La Corée du Nord annonce la fin de ses essais nucléaires et balistiques

La Corée du Nord annonce la fin de ses essais nucléaires et balistiques

La Corée du Nord a annoncé, ce samedi 21 avril 2018, qu'elle allait geler ses tests nucléaires et balistiques et fermer son principal site d'essais nucléaires. Cette déclaration surprise s’inscrit dans le cadre d’intenses efforts diplomatiques pour la dénucléarisation du régime. De quoi jeter les bases d’une paix durable, avant les sommets prévus entre Kim Jong-un et ses homologues sud-coréen et américain ?

Pyongyang poursuit sa politique de rapprochement. Le régime a annoncé l’arrêt immédiat de ses tests nucléaires et tirs d'essai de missiles balistiques intercontinentaux, mais aussi le démantèlement du site d'essais nucléaires de Punggye-ri, dans le nord du pays. C’est là que le royaume ermite a effectué ses six tests nucléaires, dont le dernier - le plus puissant - en septembre 2017.

Vu de Séoul, il s'agit d'une avancée majeure pour l’apaisement des tensions sur la péninsule, relate notre correspondant dans la capitale sud-coréenne, Louis Palligiano. « La décision de la Corée du Nord est un progrès significatif vers la dénucléarisation de la péninsule coréenne, que souhaite le monde entier », a déclaré ce samedi le bureau du président Moon Jae-in.

Moins d’une semaine avant le sommet rarissime qui va réunir les leaders des deux Corées, Séoul voit dans cette initiative du Nord les fondations d’un environnement très favorable pour le succès des prochains rendez-vous intercoréens et entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. D'autant que lors de la session plénière du Parti du travail, ce vendredi, Pyongyang a laissé entrevoir une nouvelle ligne politique.

Le régime des Kim souhaite en effet se focaliser désormais sur le rétablissement de son économie, minée par l’alourdissement des sanctions internationales suite à ses provocations nucléaires et balistiques. En se tournant vers la diplomatie et en annonçant l'arrêt de son développement militaire, Kim Jong-un chercherait autant que possible à faire impression en tant que chef d’un Etat « normal ».

Le Japon veut « l'abandon définitif » de ces armes

Le scepticisme reste néanmoins palpable de l'autre côté de la frontière. Le principal parti d’opposition sud-coréen a affirmé que cette promesse demeurait loin de l’objectif d’une dénucléarisation « complète, vérifiable et irréversible ». De nombreux observateurs estiment que l’annonce de l’arrêt des essais n’est pas significative, étant donné que la Corée du Nord dispose déjà d’armes nucléaires.

L'engagement de Pyongyang est insatisfaisant, estime d'ailleurs le ministre japonais de la Défense, Itsunori Onodera. La Corée du Nord n'a pas mentionné « l'abandon de missiles balistiques de courte et moyenne portée », remarque-t-il.

Le Japon a déjà été survolé au moins à deux reprises par des missiles balistiques nord-coréens. Il ne croit pas en la volonté de la Corée du Nord de renoncer à de tels engins, ni à la bombe atomique. Itsunori Onodera assure que Tokyo ne modifiera pas sa politique de pressions jusqu'à « l'abandon définitif d'armes de destruction massive, armes nucléaires et missiles ».

D'autant que Kim Jong-un est clair : si les essais sont amenés à cesser à partir du 21 avril prochain, c'est parce que « le caractère opérationnel des armes nucléaires a été vérifié, il n'est plus nécessaire pour nous de mener des essais nucléaires ou de lancer de missiles à moyenne et longue portée ou ICBM »,


a-t-il dit lors d'une réunion du comité central de son Parti.

Le Japon ne veut pas être le « dindon » des discussions

Du point de vue nippon, dans l’éventualité d’un accord avec Donald Trump, Kim Jong-un serait prêt à renoncer à frapper des villes américaines avec des missiles de longue portée. Mais il se réserverait le droit de continuer à menacer les villes japonaises avec des missiles de courte portée. Tokyo craint que Donald Trump s’assure en priorité que les villes américaines ne soient pas menacées.

Quitte à sacrifier la sécurité des villes japonaises ? C'est la question qui se pose au Japon. Aux termes du traité de sécurité nippo-américain, les Etats-Unis doivent en effet défendre simultanément les villes américaines et japonaises en cas de conflit. Pour rappel, l'archipel du Japon abrite les plus grandes bases américaines en dehors des Etats-Unis, notamment sur l'île d'Okinawa Honto.

Sous le règne de Kim Jong-un, arrivé au pouvoir en 2011 à la mort de son père, le programme nucléaire nord-coréen a enregistré des progrès très rapides qui pourraient effectivement lui avoir permis, selon de nombreux spécialistes, de se doter d’un arsenal nucléaire et balistique. L’année dernière, le régime est de fait parvenu à tirer des missiles intercontinentaux capables d’atteindre les Etats-Unis.

Qu'à cela ne tienne, avant le sommet historique qui pourrait avoir lieu en juin entre le dirigeant nord-coréen et Donald Trump, le président américain s’est immédiatement félicité de la décision du maître de Pyongyang ce samedi. « C’est une très bonne nouvelle pour la Corée du Nord et pour le monde, c’est un grand progrès. Vivement notre sommet ! », », a-t-il déclaré sur son compte Twitter.

La Chine veut que la Corée se développe « économiquement »

Mercredi, Donald Trump prévenait qu’il annulerait ce sommet avec Kim Jong-un s’il ne s’avérait pas fructueux, rappelle notre correspondant aux Etats-Unis, Eric de Salve. Mais Pyongyang multiplie les signes de rapprochement avec le Sud. Les dirigeants des deux Corées viennent ainsi d’ouvrir un téléphone rouge, avant la rencontre Kim Jong-un-Moon Jae-in, dans une semaine dans la zone démilitarisée.

De quoi satisfaire également Pékin, allié diplomatique et historique de la Corée du Nord, qui salue la décision annoncée ce samedi et assure Pyongyang de son soutien dans la reprise de son dialogue avec la Corée du Sud. Le ministère des Affaires étrangères chinois espère aussi que cette décision permettra à la Corée du Nord de se « développer économiquement » dans les années à venir.

Ces derniers temps, le pouvoir chinois avait fermement condamné le programme nucléaire de Pyongyang, et exhortait régulièrement la Corée du Nord à ne pas « aggraver la situation », rappelle notre correspondante en Chine, Angélique Forget, qui ajoute que Pékin avait même voté régulièrement en faveur des sanctions imposées à Pyongyang au Conseil de sécurité de l’ONU.

Mais depuis la visite, en mars dernier, de Kim Jong-un à Pékin, les relations sont meilleures. La Chine veut montrer qu’elle garde la main sur le dossier et que XI Jinping est l’interlocuteur privilégié de Kim Jong-un, devant Donald Trump. Le président chinois a annoncé en milieu de semaine qu’il se rendrait prochainement à Pyongyang, une première pour lui en tant que chef d’Etat.

RFI