Rétro n° 18 - Une semaine folle, molle, drôle

Rétro n° 18 - Une semaine folle, molle, drôle

La fadeur n’est pas passée, elle ne passera jamais.

Lundi. La Chambre des conseillers, étant arrivée à mi-mandat, (ré)élit son président. Deux candidats, le PAM sortant Hakim Benchamas et le PJD voulant entrer Nabil Chikhi descendent dans la fosse, l’Istiqlalien éternellement malheureux Abdessamad Qayyouh ayant jeté l’éponge. Dans n’importe quelle contrée agissant normalement, le candidat de la majorité l’aurait emporté, mais nous ne sommes de toute évidence pas dans une configuration « normale » … Tous les partis de la majorité, et la CGEM, ont voté pour le PAM, parti d’opposition, et aucun parti de la majorité n’a voté pour le candidat du parti conduisant la majorité. Crise politique alors ? Même pas, puisque nous ne sommes pas dans une configuration « normale ». Quelqu’un proteste ? Et bien non, tout le monde, ou presque, s’en fiche.

Mardi. Drame à Bouknadel. Un train reliant Salé et Kenitra déraille. Bilan : 7 morts et plus de 100 blessés, dont 7 dans un état grave, c’est-à-dire en langage clair amputés d’un ou plusieurs membres. L’ONCF agit dans le désordre, le roi donne ses ordres, et le ministre de l’Intérieur se précipite sur place, puis roule sur lui-même entre les wagons déchirés, entassés, éventrés. Au Maroc, c’est toujours pareil, en cas de tragédie : on dirait que les hauts responsables ne se remuent que si le chef de l’Etat les y enjoint. Puis, les choses étant graves, la justice ouvre une enquête, une énième… Le futur gouvernement devait prévoir un secrétariat d’Etat aux « enquêtes ouvertes et non fermées » … Le train roulait semble-t-il à une centaine de kilomètres à l’heure. Alors donc, si vous avez aimé le train navette rapide, vous adorerez le train à grande vitesse prévu pour en principe pour dans pas longtemps…

Mercredi. Le Maroc se qualifie pour la suite des qualificatifs de la CAN 2019 (dont on ne sait toujours rien du pays où elle se jouera), après un match nul aux Comores, et une victoire étriquée au Maroc. C’est ainsi, avec notre équipe nationale, elle est grande avec les grandes équipes, petite avec les petites ; les grands jours, elle vous sort un petit jeu et certains joueurs peuvent être en petite forme, mais vous sortir un grand match. Tout cela ne fait pas une équipe pro… malgré les pros venus d’ailleurs et les promesses faites ici. Non, nous n’avons toujours pas de football dans ce pays.

Jeudi. Un jeune Marocain a été condamné à deux ans de prison ferme à Tétouan pour « outrage au drapeau national ». Un autre est passible de 5 ans d’embastillement pour le même motif, à Agadir. Soit. Alors, axiome : le drapeau marocain ne peut être « outragé » par un Marocain – re axiome : le drapeau national peut être « outragé » par un étranger, et s’il est Français, c’est mieux. Pour un étranger donc, c’est moins grave semble-t-il, du moins à en croire les reports successifs, peut-être à l’infini, du « procès » un Français outrageant réellement le drapeau à Marrakech. Mais lui était soul, et lui est Français. Selon que vous serez Français ou Marocain, la justice vous fera blanc


ou noir, aurait pu dire La Fontaine.

Vendredi. Un roi a un temps de réaction… royal. Il n’est pas tenu de s’inscrire dans les agendas des uns et des autres. Il n’est pas obligé de réagir comme le veulent les autres, et surtout comme l’attendent les autres. Vendredi, il a rendu justice à quelqu’un d’important, le ministre de l’Agriculture en l’occurrence… en ne le révoquant pas ! En juin, des excités très proches du PAM, selon la vidéo qui avait circulé, avaient demandé, hurlant à la face du roi, « Akhannouch, dégage ». Fort bien, le roi a entendu, il a vu, il a compris. Puis il a pris son temps. Et cette semaine, il a non seulement maintenu son ministre, mais il lui a confié en plus la réflexion sur le devenir de l’agriculture nationale, et de 40% de la population. Le temps royal est une valse à quatre temps : entendre, comprendre, attendre. Puis entreprendre, mais à sa convenance.

Samedi. Ainsi donc, selon la tant attendue version saoudienne, Jamal Khashoggi est bien entré dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul ce 2 octobre, et il y est bien mort. Mais suite à une rixe qui a mal tourné, selon Riyad : l’homme de 59 ans, cerné par une quinzaine de jeunes hommes venus spécialement de Riyad pour le rencontrer, dont certains bien charpentés, s’énerve et se met à agiter ses petits bras d’intellectuel bedonnant. Les autres le regardent s’exciter, évitent soigneusement ses coups, parfois se laissant gentiment frapper, pendant que lui, au comble de la violence, hurle, crache, souffle, et fait une crise cardiaque, puis s’effondre, en 15 morceaux distincts. C’est sans doute inspiré par une divine prémonition que le donneur d’ordre à Riyad avait pensé à adjoindre au groupe une sommité saoudienne de la médecine légale. C’est sûrement pour, conformément à une tradition administrative saoudienne, délivrer un certificat de décès très rapidement, mais voilà, le groupe, pris de panique devant la mort du trublion excité, perd et le document et le corps, dont les (15) morceaux s’éparpillent aux vents du Bosphore qui emportent tout. MBS, pour Mohamed Ben Salmane, ou Machine à Broyer du Saoudien, est donc définitivement un type bien.

Dimanche. Une autre vidéo de tentative de viol – ou de viol, c’est pareil – circule sur les réseaux. Deux vidéos, donc… Cela en devient cruellement normal, à croire que personne n’a appris les délices, les mystères et les misères du sexe aux jeunes Marocains. Et c’est bien cela le problème, on apprend au jeune garçon dès qu’il commence à parler qu’il est Rajel et maître du monde, à la jeune fille dès qu’elle commence à penser que ledit Rajel ne cherche que son petit point central… Au final, ces deux jeunes se retrouvent à 20 ans, et ça donne ce que l’on voit… et ces jeunes n’ont même pas conscience de l’abjection de leur acte puisqu’ils le filment. Les médias s’enflamment, la police se déchaîne, la justice dit son mot (timidement), et on attend la prochaine affaire.

A la semaine prochaine.

Aziz Boucetta