Algérie : A presque 10 mois la contestation ne faiblit pas

Algérie : A presque 10 mois la contestation ne faiblit pas

Le mouvement populaire de contestation du régime en Algérie est entré vendredi dans son 10e mois en refusant toute "marche arrière" à l'approche de la présidentielle contestée du 12 décembre, perçue comme une manoeuvre du pouvoir pour se régénérer.

A Alger, plusieurs rues du centre-ville étaient noires de monde à l'occasion du 40e vendredi consécutif de manifestation depuis le 22 février.

Ce jour-là, répondant à l'appel des réseaux sociaux, des cortèges inédits s'étaient formées à travers le pays contre la candidature à un 5e mandat d'Abdelaziz Bouteflika, alors président depuis 20 ans, considérablement affaibli par la maladie.

Après avoir obtenu sa démission en avril, le mouvement ("Hirak") de contestation n'a pas faibli et entend désormais aller "jusqu'au bout" en obtenant le départ du régime qui dirige l'Algérie depuis son indépendance en 1962.

"Nous demandons la liberté et on ne fera pas marche arrière", a notamment martelé en choeur la foule dans la capitale, avant de se disperser sans incident en fin d'après-midi. Des manifestations ont fortement mobilisé dans plusieurs autres villes du pays, selon les médias en ligne et les réseaux sociaux.

"Il y a neuf mois on est sorti marcher pour empêcher Bouteflika de mourir dans le fauteuil de président et on marchera jusqu'à la fin de son régime", assure Rachid, fonctionnaire de 29 ans, dans le cortège algérois.

Exigeant la mise sur pied d'institutions de transition pour remplacer les autorités actuelles, les contestataires refusent que le pouvoir, incarné depuis le départ de M. Bouteflika par le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée, organise le moindre scrutin.

"Généraux à la poubelle"

"Les généraux à la poubelle et l'Algérie obtiendra son indépendance", ont également scandé les manifestants, dénonçant à la place centrale occupée depuis 1962 par le haut commandement de l'armée dans le mécanisme - opaque - de décision en Algérie.

Ils répondaient aussi de façon cinglante aux propos tenus dans la semaine par le général Gaïd Salah sur l'"élan populaire" se manifestant par des


marches "spontanées soutenant l'armée (...) et la tenue de la présidentielle".

Si la presse algérienne a fait état de quelques manifestations de soutien au pouvoir et au scrutin, elles semblent avoir peu mobilisé, surtout en regard de l'affluence des cortèges anti-élection.

"Dégage Gaïd Salah, il n'y aura pas de vote cette année !", ont aussi répondu bruyamment les manifestants vendredi à celui qui dicte, depuis le mois d'avril, ses "suggestions" au président par intérim Abdelkader Bensalah et au gouvernement du Premier ministre Nourredine Bedoui.

Les cinq candidats à la présidentielle connaissent une campagne agitée: leur déplacements sont annoncés au dernier moment et leurs meeting, pourtant placés sous haute protection policière, souvent perturbés par des manifestants hostiles au scrutin, pas découragés par les dizaines d'arrestations et quelques condamnations lourdes à de la prison ferme.

Trois de ces candidats ont occupé de hautes fonctions au sein du Front de libération nationale (FLN). Issu de la Guerre d'indépendance et parti unique durant un quart de siècle, le FLN a soutenu jusqu'à la fin un 5e mandat du président Bouteflika, dont il avait fait son président d'honneur. Deux de ces trois hiérarques furent en outre chefs du gouvernement du président déchu.

Quant aux deux autres candidats, ils dirigent deux partis ayant soutenu M. Bouteflika durant sa présidence.

"Avec ces candidats il n'y a aucun espoir de changement, on prend les mêmes et on recommence. Et ça le Peuple ne l'acceptera jamais", affirme Rachid le fonctionnaire.

Depuis deux soirs, des Algériens se rassemblent en outre à Alger - comme le font depuis quelques jours les habitants d'autres localités - pour protester contre la présidentielle.

"Je pense qu'ils (les dirigeants) ne pourront pas tenir", jusqu'à la présidentielle "avec les manifs de nuit que nous continuerons a organiser", estime Lyes, infirmier de 58 ans. "Au pire des cas ils organiseront l'élection le 12 décembre sans nous, le peuple. Et le 13 on sera dans la rue pour faire tomber le nouveau président"