Rétro n°22 - Une semaine folle, molle, drôle
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- 19 novembre 2018 --
- Opinions
La fadeur n’est pas passée, elle ne passera jamais.
Lundi. Nous sommes à la Chambre des représentants, moment solennel avec un président de séance qui s’amuse comme un fou, se gargarisant de son pouvoir illusoire et de ses boutons noirs. Arrive un député qui attaque Saaïd Amzazi sur la désormais fameuse question des horaires scolaires sous le régime du GMT+1. Le ministre de l’Education dit que son département a consenti des efforts « très colossaux » (sic, mais en arabe), et que des gens sont responsables de la sortie des élèves dans les rues. Qui, M. le ministre ? Vous en dites trop ou pas assez… mieux valait-il, sans doute, se taire à jamais et se terrer pour toujours.
Le PJD annonce sa volonté d’aller en Algérie, porter la parole du roi Mohammed VI et dans l’intention de construire des passerelles de dialogue. Autant penser à construire des châteaux en Espagne, ce qui au demeurant est déjà le cas pour moult heureux responsables, chez nous et chez eux.
Mardi. A Alger, après avoir fait difficilement comprendre à Abdelaziz Bouteflika qu’il est encore candidat à sa réélection, on essaie maintenant de lui annoncer l’offre de paix de Mohammed VI. Au Maroc, partis, syndicats, médias, gouvernement, société civile ont déjà oublié la chose, trop occupés par leur sinistrose. Le PJD a bien tenté quelque chose, mais niet algérien. Quant au ministère des Affaires étrangères, il semble très peu concerné, ou attend des ordres qui ne viendront pas, le roi ayant été très clair en son discours de la Marche verte. C’est ça, avoir un ministre technocrate… sans télécommande, ses commandes cérébrales sont à l’arrêt.
A Rabat, le PJD demande au gouvernement de mieux et plus écouter l’opinion publique en ce qui concerne, notamment, GMT+1. Qui est le chef du PJD ? M. Saadeddine Elotmani… Qui est le chef du gouvernement ? M. Saadeddine Elotmani toujours. Et donc, M. Saadeddine Elotmani demande à M. Saadeddine Elotmani de mieux écouter… Seul un psy peut faire ça, et il l’a fait.
Mercredi. Ils sont 6 Marocains sur 10 à vouloir s’en aller. Où ? Peu importe, mais s’en aller, coûte que coûte, vaille que vaille. Ce n’est pas ce chiffre qui est admirable, mais celui-ci : 4 veulent rester… 40% de la population serait-elle donc inconsciente ? Toujours est-il que 6 Marocains sur 10 veulent s’en aller. Où, comment ? Savent pas, mais veulent partir, c’est tout… et dans une belle unanimité : riches et pauvres, citadins et ruraux, instruits ou pas, hommes et surtout femmes, c’est le Grand Départ vers n’importe où… Et pourtant, nous avons un TGV maintenant… Remarque, on s’en ira plus rapidement avec !
A Marrakech, la sécurité routière fait son show. A cette occasion et face au festival de morts et d’estropiés causés en Afrique par les accidents de la route, un festival du film est programmé. Le Maroc est à la manœuvre… mais comment donner des leçons quant on aligne environ 4.000 morts par an, 80.000 en vingt ans, 10.000 handicapés par an, 200.000 en vingt ans ? Comment être crédible et causer infrastructures, responsabilité, contrôle et sanction quand une aussi coupable impunité est accordée aux chauffards, qui tuent… puis re-tuent, puisque laissés en liberté. Fils de, ami de, épouse de… Silence, on tue. Pour lutter contre le fléau de l’insécurité routière, il faut des idées, mais le CNPAC, lui, a une idéologie : le malthusianisme.
Jeudi. Le TGV est en marche, et Emmanuel Macron y était, avec le roi Mohammed VI. Une cérémonie inaugurale aussi rapide que le train, puisque le roi de France avait une makhzaniya chez lui, en son palais de l’Elysée, le soir même. Il aura quand même dégusté une pastilla à 320 km/h, mais aucune étude sérieuse n’a encore confirmé qu’une pastilla se digère bien à cette vitesse. Al Boraq, c’est le nom de la bête, se comporte bien sur ses
rails et bien qu’il porte le nom d’un cheval ailé qui vole, le TGV n’a pas décollé, contrairement au satellite Mohammed VI deuxième du nom, qui prendra son envol de Kourou, la semaine prochaine. Merci la France d’être toujours à nos côtés… et d’empocher au passage quelques 3 milliards d’euros, bagatelle correspondant au prix du TGV, du satellite et, accessoirement, d’un éventuel veto à l’ONU…
Pas de conseil de gouvernement, mais personne ne s’en est aperçu… Pour cause, l’inauguration du TGV... mais à ladite inauguration, les deux seuls ministres du Transport, le ministre et son sous-ministre, étaient là. Alors, où est le gouvernement ? Personne ne sait et tout le monde s’en moque.
Le procureur saoudien, aussi croyant qu’indépendant, plus pieux que studieux, au regard qui tue, dont la férocité n’a d’égale que sa docilité, vient de réclamer la peine de mort pour 5 types, suite à la mort de Jamal Khashoggi dans les conditions qu’on sait, là où on sait. Il n’a même pas attendu le procès pour requérir… Le procureur a aussi demandé à Ankara les preuves que la Turquie détient, tout en précisant ne pas avoir d’idée sur l’endroit où se trouve le corps. Il est vrai que si les accusés ne souhaitent pas le lui dire, rien ne les oblige à le faire… car il ne faut jamais oublier que la Saoudite est membre du Conseil de l’ONU pour les droits de l’Homme… et MBS tient à la réputation de son royaume, en attendant d’en prendre les rênes et de lancer sa grande politique de décapitations.
Vendredi. Le Maroc a un visage nouveau, le TGV y roule désormais… Nos frères immigrés subsahariens n’auront donc qu’à arriver jusqu’à Casa et, pour une modique contribution financière, ils ne seront plus qu’à deux heures de Tanger. Avec Tarifa en vue.
Et le Conseil de gouvernement s’est finalement réuni, sous la présidence du souriant et bon docteur Elotmani, qui a sévèrement taclé ses deux ministres, Ramid et Amzazi, alias Amzazizanie. Il a affirmé que les manifs des jeunes élèves étaient spontanées, contrairement aux deux autres qui ont dit qu’elles étaient téléguidées… Admirable démonstration de cafouillage gouvernemental, de plantage ministériel, et de dérapage institutionnel. Mais à part cela, on est optimiste, comme le bon Docteur.
Samedi. Les gilets jaunes, et jeunes, bloquent la France. Quelques 250.000 gars revêtent des gilets de couleur jaune, d’où leur nom, et investissent voies et rues, boulevards et autoroutes, ce samedi en France. La raison ? Les carburants sont trop chers. En France, comme au Maroc, les mêmes causes produisent les mêmes effets… le carburant est trop cher, alors on râle. Et au Maroc, qui copie avec une admirable régularité la fiscalité française, la plus grande partie du prix du carburant est formé d’impôts et taxes. Alors, on râle encore plus. Boycott ici, gilets jaunes là-bas, ras-le-bol partout, enrichissement des distributeurs et racket de l’Etat envers et contre tout.
Driss Guerraoui est nommé président du Conseil de la Concurrence. Le Conseil est en panne depuis 2013, et donc la concurrence aussi. Cela a donné plein d’ententes, à défaut d’entendement. Driss Guerraoui, professeur universitaire émérite et plein de mérite, pourra-t-il faire face aux cartels des milliardaires, très solidaires entre eux et lapidaires quant à leurs méthodes. Le Conseil conseillera-t-il aux grands de respecter la loi ou à la justice de faire appliquer la même loi ? Qui vivra verra… du moins ceux qui resteront ici.
Dimanche. Le Maroc célèbre le 62ème anniversaire de son indépendance. Soit. Félicitations à nous. Sauf qu’en 62 ans, l’agriculture ne paie toujours pas d’impôts, on n’a toujours pas de classe politique et on ne sait toujours pas en quelle langue enseigner la connaissance à nos petites têtes brunes. Mais bon, félicitations quand même aux Marocains, dont 60% veulent s’en aller de ce pays indépendant.
A la semaine prochaine.
Aziz Boucetta