nous avons déjà vu des mères et des enfants fuyant la violence des gangs dans le nord de l'Amérique centrale être repoussés, voire renvoyés dans leur pays d'origine », a fustigé M. Grandi.