La sombre et longue histoire des droits TV d’un Mondial

La sombre et longue histoire des droits TV d’un Mondial

Tout le monde s’accorde sur le fait qu’une Coupe du monde est une occasion, voire une aubaine pour les télévisions, opérateurs téléphoniques, radios, sites internet… pour se faire une santé financière à travers la pub. Mais en plus des médias, le propriétaire de l’événement, la FIFA, n’est pas en reste. Elle fonde tous ses espoirs sur les droits TV que ces mêmes médias lui versent pour la diffusion de l’événement.

La FIFA, pour l’organisation de chaque Mondial, décroche un pactole financier impressionnant qui, au fil des éditions, devient de plus en plus colossal et aiguise tous les appétit, avec toutes les dérives que cela entraîne.

Avant même de trouver preneur, la Coupe du monde 2026 alimente déjà des soupçons de deals. Et à tout seigneur tout honneur, le président de la FIFA Gianni Infantino a été surpris pris en flagrant délit de négociation sur les Droits TV avec des médias américains pour la diffusion du Mondial 2026. On le sait, les Etats-Unis sont candidats, à trravers un dossier triple, avec le Mexique et le Canada, plutôt figurants…

PanoroPost avait déjà fait rapporté le très fort intérêt d’Infantino pour cette manne financière. Et pour cause ! Le plus grand événement sportif au monde bat d’édition en édition les records d’audimat. On regarde la compétition dans les  quatre coins du monde, malgré des décalages horaires souvent pénibles,. Et les droits TV sont toujours bien côtés, de plus en plus chers, et font l’objet de véritables enchères entre médias de mêmes zones ou continents, selon les diffuseurs.

Lors du Mondial 2006 en Allemagne, les chiffres du centre de télédiffusion l'International Broadcast Centre (IBC) illustrent bien l’environnement et le volume de besoins que nécessite la diffusion d’un tournoi qui draine des dizaines de milliards de téléspectateurs (en cumulé, bien évidemment).

Les chiffres clés d’IBC, installé à Munich et opérationnel 24/24 et 7/7, donnent le tournis pour le Mondial 2026 : l’utilisation de 4,7 km de câbles dans le périmètre du centre, 5 conteneurs maritimes acheminés à Munich pour Host Broadcasting Services (HBS), 15 studios de télévision (le plus grand étant celui de la chaîne mexicaine Televisa avec 18 m sur 21, pour 8 m de hauteur), 15 studios de radio, 16 liaisons télé pour chaque match, 26 caméras à écran géant HD multilatérales utilisées à chaque match, 90 partenaires diffuseurs présents à l'IBC, 150 circuits permanents entre l'IBC et le reste du monde, 300 téléviseurs Philips, 365 km de câbles vidéo + 65 km de câbles audio + 20 km de câbles données, soit 450 km de câbles, 450 employés HBS pour chaque match, 720 tonnes de ventilateurs à air conditionné, 2.200 heures de programmes diffusés, 5.580 sandwiches et 324 kg de bonbons consommés par le personnel d'HBS ; 22.500 m2 de panneaux/cloisons, soit 966 tonnes de bois ou 40 camions (matériau réutilisé pour construire 60 maisons familiales), 30.000 m2 de superficie de travail dans le principal centre de diffusion de l'IBC, 40.000 nuits d'hôtel réservées pour le personnel d'exploitation, 32 milliards de téléspectateurs, Source, Fifaworldcup, 6 juillet 2006)

A côté de ces dispositions logistiques, les Droits TV sont une véritable cash machine de la FIFA. Leur évolution a montré le côté très mercantile de l’entreprise FIFA.

Année

Droits TV

1990

60 000 000 €

1994

70 000 000 €

1998

86 000 000 €

2002

830 000 000 €

2006

1 419 914 586,72 €

2010

1 984 631 000,54 €

2014

2 013 833 409,25 €

 

Source FIFA

Au fil des ans, il s’est opéré une véritable stratégie marketing pour la vente des droits TV qui a traîné la FIFA sous le feu des projecteurs avant, pendant et après chaque Mondial pour voir si des malversations ou des pots de vins n’ont pas été eu lieu. Et souvent, c’est le camp des vaincus, voire ceux qui n’ont pas reçu leur part du butin, qui allument la première mèche… et comme d’habitude, de fil en aiguille, la pelote se déballe avec des révélations, des accusations, des démentis…

La dernière affaire du FIFAgate qui a éclaboussé l’instance dirigeante du football et qui a eu raison de l’ancien président Sepp Blatter et une partie de top management de la FIFA est toujours dans les esprits, et plusieurs dossiers sont toujours en cours.

Pascal Boniface,


directeur de l’IRIS, regrette l’immixtion de la justice américaine qui s’est autosaisie, mais pour en même temps solder un compte « Si le souci de transparence est réel, il faut néanmoins se méfier de certaines arrière-pensées. Le FBI n'aurait certainement pas ouvert une enquête de cette envergure si les États-Unis avaient obtenu l'organisation de la Coupe du monde 2022 ». Et le directeur de l’IRIS de citer le journal britannique The Economist qui a lancé une idée qui circule beaucoup aux États-Unis, à savoir retirer à la FIFA la gestion du football mondial pour la donner à une société qui serait cotée en bourse à New York, ce qui selon l'hebdomadaire britannique donnerait plus de garantie de transparence. Ça ne s’invente pas…

Boniface a pris le contre-pied du journal britannique. « Au vu des affaires Enron et Lehman Brothers, on peut en douter. Cela serait certainement un moyen de faire échapper le football au monde sportif. Le football doit se réformer mais ne doit pas être privatisé. Il faut relativiser les reproches faits à la FIFA en ayant en tête cette offensive idéologico-financière. Non, la FIFA n'est pas une mafia entièrement corrompue. Oui, elle a eu des dirigeants qui ont été corrompus. La FIFA doit entamer sa perestroïka ». Et peut-être un peu plus de Glasnost aussi, tant qu’on y est…

Les scandales de corruption et de pots-de-vin ont longtemps émaillé la gestion de Blatter et son team. Deux faits majeurs parmi tant d’autres illustrent parfaitement l’environnement complètement « corruptogène » où navigue la FIFA et jusqu’à présent encore…

Pour le premier exemple, c’est de 1989 à 2001 : La plus grande société de marketing ISL / ISSM a payé des commissions personnelles - ou pots de vin - d'un montant incroyable de 87,5 millions d'euros à des responsables sportifs et à d'autres personnes.

L'enquête sur l'effondrement de l'ISMM a été initiée par la FIFA, après que l'instance dirigeante du football mondial ait réclamé 22 millions de dollars à la société pour des paiements de la télévision brésilienne O Globo pour les droits de la Coupe du Monde 2002 et 2006.

Cependant, les administrateurs de l'ISL ont réussi à obtenir des pots-de-vin d'une valeur de 2,5 millions de francs suisses, et d'autres preuves indiquent que la FIFA était impliquée dans la corruption. Les procureurs suisses ont néanmoins poursuivi l'affaire en nommant un magistrat indépendant, Thomas Hildbrand, chargé de diriger l'enquête.

Pour rappel, ISMM (International Sports Media and Marketing), premier groupe mondial de marketing sportif, et sa filiale ISL (International Sport and Leisure) étaient détenteurs des droits mondiaux du marketing et des droits de retransmission télévisée (hors Europe et Etats-Unis) pour les Coupes du monde 2002 (organisée conjointement par la Corée du sud et le Japon) et 2006 (Allemagne).

Le second exemple est une lettre confidentielle écrite par l’ancien secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke, qui révèle que lui et le président Blatter avaient secrètement évité aux comités de la FIFA d'accorder les droits de télévision à l'ancien vice-président de la FIFA Jack Warner plutôt que de les vendre sur le marché libre.

La lettre manuscrite qui accompagnait l'accord sur les droits renforçait les craintes que Blatter dirigeait la FIFA comme son fief personnel, distribuant de précieux contrats pour fidéliser ses supporters, avec l'assentiment du secrétaire général Valcke.

Valcke avait écrit : « Voici l'accord signé par le président (Blatter). Cet accord n'a pas suivi son chemin habituel à travers tous les conseils. Par conséquent, je demande de ne faire aucune publicité pour le moment. Cordialement, Jérôme ».

La lettre n'est pas datée, mais semble faire référence aux droits pour 2010 et 2014 dans la région des Caraïbes. Warner les aurait revendus pour environ 20 millions de dollars. Des sources non officielles à la FIFA affirment que Warner a été invité à payer 250.000 dollars pour les droits de 2010 et 350.000 dollars pour 2014. Il est également allégué que Warner n'a jamais payé - et que cela était bien connu au sein de la FIFA.

Dans une déclaration étrange, la FIFA a répondu que la lettre « semble être authentique, mais nous ne pouvons pas le confirmer ». une lettre apocryphe en quelque sorte…

Ces faits sont loin d’être isolés, car aujourd’hui se qui se trame avec Gianni Infantino avec les droits TV et ce qu’il est entrain de négocier avec les Américains prouvent suffisamment l’anticipation qu’il est entrain de faire dans une perspective d’accorder le Mondial 2026 à ses protecteurs américains (FBI).  En contrepartie de quoi ? La question rest (grende) ouverte…

Mouhamet Ndiongue