Le Policy Center for the New South au Forum de Bamako

Le Policy Center for the New South au Forum de Bamako

La semaine dernière se tenait à Bamako le Forum éponyme… Intellectuels, chercheurs, influenceurs, politiques et diplomates se sont retrouvés pour discuter de la problématique très large de « l’Afrique à l’horizon 2040 ». Le Forum est organisé chaque année depuis sa création voici 20 ans par la Fondation du Forum de Bamako de son fondateur, l’omniprésent et toujours souriant Abdullah Coulibaly. Trois jours d’échanges fructueux, où le Maroc était fortement représenté à travers le Policy Center for the New South.

Le contexte. Dans un monde tourmenté, le Mali l’est encore davantage. Traiter de la problématique africaine et de ses perspectives, de questions de développement et de leurs prospectives, est une tâche ardue, surtout à l’horizon 2040. A la cérémonie d’ouverture, le président du Mali Ibrahim Boubacar Keita a rappelé les fondamentaux, en l’occurrence les situations conflictuelles, celle de son pays en premier, tiraillé entre les factions communautaires et ethniques et tiraillé par les groupes terroristes qui infestent la région et évoluent parfois à quelques dizaines de kilomètres de la capitale.

D’entrée de jeu, le président du Forum Abdullah Coulibaly a affirmé que « les Etats africains et, principalement ceux du Sahel, sont brutalement confrontés à une double fragilité face à une crise sécuritaire sans précédent. D’une part, il y a le défi d’une ’’guerre asymétrique’’ et, d’autre part, le défi lié aux ’’difficultés de mobiliser les ressources pour faire face à l’effort de guerre ». Le décor est planté.

La difficulté de la prospective. Le Pr Alioun Sall, fameux sociologue franco-sénégalais, l’a bien rappelé lors de la cérémonie d’ouverture, suggérant cette vérité qu’ « aucun des grands événements survenus dans ces trente dernières années (chute du Mur de Berlin, fin de l’Apartheid…) n’a été prévu par les projectivistes, et que donc en conséquence tout peut arriver en Afrique d’ici l’an 2040 ». Exact.

Pour sa part, le géopoliticien Pascal Boniface a confirmé la thèse d’Alioun Sall en insistant sur la difficulté de faire des projections en et pour l’Afrique. En effet, le multilatéralisme peut reprendre ses droits et favoriser l’inclusion entre pays du Sud et entre le Nord et le Sud, le réchauffement climatique peut prendre des formes et engendrer des ravages en raison des climatosceptiques qui prendraient l’avantage, et le leadership américain est susceptible de disparaître, ouvrant la voie à un monde dont on ignore les contours et les caractéristiques.

 

La contribution marocaine. L’ambassadeur du Maroc était certes présent durant les trois


jours, mais c’est la délégation du Policy Center for the New South qui était à la manœuvre, avec une brochette d’experts rompus à la prospective, historiens et hauts fonctionnaires, MM. Mhamed Dryef, Abdelhak Bassou, Khalid Chegraoui, Rachid Houdaïgui... délégués par le président du think tank Karim Aynaoui, ainsi que MM. Fathallah Sijilmassi et le colonel Hassane Saoud de l’Institut royal des études stratégiques. Le PCNS a organisé un « side event » sur l’expérience marocaine en matière de régionalisation, dans un Mali éclaté entre plusieurs factions politiques et militaires et une Afrique en recherche d’un mode de développement intégré où les régions auraient leur importance.

Ainsi, après un très intéressant aperçu sur l’évolution de la décentralisation au Maroc, le wali Mhamed Dryef a présenté les grandes lignes de la politique de la régionalisation avancée, depuis la loi de 1976 sur les communes à la mise en place effective des 12 conseils régionaux en 2015. Le Wali a insisté sur les transferts de compétences et des moyens humains et matériels de l’Etat central aux collectivités locales, tout au long des 40 dernières années. Puis ce fut le tour du Dr Khalid Chegraoui (ci-dessus), historien médiéviste spécialiste du Sahel, qui a apporté un bref éclairage, très condensé, sur la très longue histoire du Sahel et des interactions avec le Maroc.

 

Par ailleurs, et toujours à Bamako, et en marge du Forum, le Policy Center a encore été à la manœuvre pour une conférence sur la régionalisation, en présence d’un nombreux public face à deux ministres du gouvernement malien, celui de la Régionalisation et celui des Réformes institutionnelles. Cela a été l’occasion pour le Wali Dryef (ci-contre, avec les deux membres du gouvernement malien) d’approfondir son exposé sur l’expérience régionale marocaine et de répondre aux questions du public sur les défis rencontrés et relevés par le Maroc et sur les difficultés auxquelles devront s’attendre les Maliens, en quête de régionalisation. Cela a donné l’occasion aux ministres, MM Alpha Bah et Thiam, d’exposer la politique malienne en matière de décentralisation, de déconcentration et de régionalisation, dans une année 2020 qui verra l’organisation de plusieurs élections, de la communale à la sénatoriale.

Le Forum de Bamako a fermé ses portes samedi, après une allocution de clôture où le président Coulibaly a remercié les délégations présentes, en insistant particulièrement sur la contribution du Policy Center for the New South.

Aziz Boucetta