Inclusion financière, séduire les réfractaires pour réduire les disparités

Inclusion financière, séduire les réfractaires pour réduire les disparités

Réussir le défi de l’inclusion financière, gage d’un développement économique et social, exige la mise en place de modèles alternatifs adaptés aux spécificités des populations dont le niveau d’intégration au sein du système financier reste faible, à savoir les femmes, les jeunes, le monde rural et les très petites entreprises.

Objectifs : réduction des disparités quant à l’accès aux services financiers, atteinte d’un seuil de pénétration élevé, développement d’une épargne formelle, mise en place de solutions de financement et de souscriptions de produits de micro assurances dédiées aux TPME, promotion d’une éducation financière, lutte contre le financement parallèle …

“L’inclusion financière serait un moyen de lutte contre l’économie informelle, en assurant une traçabilité des transactions financières”, relève la professeure à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales-Salé (Université Mohammed V de Rabat), Kenza Cherkaoui.

L’exclusion financière concerne principalement les jeunes chômeurs, les micro-entrepreneurs et les femmes, a fait remarquer Mme Cherkaoui, précisant que “les femmes issues de milieux sociaux défavorisés, travailleuses indépendantes ou encore sans emplois seraient les plus exposées à l’exclusion financière”.

La disparité d’accès aux services financiers serait accentuée également avec la faiblesse du niveau d’instruction, encore plus dans le milieu rural, note-t-elle, ajoutant que l’hétérogénéité est également fonction du milieu socio-économique.

Plusieurs facteurs expliquent ces disparités à savoir, les difficultés d’accès aux guichets dans des zones enclavées où 75% des communes rurales sont loin d’être desservies, la cherté des services, l’absence de justificatifs ainsi que l’absence d’offres ciblées, constate Mme Cherkaoui.

Et de souligner qu’une telle situation contrecarre le développement économique et social en favorisant l’alimentation d’une économie parallèle qui échappe au circuit économique officiel et qui risque de biaiser les informations sur les transactions financières. De même, “la réticence des banques à financer les TPE s’explique par leur degré d’exposition au risque”, dit-elle.

En effet, pour pouvoir assurer un accès généralisé de la population marocaine aux services financiers, une stratégie nationale a été mise en œuvre avec des objectifs de réalisation aux horizons 2023 et 2030. La stratégie d’accélération de l’inclusion financière est fondée sur le rôle que pourraient jouer les banques en élargissant le cercle de leurs clients, à travers la conception de produits et de services adaptés.

Trois axes de réflexion sont à mettre en exergue. D’abord, le développement d’un modèle de financement alternatif à moindre coût à travers la promotion du m-Banking et de l’e-Banking. Aussi, la dématérialisation et la digitalisation des services financiers qui sont à même de généraliser l’accès aux services financiers à


moindre coût.

La stratégie nationale vise ensuite à rendre opportun le rôle des institutions de microcrédit dans le financement de la microentreprise et la promotion de l’auto-entreprenariat, soulignant, à cet égard, que le manque de visibilité, l’absence de scoring et l’opacité informationnelle ont “favorisé l’accumulation des prêts non performants et ont rendu difficile le pilotage des projets d’investissement”.

Pour Mme Cherkaoui, “les banques, pilotées par Bank Al Maghrib se verront renforcer leur rôle classique de financement de l’économie en développant des produits financiers adaptés, appuyées par-là par des produits de couverture contre le risque”.

Selon elle, “la réussite de la stratégie de l’inclusion financière reste tributaire du rôle joué par les instances de régulation, et par les organismes responsable de la gouvernance et du pilotage de l’information”.

De son côté, le Directeur de l’École nationale de commerce et de gestion (ENCG) de Casablanca, Smail Kabbaj, estime que la stratégie nationale d’inclusion financière “exprime une réelle volonté” visant à vulgariser, généraliser et favoriser l’accès aux services financiers dans un cadre caractérisé par l’équité entre l’ensemble des individus et des entreprises.

“Il s’agit d’une stratégie nationale tenant compte des spécificités de notre environnement national, mais aussi des pratiques internationales en la matière, en parfaite complémentarité avec les Hautes instructions royales appelant à favoriser l’accès au financement et aux services financiers à toutes les composantes de la société marocaine”, souligne M. Kabbaj.

Cependant, le contexte marocain, malgré l’air de modernité que connait le pays, est influencé de manière profonde par l’aspect culturel, qui dans certains cas refuse le système bancaire dans sa globalité et préfère la thésaurisation à l’épargne, ce qui prive le système bancaire de capitaux importants susceptibles de booster l’activité économique.

Ainsi, les défis du système financier dans le nouveau contexte de globalisation sont relatifs aux questions de la gouvernance au sens large se rapportant à une planification stratégique, une pratique de gestion efficiente et une évaluation de la qualité de tous les services financiers en toute transparence, ainsi qu’à une implication de toutes les parties prenantes.

“Tout en estimant que la vision de la stratégie est claire, anticipatrice, objective et ambitieuse, nous considérons qu’il faut œuvrer à installer une dynamique de management moderne adoptant une gouvernance participative, avec plus de transparence dans les actions et un positionnement dans un contexte culturel particulier pour une meilleure visibilité du système financier. Le tout grâce à la qualité du capital humain, qui met le point sur la valorisation et le développement des compétences”, insiste M. Kabbaj.