Frappe contre un centre de migrants en Libye : l’ONU situe les responsables
Dans un nouveau rapport sur les frappes aériennes de juillet 2019 en Libye qui ont tué au moins 53 migrants et réfugiés au centre de détention de Tajoura - l'un des incidents les plus meurtriers depuis le début d'une nouvelle série d'hostilités en avril 2019 - l'ONU a lancé un appel à toutes les parties au conflit à mener des enquêtes indépendantes, impartiales et approfondies pour garantir la responsabilité des violations du droit international.
Le rapport publié par la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et le Bureau des droits de l'homme des Nations Unies, l’ONU appelle à une action urgente pour empêcher qu'une tragédie similaire ne se produise dans un conflit au cours duquel au moins 287 civils ont été tués et 369 civils blessés en 2019, 60% de ces pertes étant attribuées à des frappes aériennes.
Le rapport se fonde sur les visites du personnel de la MANUL sur le site, l'analyse de séquences vidéo et d'autres éléments de preuve, ainsi que des entretiens ultérieurs avec des survivants et des témoins. Il constate que le 2 juillet une bombe livrée par avion a frappé un atelier de réparation de véhicules exploité par la Brigade de Daman, un groupe armé allié au gouvernement libyen d’accord national (GNA).
Selon le rapport une deuxième frappe aérienne 11 minutes plus tard a frappé le centre de détention de Tajoura, un grand hangar situé dans le même complexe où 616 migrants et réfugiés étaient détenus. La deuxième section du hangar, où 126 personnes étaient détenues, a été directement touchée, tuant au moins 47 hommes et six garçons.
Le rapport concorde avec les constatations précédentes de l'ONU selon lesquelles les frappes aériennes étaient probablement menées par des avions appartenant à un État étranger, notant que, « il n'est pas clair si ces moyens aériens étaient sous le commandement de l'ANL (Armée nationale libyenne) ou étaient exploités sous le commandement de cet État étranger à l'appui de l'ANL. », a expliqué le rapport onusien.
«L'attaque de juillet 2019 à Tajoura est un exemple tragique de la façon dont l'utilisation de la puissance aérienne est devenue une caractéristique dominante du conflit civil en Libye, et des dangers et des conséquences directes pour les civils de l'ingérence étrangère», a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général et chef de la MANUL Ghassan Salamé. «C'est pourquoi les engagements pris à Berlin le 19 janvier de mettre fin à une telle ingérence et de respecter l'embargo sur les armes imposé par l'ONU doivent prendre effet. », ajoute –il.
Toutes les parties au conflit connaissaient l'emplacement et les coordonnées exactes du centre de détention de Tajoura, qui avait précédemment été touché par une frappe aérienne
en mai 2019.
Le rapport appelle toutes les parties, en particulier le GNA et le LNA, ainsi que tous les États soutenant l'une ou l'autre des parties, à mener des enquêtes sur les frappes aériennes en vue d'assurer des poursuites rapides contre les responsables.
«Comme je l'ai dit précédemment, l'attaque de Tajoura, selon les circonstances précises, peut constituer un crime de guerre. Les Libyens, les migrants et les réfugiés sont piégés par la violence et les atrocités qui sont à leur tour alimentées par l'impunité. Les coupables de crimes au regard du droit international doivent être tenus responsables », a déclaré la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet.
En outre, bien que le centre de détention ait déjà été touché, la brigade de Daman n'a pas réussi à déplacer les détenus du voisinage d'un objectif militaire potentiel ni à déplacer des objets militaires qui étaient placés à côté du centre de détention. Cela équivaut probablement à une violation par la Brigade de Daman et le GNA de leur obligation de prendre toutes les mesures possibles pour protéger les civils sous leur contrôle contre les effets des attaques, indique le rapport.
Cependant, cet échec «n'exonère en rien» la partie responsable de la frappe aérienne de ses propres obligations en vertu du droit international humanitaire de respecter les principes de distinction, de proportionnalité et de précautions en cas d'attaque.
Le rapport exhorte également les autorités libyennes responsables à fermer tous les centres de détention pour migrants et à veiller à ce que les migrants et les réfugiés libérés bénéficient d'une protection et d'une assistance rapides
Fin décembre 2019, quelque 3186 personnes étaient détenues dans des centres de détention pour migrants sans procédure régulière et dans des conditions ne respectant pas les normes minimales internationales. Actuellement, environ 2 000 migrants sont exposés ou se trouvent à proximité des combats dans et autour de Tripoli.
L'ONU a demandé à plusieurs reprises la fermeture de tous les centres de détention pour migrants en Libye, où le personnel des droits de l'homme de l'ONU a documenté une surpopulation grave, des actes de torture, des mauvais traitements, du travail forcé, du viol et une malnutrition aiguë, entre autres graves violations des droits de l'homme. Une priorité urgente devrait être accordée à la fermeture des centres à l'intérieur ou à proximité des complexes contrôlés par les parties au conflit.
À la suite des frappes aériennes de juillet, tous les migrants et réfugiés ont été libérés du centre de détention de Tajoura. Le 1er août 2019, le GNA a annoncé son intention de fermer trois centres de détention, dont Tajoura. Cependant, selon les dernières informations que nous avons reçues, le centre de détention de Tajoura reste ouvert.
Mouhamet Ndiongue