Algérie: Ouyahia et Abdelmalek Sellal écopent 15 et 12 ans de prison ferme

Algérie: Ouyahia et Abdelmalek Sellal écopent 15 et 12 ans de prison ferme

La justice algérienne a infligé mardi à Alger de lourdes peines à plusieurs anciens hauts dirigeants politiques et grands patrons jugés coupables de corruption dans le cadre du premier procès consécutif aux vastes enquêtes lancées après le départ du président Abdelaziz Bouteflika.

Proches de M. Bouteflika dont ils furent Premier ministre, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, écopent respectivement de 15 et 12 ans de prison ferme, a constaté une journaliste de l'AFP.

Le Parquet avait requis 20 ans d'emprisonnement contre les deux hommes qui ont paru abattus à l'énonce du verdict, de même que plusieurs de leurs co-accusés

C'est la première fois depuis l'indépendance en 1962 qu'étaient jugés des dirigeants de ce rang, réputés intouchables il y a encore moins d'un an: Ahmed Ouyahia, 67 ans, fut quatre fois Premier ministre entre 1995 et 2019, dont trois fois durant les 20 ans de présidence Bouteflika, et Abdelmalek Sellal, 71 ans, dirigea le gouvernement de 2014 à 2017 et quatre campagnes électorales du président déchu.

Le verdict de ce procès inédit intervient à 48 heures d'une élection présidentielle censée élire un successeur à M. Bouteflika, mais massivement rejetée par la rue algérienne qui l'a contraint à la démission en avril.

Une partie des avocats ont boycotté le procès, dénonçant une "parodie de justice" et un climat de "règlement de comptes".

Dix-huit accusés au total étaient jugés depuis le 4 décembre pour diverses malversations liées au secteur de l'industrie automobile algérienne et au financement électoral "occulte" de M. Bouteflika, chef de l'Etat durant 20 ans.

Egalement anciens ministres de l'Industrie Mahdjoub Bedda et Youcef Yousfi écopent de 10 ans d'emprisonnement, a annoncé le juge qui s'est contenté d’égrener la liste des noms et des peines. Il a également infligé 5 ans de prison ferme à l'ancienne préfète Nouria Yamina Zerhouni.

Ancien tout puissant président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), principale organisation patronale du pays, Ali Haddad, PDG du n°1 privé du BTP algérien, a été condamné à sept ans de prison ferme.

Trois autres riches hommes d'affaires, Ahmed Mazouz, Hassen Arbaoui et l'ancien vice-président du FCE Mohamed Bairi, tous propriétaires d'usines de montage de véhicules, ont écopé respectivement de 7, 6 et 3 ans de prison.

Un haut fonctionnaire du ministère de l'Industrie a écopé de cinq ans et l'ancien directeur d'une banque publique


algérienne de trois ans. Le fils de M. Sellal, Farès, actionnaire du groupe de M. Mazouz a été condamné à trois ans d'emprisonnement.

Abdelghani Zaalane, ancien ministre des Transports et ex-directeur de campagne de M. Bouteflika pour la présidentielle d'avril 2019 finalement annulée, a été acquitté, de même qu'une cadre préfectorale.

- Scandale automobile -

Les principaux accusés ont protesté de leur "innocence" et passé le procès à se défausser les uns sur les autres.

Avant que le tribunal se retire pour délibérer, Abdelmalek Sellal s'était effondré en larmes, implorant: "Il ne me reste pas beaucoup à vivre. S'il vous plaît, M. le juge, réhabilitez-moi".

L'industrie automobile algérienne a été mise sur pied depuis 2014 via des partenariats entre marques étrangères et grands groupes algériens, souvent propriétés d'hommes d'affaires liés à l'entourage du président déchu.

Les groupes agréés par les autorités ont bénéficié d'importantes subventions et de substantiels avantages fiscaux, malgré un cahier des charges rarement respecté.

"Certains hommes d'affaires géraient des sociétés écrans tout en bénéficiant d'indus avantages fiscaux, douaniers et fonciers", a souligné le procureur, cité par les médias, dénonçant un secteur dominé par "le népotisme et le favoritisme".

Le scandale automobile a entraîné une perte pour le Trésor public estimée à plus de 128 milliards de dinars (975  millions d'euros), selon le chiffre donné par l'agence officielle APS.

Les débats ont été dominés par les accusations de financement illégal de la dernière campagne électorale de M. Bouteflika, candidat à un 5e mandat en avril dernier avant d'être contraint à renoncer et d'annuler la présidentielle, face à un mouvement ("Hirak") de contestation populaire inédit.

Cette campagne "a occasionné une perte au Trésor public estimée à 110 milliards de dinars" (plus de 830 millions d'euros), a accusé le procureur, cité par des médias.

D'autres procès attendent certains des accusés, cités dans d'autres volets des vastes enquêtes relatives à des faits présumés de corruption, ouvertes depuis le départ du président Bouteflika et soupçonnées de servir opportunément des luttes de clan au sommet dans l'après-Bouteflika.

"L'Algérie d'avant le mois de février et l'Algérie de maintenant n'est pas la même (...) Nous sommes ici pour appliquer la volonté du peuple (...) Nous voulons un procès historique et (une) morale pour celui qui veut en tirer des enseignements", avait martelé dimanche le procureur avant de conclure le procès.