Egypte: un scandale de corruption agite la toile
Une série de vidéos accusant, depuis l'étranger, le président Abdel Fattah al-Sissi et l'armée de corruption, provoque de l'agitation depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux en Egypte.
Dans ces vidéos en arabe, un entrepreneur égyptien, Mohamed Aly, exilé en Espagne, affirme que les autorités lui doivent des millions de livres égyptiennes pour des réalisations effectuées par sa compagnie de bâtiment Amlaak.
"Ils ont pris tout mon argent et aucun d'eux ne m'a versé de compensation", dit M. Aly dans une des vidéos au sujet d'un projet sur lequel Amlaak a travaillé en collaboration avec l'armée.
Selon lui, l'armée a "construit de nombreux projets ratés qui n'ont apporté aucun revenu aux gens", et, dans de long monologues, fustige parfois avec ironie les "projets orgueilleux" des autorités.
"Vous dites que nous (les Egyptiens) sommes très pauvres et qu'on devrait se serrer la ceinture (...). Vous jetez des milliards", argue-t-il en s'adressant au président Sissi dans sa première vidéo postée la semaine dernière.
A la suite de ce flot d'accusations, le sujet sensible du rôle de l'armée dans l'économie égyptienne s'est retrouvé au centre de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux.
Sous le hashtag en arabe "#lanouvellevideo", de nombreux internautes ont apporté leur soutien, plus ou moins explicitement, à M. Aly.
L'un d'eux a posté une photo de la légende américaine de la boxe Mohamed Ali, une autre du souverain égyptien homonyme du XIXe siècle, avec une photo de l'entrepreneur et le message: "On ne joue pas avec quiconque s'appelle Mohamed Ali".
Si aucun chiffre crédible n'existe sur le poids exact de l'armée dans l'économie, elle intervient
dans la production de divers biens, de la machine à laver aux pâtes alimentaires, ou encore dans la construction de nombreuses routes.
Depuis l'arrivée de M. Sissi, ancien chef de l'armée, à la tête de l'Etat égyptien en 2013, cette implication est devenue plus visible encore.
La semaine dernière, le porte-parole de l'armée a toutefois affirmé à la télévision que les forces armées supervisaient --plutôt qu'elles ne dirigeaient-- plus de 2.300 projets nationaux, employant quelque cinq millions de civils.
Dans un pays où toute critique vis-à-vis du gouvernement est réprimée, les allégations de M. Aly ont déclenché un tir de barrage de la part de soutiens de M. Sissi.
Un avocat a notamment déposé plainte contre M. Aly, l'accusant de "trahison".
Par ailleurs, le père de l'acteur est apparu à la télévision, où il a présenté ses excuses.
"Il semble que l'Etat égyptien s'intéresse plutôt à la possibilité de faire taire Mohamed Aly (...), qu'à celle de révéler la vérité et corriger les mauvaises politiques", a réagi sur Twitter le politologue Hassan Nafaa.
Aucune réaction officielle n'avait été publiée lundi.
Le siège de la compagnie Amlaak Group, près du Caire, était désert dimanche.
"Ils ont évacué les lieux il y a environ deux ans", a dit le propriétaire de la villa de deux étages où Mohamed Aly travaillait.
Le mode de vie extravagant de M. Aly a alimenté le débat sur internet sur ses motivation à dénoncer la corruption en Egypte, certains estimant que l'homme cherchait uniquement à se venger.
L'homme a affirmé qu'il continuerait à publier des vidéos tant que les autorités n'apporteraient pas une réponse officielle.