Catastrophes naturelles : 520 milliards de $ par an et 26 millions de pauvres en plus

Catastrophes naturelles : 520 milliards de $ par an et 26 millions de pauvres en plus

Chaque année, les conséquences des catastrophes naturelles entraînent des pertes de consommation équivalant à 520 milliards de dollars et font basculer près de 26 millions de personnes dans la pauvreté, selon un nouveau rapport de la Banque mondiale et de la Facilité mondiale pour la prévention des risques de catastrophes et le relèvement (GFDRR).

« Les chocs climatiques extrêmes risquent d’effacer toutes les avancées obtenues contre la pauvreté depuis des décennies, met en garde Jim Yong Kim, le président du Groupe de la Banque mondiale. Les tempêtes, les inondations et les sécheresses ont des conséquences humaines et économiques terribles, qui touchent souvent de manière disproportionnée les plus pauvres. Si le renforcement de la résilience se justifie d’un point de vue économique, c’est surtout un impératif moral.»

L’impact des catastrophes est particulièrement lourd pour les populations pauvres et vulnérables. Les régions les plus sensibles se situent à plus de 70 % dans des pays à faible revenu et les populations pauvres, dont un tiers vivent dans des zones exposées à de multiples dangers, sont les plus fragiles. Entre 1995 et 2014, 89 % des victimes de catastrophes naturelles vivaient dans des pays à faible revenu, qui n’avaient pourtant été le théâtre que de 26 % de ces événements.

 

Le nouveau rapport, intitulé Unbreakable: Building the Resilience of the Poor in the Face of Natural Disasters, révèle que l’impact économique mais aussi humain des événements climatiques extrêmes est nettement plus dévastateur pour les pauvres qu’on ne le pensait jusqu’ici.

Dans la totalité des 117 pays étudiés, l’impact des catastrophes naturelles sur le bien-être en termes de pertes de consommation est supérieur aux pertes d’actifs. Les pertes induites par ces phénomènes touchent de manière disproportionnée les populations pauvres, qui n’ont guère la capacité d’y faire face. Selon le rapport, l’impact sur le bien-être se chiffrerait dans ces pays à 520 milliards de dollars par an en termes de pertes de consommation, ce qui correspond à des estimations jusqu’à 60 % supérieures aux autres estimations disponibles.

Dans le contexte de la conférence sur le climat qui se déroule actuellement à Marrakech (la COP22), l’étude plaide pour l’adoption urgente de politiques capables de mieux protéger les plus vulnérables face aux enjeux du changement climatique. D’une manière générale, les pauvres sont plus exposés aux catastrophes naturelles, y perdent une plus grande part de leur patrimoine et ne peuvent guère compter sur l’aide de leur famille, de leurs amis, du système financier ou de leur gouvernement.

Le rapport s’appuie sur une nouvelle technique de mesure des dommages provoqués par les catastrophes naturelles qui intègre la charge disproportionnée de ces événements sur les pauvres. Le cyclone


Nargis, qui s’est abattu sur le Myanmar en 2008, a ainsi contraint la moitié des agriculteurs pauvres birmans à vendre leurs actifs — y compris leurs terres — pour alléger le fardeau des dettes contractées à la suite de cette catastrophe. Avec des conséquences économiques et sociales sur plusieurs générations.

Pour la première fois, le rapport évalue les retombées positives d’interventions de renforcement de la résilience qui, à l’instar des systèmes d’alerte précoce, de l’amélioration de l’accès à des services bancaires individuels, des politiques d’assurance et des dispositifs de protection sociale (transferts monétaires et programmes de travaux publics par exemple), pourraient permettre de mieux surmonter un choc. Ensemble, ces mesures pourraient faire épargner aux pays et aux communautés 100 milliards de dollars par an et réduire de 20 % l’impact global des catastrophes sur le bien-être.

« Avec le changement climatique, le nombre de chocs imprévus augmente, souligne Stéphane Hallegatte, économiste principal pour la GFDRR, qui a supervisé la préparation du rapport. Les pauvres doivent bénéficier d’une protection sociale et financière contre les catastrophes inévitables. Grâce à des politiques de gestion du risque éprouvées, nous pouvons éviter à des millions d’individus de basculer dans la pauvreté. »

Le rapport rend compte de la montée en puissance des initiatives de renforcement de la résilience. Au Kenya par exemple, le système de protection sociale a fourni des ressources additionnelles aux agriculteurs vulnérables bien avant la sécheresse de 2015, leur permettant de se préparer et d’atténuer l’impact de cette catastrophe. Au Pakistan, après un nombre record d’inondations en 2010, le gouvernement a mis en place un programme de décaissement rapide d’aides financières en appui aux efforts de reconstruction de quelque 8 millions d’habitants, évitant à bon nombre d’entre eux de sombrer dans la pauvreté.

Sous l’effet du changement climatique, l’impact des catastrophes va continuer à s’amplifier. Selon Munich Re (a), leader mondial de la réassurance, le montant total des pertes découlant de catastrophes aurait atteint 4 200 milliards de dollars entre 1980 et 2014. Au cours de cette période, les pertes se sont vite alourdies, passant de 50 milliards de dollars par an dans les années 1980 à pratiquement 200 milliards par an pour les dix dernières années. Environ 75 % de ces pertes sont à imputer à des phénomènes météorologiques extrêmes, sachant que le changement climatique menace d’ici 2030 de faire basculer 100 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté.

 

Il faut impérativement renforcer la résilience pour parvenir à mettre fin à la pauvreté dans le monde et à promouvoir une prospérité partagée, conformément au double objectif que s’est fixé le Groupe de la Banque mondiale.

Source : Banque mondiale