La France à fric
L’Afrique, chasse gardée de la France, serait-on tenté de dire... Mais au fil du temps, la France perd du terrain sur le continent africain à cause de la forte concurrence américaine, chinoise et maintenant afro-africaine. Le continent cherche vaille que vaille à conserver ses propres ressources, comme en témoigne le dernier sommet de l’UA où les chefs d’Etats africains ont constaté que le continent ne profite pas de ses richesses et ont décidé de mettre en place une zone de libre échange (ZLE) pour faciliter les échanges et conserver les ressources du continent africain.
Le constat reste unanime et très clair, l’Afrique s’enfonce davantage dans la pauvreté. Si certains attribuent cette situation à la démographie, c’est peut-être pour détourner les regards. Le véritable problème du continent demeure la gouvernance des ressources naturelles. Les différents rapports publiés par la Banque mondiale et les ONG mentionnent que « les communautés pauvres se retrouvent en concurrence avec des intérêts puissants pour le contrôle des ressources foncières, hydriques et énergétiques dont elles dépendent pour leur survie, les femmes et les filles étant souvent disproportionnellement touchées. Nombre de ces rivalités dressent en outre les pays riches contre les pays pauvres et opposent les intérêts de grandes entreprises à ceux de femmes et d’hommes ordinaires. La consommation mondiale des ressources dépasse déjà les capacités de la planète à y pourvoir ».
Ils sont unanimes, les ressources naturelles posent un véritable problème au continent, au-delà de la stabilité devenue presque impossible comme la situation des Grands-lacs (pays de l’Afrique centrale minés par un cycle de guerre civile infernale à cause du pétrole). La croissance des pays du continent tourne entre -2 % à +7% pour se retrouver avec une moyenne de +5 % entre 200 et 2010, d’après le Conseil français des investisseurs en Afrique dans son Rapport 2017 ‘’les entreprises françaises et Afrique’’
Mais le tableau n’est pas si rose qu’il n’y paraît. Il faut bien admettre que cette croissance présente deux particularités qui affaiblissent la portée.
D’abord, elle est peu créatrice d’emploi car cette croissance est provoquée par la hausse des prix des matières premières qui ont mécaniquement apporté des points de croissance, et aussi par le besoin de la Chine d’accéder aux ressources naturelles africaines, ce qui a probablement justifié un tiers du taux de croissance (2%). Conséquence : malgré cette brillante évolution, la création d’emploi en Afrique est loin de satisfaire les 12 millions de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi.
Ensuite cette croissance est inéquitablement répartie entre les différentes couches de la population. Certes, une classe moyenne importante a émergé, et la proportion des pauvres est passée selon la Banque mondiale en dessous de 50%, durant cette décennie. Mais cette répartition trop inégalitaire et la démographie ont conduit à un accroissement du nombre de pauvres en valeur absolue, qui a augmenté de 450 à 500 millions de personnes.
Si la France accorde un intérêt particulier à la stabilité de l’Afrique, on pourrait se demander qui paie la note du déploiement des troupes françaises sur le sol africain.
La politique des différents gouvernement français sur l’Afrique s’apprécie de plusieurs manières.
L'Afrique, cible prioritaire de l'aide française dit-on
« L’Afrique, toute l'Afrique, est une priorité de l’Agence », a constaté Rémy Rioux, le directeur général de L’Agence française de développement (AFD). L'AFD a en effet annoncé que 50% de ses engagements financiers ont été orientés vers le continent qui concentrent également 84% des moyens budgétaires accordés par l’Etat français. « Dans sa nouvelle stratégie, l'Agence considère l'Afrique comme un tout. Du Maroc à l'Afrique du Sud, du Sénégal à Djibouti, avec ses dynamiques régionales, sans séparer le nord et le sud », a souligné l'AFD qui rappelle d'ailleurs que de 2010 à 2016, ce sont quelques 22 milliards d'euros qui ont été engagés en Afrique.
Le macronisme gagne l’Afrique
Aujourd’hui la question que l’on se pose est de savoir si le nouveau président français fera mieux, ou non, que son prédécesseur en matière d'aide publique au développement, destinée au continent africain. Emmanuel Macron s'est certes engagé à accroître la contribution
de la France, notamment en Afrique, mais les comptes publiés par l'Agence française de développement (AFD) font en filigrane honneur à François Hollande. Selon les chiffres présentés par Rémy Rioux, sur les résultats annuels, le montant des engagements de l'Agence ont atteint un record de 9,4 milliards d'euros en 2016, soit une hausse 13% par rapport à 2015. Cette hausse de l'aide française a particulièrement profité à l'Afrique, avec près de 4 milliards d’engagements en 2016, soit un bond de 25%.
En matière d'aide française au développement, Emmanuel Macron ne manque pas aussi d'ambitions avec des objectifs plus géostratégiques pour son pays. « La France a perdu sa place depuis 10 ans en matière de politique de développement, en particulier par rapport à l'Allemagne et au Royaume-Uni. Il faut retrouver une ambition mondiale dans ce domaine avec plus de contrôle, mais aussi la recherche de plus d'efficacité », a affirmé le chef de l’Etat français.
Et l’ancien ministre de l’Economie sous l’ère Hollande d’ajouter que « cette aide doit être plus efficace et plus diversifiée qu'aujourd'hui. Elle doit se concentrer sur l'Afrique sub-saharienne, le Sahel, le Maghreb, les pays en crise et l'espace francophone. Un meilleur équilibre doit être trouvé entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale qui transite via des fonds internationaux. Les secteurs essentiels de l'aide doivent être fléchés en priorité : éducation, santé, promotion des femmes, développement durable. A côté des prêts, les dons gérés par l'Agence française de développement doivent être augmentés et mieux contrôlés ». Aujourd’hui le constat est unanime, la France perd du terrain dans son pré-carré. Macron fait du Trump sans Trump en matière de coopération multilatérale. Pour rappel, le président américain avait promis de baisser drastiquement les appuis américains au reste du monde : institutions internationales comme Etats alliés.
Les trocs France Afrique
Les échanges commerciaux entre la France et l’Afrique se sont élevés à 51,6 milliards d’euros en 2015, en baisse de près de 4% par rapport à 2014, selon les douanes françaises. Les importations françaises en provenance de l’Afrique reculent de près de 12% 2 27 mds EUR tandis que les exportations françaises vers l’Afrique progressent de 4% à 28,5 Mds EUR.
A l’importation, le recul est largement imputable à la baisse en valeur des produits pétroliers et de certains produits miniers. En conséquence, le Maroc ravit à l’Algérie et au Nigéria la place de premier fournisseur africain de la France à 4 Mds EUR, en hausse de 12,60 % et avec une montée en gamme des exportations marocaines (par exemple, les importations de matériels de transport de 35%). A noter que parmi les 20 premiers fournisseurs de la France sortent le Sénégal et les Seychelles au profit du Kenya et du Mozambique.
A l’exportation, l’Algérie, l’Egypte, le Maroc et la Tunisie figurent toujours dans le trio de tête. On observe une forte progression de l’Egypte (+34), à un niveau historique, avec comme principaux poste, les céréales, les produits pharmaceutiques, et les moteurs et turbines. A noter que le Ghana fait son entrée dans le top 20 des clients de la France, en lieu et place de la Mauritanie, avec un fort rebond des exportations françaises (+136%) qui marque un retour à la normal après une chute de 36% des exportations françaises en 2014.
Après deux années de baisse, les investissements directs à l’étranger (IDE) de la France en Afrique ont rebondi en 2015 pour s’élever à 2.500 M EUR, d’après la Banque de France. La reprise est très nette dans les pays de la zone Franc, qui ont plus que doublé, à 1.725 M EUR, notamment en République du Congo (1.239 M EUR) et au Gabon (340 M EUR). Dans la zone anglophone, les IDE français progressent au Nigeria (752 M EUR) et dans une moindre mesure au Ghana avec (128 M EUR). En Afrique du Nord, les pays privilégiés sont le Maroc (236 M EUR), la Tunisie (137 M EUR) et la Libye (88 M EUR) tandis que les IDE reculent en Algérie (-172 M EUR) et en Egypte (-63 M EUR).
Mouhamet Ndiongue