(Billet 346) – Que cherche vraiment Madame Hélène Le Gal ?

(Billet 346) – Que cherche vraiment Madame Hélène Le Gal ?

Le président de LA Commission de développement d’un pays A prend langue avec l’ambassadrice d’un pays B, où le premier est par ailleurs ambassadeur. La seconde affirme twittairement que le premier « [lui] a présenté ce matin un point d’étape de la CSMD », ce à quoi ladite CSMD répond que son « président a échangé avec [la seconde] à sa demande, par vidéoconférence, à l’instar d’autres échanges précédents avec des ambassadeurs de pays amis et de représentants d’institutions internationales ». Le fonds est identique d’une version à l’autre, mais c’est dans la forme que le problème se pose, et en diplomatie, les formes et les normes sont importantes.

L’ambassadeur du Maroc a déjà rencontré ès-qualité de président de la Commission ses homologues britannique et américain accrédités à Rabat, avant d’ « échanger » avec la Française. Sa mission de réflexion, avec ses 35 pairs, sur un modèle de développement, justifie-t-elle ses démarches diplomatiques ? Les uns disent oui, les autres non, mais il semble naturel, dans le monde globalisé et tourmenté qui est le nôtre, que les pays échangent, mutualisent les compétences et échangent les expériences… si tant est que les us diplomatiques soient respectés, ce qui fut le cas avec les Anglo-Saxons, mais pas avec la Française.

Tollé sur les réseaux, après le tweet de Mme Le Gal qui, froidement, ne l’a ni retiré ni consenti un quelconque geste de contrition. M. Benmoussa, lui, a fait répondre par la CSMD et a effectué une ou deux sorties dans les médias. Avec une courtoisie extrême. Ce qui est une erreur, la sienne ou celle de sa hiérarchie. Le tweet de l’ambassadrice est agressif et assumé, la réponse trop diplomatique donc molle d’un Chakib Benmoussa livré à lui-même et abandonné par sa hiérarchie l’a conduit à être véritablement crucifié dans les réseaux. Et pourtant, nous sommes entre diplomates, tout de même…

Imagine-t-on un instant Chakib Benmoussa aller faire un « point d’étape » à l’ambassadrice d’un pays où il est lui-même ambassadeur ? En plus d’une certaine idée de la nation, il doit exister une étiquette protocolaire, tout de même, et en matière de préséance, M. Benmoussa est loin devant son homologue française au Maroc… Dans la hiérarchie diplomatique, être ambassadeur de France au Maroc est certes important, mais pas autant qu’être ambassadeur du Maroc en France. Et dans une vie précédente, et alors que Madame Hélène le Gal glissait encore dans les sombres couloirs des collaborateurs, Chakib Benmoussa était déjà ministre de l’Intérieur.

Trois lectures se dégagent alors dans cette affaire : soit que M. Benmoussa ait reçu l’ordre de « présenter son rapport » à Madame Le Gal, soit qu’il l’ait fait sans ordre, deux situations dans lesquelles L’ambassadrice aurait été très mal inspirée de révéler l’échange avec ce qui aurait alors été un vulgaire informateur. Douterions-nous donc à ce point de nous-mêmes pour donner crédit à cette version et de réduire Chakib Benmoussa à un simple « indicateur diplomatique », parce que Mme Le Gal l’a suggéré ?

Il semblerait que la 3ème possibilité qui se dégage, celle figurant dans la réponse de la CSMD, soit la plus vraie. Et dans ce cas, pour quelle raison Madame Le Gal a-t-elle eu cette réaction scripturale avec un vocabulaire particulièrement inapproprié pour la diplomate qu’elle est, même de choc, à considérer ses anciennes affectations…? On l’ignore, mais ce qu’on sait est que le tweet n’a pas été retiré, et que donc la diplomate est couverte par sa hiérarchie pour cette charge directe et inutile.

Et pourquoi au demeurant croire en la parole d’une diplomate étrangère, nouvelle dans ses attributions, isolée dans sa fonction, et mettre en doute celle d’un des nôtres qui, par ailleurs, est en charge de conduire une réflexion nationale sur un modèle de développement, avec 35 têtes bien faites ?  C’est même sans doute en réagissant ainsi, en donnant crédit à la Française et en lapidant le Marocain, que l’on nous traite encore comme cela. Et cela semble même être la nouvelle doctrine française (officielle) faite d’arrogance et de suffisance, comme le montrent les propos de M. Emmanuel Macron à Ouagadougou, sa convocation avortée de Pau, son tweet demandant aux Marocains de faire fissa d’aider au rapatriement des leurs… et comme le montrent également les mots de Jean-Yves Le Drian à Rabat en 2019, concernant les visas.

On dit souvent que la France est notre principale alliée et notre meilleur soutien à l’ONU pour le Sahara. Fort bien, mais cela peut se faire dans la courtoisie et le respect. La France qui geint de ne pas être respectée par son grand allié américain devrait adopter, pour demeurer dans sa logique, une attitude plus respectueuse envers le Maroc. Il semblerait que cela ne soit pas le cas et le tweet de Madame Le Gal confirme cette réalité.

Oh certes, M. Benmoussa aurait dû, aurait pu se méfier, mais doit-on se méfier de l’ambassadrice d’un pays ami, de surcroît la France ? Mme Le Gal a ainsi contribué à instaurer la défiance, ne rendant pas service à son pays car quel autre responsable mentalement sain accepterait encore aujourd’hui d’avoir une rencontre professionnelle avec elle ?

En ces temps tourmentés, Hélène Le Gal devait rapprocher les deux pays, en froid depuis quelques années. Elle ne l’a pas fait, ni ne le fait, pas plus qu’elle ne semble désormais en position de le faire.

Aziz Boucetta