Immobilier d’entreprise, voit-on le bout du tunnel ?
Avec la persistance de la crise sanitaire liée au coronavirus et le recours toujours massif au télétravail, la demande sur l’immobilier de bureau, tant en location qu’en achat, est des plus volatiles en raison de l’incertitude qui plane sur la situation sanitaire et l’essoufflement de la trésorerie des entreprises mises à mal par la crise.
De l’avis des professionnels, les entreprises manifestent encore le besoin de nouveaux espaces professionnels, tout en intégrant de nouveaux paramètres inhérents à leur équilibre financier fragilisé par un fort déclin d’activité et l’organisation des effectifs qui alternent les modes de travail présentiel et distanciel.
“Depuis le mois de mai, dernier mois du confinement, on observe une baisse de 28% de la demande de bureaux à l’achat, certainement due au climat d’incertitude économique qui régnait”, souligne Kevin Gormand, directeur général de Mubawab.
Si les entreprises sont plus réticentes à l’achat de nouveaux espaces, la location leur semble plus opportune en cette période. “La demande de bureaux à la location a augmenté de 119% sur le portail Mubawab.ma, ce qui démontre que malgré les réticences d’engagement liés à l’instabilité de la conjoncture, le besoin des entreprises à trouver de nouveaux locaux est bien réel”, commente M. Gormand.
Et d’expliquer cette demande par le besoin des entreprises de muter vers de nouveaux locaux, soit pour revoir à la baisse la charge de loyer à cause de la crise, ou pour la réorganisation des effectifs suite à l’ascension du télétravail et les programmes de rotation du personnel.
L’offre, quant à elle, reprend de plus belle suite à un grand affaiblissement entre mars et mai 2020. “Elle augmente de 300% pour les bureaux à la vente et 100% pour les bureaux à la location entre mai et octobre 2020, avec tout de même un relâchement au mois d’Août, qui marque certainement la pause estivale avant la reprise au mois de septembre”, ajoute-il.
Tant sur la location que sur l’achat, les prix au m² suivent la même tendance, enregistrant ainsi une augmentation moyenne de 14% entre mai et octobre 2020, explique le fondateur du site immobilier, notant que pour les bureaux à l’achat, “nous sommes sur un prix moyen de 13.700 Dhs/m², tandis que pour les bureaux à la location nous sommes sur une moyenne de 17.200 dhs/mois”.
Interrogé
sur les perspectives d’avenir de ce marché, le spécialiste a déclaré que “nous pouvons d’ores et déjà prédire que suite à la crise sanitaire la majorité des entreprises vont reconsidérer le coût de leurs locaux, deuxième plus importante dépense derrière les salaires, et attendront avant d’engager tout mouvement de déménagement à cause de l’incertitude économique”.
De son côté, Adnane Bajeddi, Expert immobilier auprès de la Royal Institution of Chartered Surveyors Royaume-Uni (MRICS), a confirmé l’impact néfaste de la crise sur l’immobilier de bureau, puisque “le volume des transactions a enregistré, sur le 3 premiers trimestres de 2020, une baisse moyenne cumulée de l’ordre de 36,5% par rapport à 2019”.
De même, la demande pour la location de nouveaux espaces bureaux a connu une régression et ce, du fait qu’un grand nombre d’entreprises sont confrontées à des difficultés de trésorerie et manquent de visibilité par rapport à l’évolution de leur activité sur le court et moyen termes, analyse l’expert.
Par ailleurs, le contentieux lié aux baux professionnels et commerciaux a enregistré une forte hausse depuis le déclenchement de la pandémie du covid-19, fait savoir M. Bajeddi, expliquant que “les défauts de paiement du loyer et l’application de la majoration triennale constituent actuellement une importante partie des affaires portées en justice. Cette situation témoigne clairement du momentum négatif que connaît le marché national de la location immobilière”.
Quant à la montée en puissance du télétravail en tant que solution facilitant la distanciation sociale, l’expert a estimé: “Cette tendance a pris de l’ampleur. Nonobstant, je ne pense pas que ce mode de collaboration remplacera le travail en présentiel, qui demeure essentiel au vu de la nature de certains métiers, mais aussi vu qu’une grande partie des entreprises ne disposent pas des infrastructures IT et RH adéquates”.
“Les opérations d’acquisition et de prise à bail de nouveaux espaces bureaux connaîtront une évolution modeste voire même négative en 2021”, prédit l’expert immobilier.
Et de conclure: “La raison à cela est que la plupart des entreprises, notamment les multinationales qui représentent une grande part de la demande de ce segment, se sont enrôlées dans une logique de réduction de leur empreinte immobilière et ce, dans une optique visant à soulager leurs finances et aussi à anticiper une probable contre performance de l’économie nationale”.