Maroc 2026 : « La caractéristique principale de cette candidature est le silence » (New York Times)
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- 18 janvier 2018 --
- Mondial
La compétition commence réellement entre les deux candidatures pour l’organisation du Mondial 2026, celle des Etats-Unis/Canada/Mexique d’un côté, contre celle du Maroc de l’autre côté. Mais force est de reconnaître qu’autant la première est bruyante, autant la nôtre est silencieuse. Le New York Times, l’un des plus grands et plus prestigieux quotidiens dans le monde, vient de commettre un long article sur notre candidature. Edifiant, et inquiétant.
Les faiblesses de la candidature marocaine
Ainsi, commence l’article du New York Times (NYT), « contrairement à la candidature conjointe des Etats-Unis/Canada/Mexique, annoncée en grande pompe au sommet de la Freedom Tower (ci-contre), avec la signature à la clé de plusieurs contrats, le Maroc a révélé son entrée dans la course en deux phrases. Cinq mois plus tard, les responsables du football marocain ont fourni peu de détails sur la façon dont ils proposent d'organiser le plus grand événement sportif au monde ». Ce qui n’est pas faux, et à Panorapost, nous en avons souvent parlé.
Et le journal de poursuivre sa charge, en indiquant que ce n’est que la semaine dernière que le Comité de candidature a un président, mais que « l'offre (marocaine) n'a pas de logo à coller sur les panneaux d'affichage, pas de slogan dans les communiqués de presse, pas de plan flashy à partager avec les électeurs potentiels. Elle n'a même pas de site web… ».
L’auteur de l’article, Tariq Panja, est un journaliste et chroniqueur sportif attitré du NYT, connaisseur des milieux du ballon rond, et influent dans son pays et ailleurs dans le monde qu’il a sillonné. Il se félicite de voir que son pays et ses deux coorganisateurs ont déjà mis sur pied leur Comité de candidature, avec 14 personnes, et qu’ils ont même identifié les villes où devra se dérouler le Mondial 2026, s’il est attribué à l’Amérique du Nord. Puis il semble se réjouir du fait que les officiels marocains semblent tenter de se convaincre qu’ils ont l’argent et qu’avec la récente nomination de Moulay Hafid Elalamy à la tête du Comité de candidature marocain, le royaume gagnera en visibilité.
« Un porte-parole de la Fédération marocaine de football a déclaré que personne n'était disponible pour s'exprimer parce qu'une stratégie de communication était encore en cours d'élaboration », poursuit impitoyablement Tariq Panja…
Mais l’Amérique doit quand même se méfier…
Le NYT explique que « l'Amérique du Nord a un grand nombre d'avantages, y compris des stades, des hôtels et des infrastructures prêts à l'emploi, et présente des garanties pour battre les records de recettes. Pourtant, la nature du vote signifie que le Maroc pourrait s'avérer un adversaire plus dur que prévu ». Et c’est là où Tariq Panja s’inquiète, car les Nord-Américains devront convaincre non pas les 24 membres du Comité exécutif de la FIFA en juin, mais 211 fédérations, et le Maroc a déjà commencé ses manœuvres d’approche au sein de
la CAF, dont le président Ahmad Ahmad a solennellement promis au royaume son soutien personnel.
Il en va de même pour d’autres présidents de fédérations africaines qui insistent sur la solidarité africaine, surtout que le président Trump a commis plusieurs impairs, comme interdire l’entrée des Etats-Unis à 7 pays musulmans et insulter les pays d’Afrique.
Et M. Panja d’ajouter que si les Américains ont un avantage certain dans les infrastructures, les capacités d’accueil et l’organisation, le Maroc est géographiquement plus compact (contrairement à l’Amérique du Nord, très vaste), et sa proximité avec l’Europe en plus de son positionnement en Afrique représentent un atout majeur pour les retransmissions de matchs, et les pubs qui vont avec ! « Une réalité qu'ils (les Marocains) suggèrent pour faire monter la valeur des droits de diffusion télévisuelle dans plus de marchés ». L’argument que même le président de la FIFA Gianni Infantino, qui semble avoir de la sympathie pour la triple candidature nord-américaine, ne peut ignorer.
Conclusion
Avant, il n’y avait que Rachid Talbi Alami, ministre des Sports, et Fouzi Lekjaâ, président de la Fédération, qui portaient cette candidature, de la façon la plus silencieuse du monde. Aujourd’hui, c’est Moulay Hafid Elalamy (MHE) qui est à la manœuvre.
Mais être à la manœuvre ne signifie pas nécessairement savoir quoi faire, avec qui, comment et quand. MHE est un homme d’affaires, mais un homme d’affaires est par nature taiseux, Donald Trump étant l’exception qui confirme la règle.
Cela fait une semaine que le ministre de l’Industrie a été nommé à la tête de la candidature, il reste moins de deux mois pour la présentation du dossier technique du royaume à la FIFA, et on ne sait même pas qui sont les membres du Comité de candidature, pas plus qu’on ne dispose d’un site pour s’informer et s’enflammer. Rien, en fait.
MHE est un homme de talent, redoutable en affaires, expert en négociation, très fin quand il le veut et jusqu'au-boutiste quand il le peut… mais en face, la triple candidature aligne autant de talents, avec la puissance politique, médiatique et financière en plus. MHE est désormais un homme politique, puisqu’il est ministre RNI, et sur son parti rejaillira la gloire du triomphe d’avoir vaincu et apporté au Maroc une compétition aussi prestigieuse. MHE a également eu la confiance du roi.
Lorsqu’on dispose de tant d’atouts, et de contraintes, on prend des risques. On parle, on s’exprime, on s’active et on n’hésite pas. Un tel challenge, pour réussir, doit bénéficier de la confiance et de la mobilisation du chef de l’Etat, et il l’a ; il doit pouvoir compter sur un comité de talents et de compétence, mais on attend toujours… et il doit aussi, enfin, s’appuyer sur une adhésion populaire massive et engagée (et c’est un avantage du Maroc souligné par Tariq Tanja), à charge pour les responsables d’informer, d’intéresser, d’attirer et de convaincre les populations. On attend.
Aziz Boucetta