PCNS: Regards croisés sur la migration en méditerranée

PCNS: Regards croisés sur la migration en méditerranée

Le Policy Center for the New South (PCNS) et le Centre pour l’Intégration en Méditerranée (CMI) ont organisé le 7 octobre 2021 un webinaire portant les nouveaux rebondissements de la question migratoire entre les deux rives de la Méditerranée. A cet égard, plusieurs experts tels que Mounssif Aderkaoui, Directeur du Département des Etudes et des Prévisions Financières, Ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration du Royaume du Maroc, Blanca Moreno-Dodson, Directrice du CMI/UNOPS, Philippe Fargues, Professeur à l’European University Institute, Dorra Ben Alaya, Maître de conférences à l’Université de Tunis El Manar, Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis, Adnane Addioui, Président du Moroccan Center for Innovation and Social Entrepreneurship, Amal El Ouassif, International Relations Specialist au PCNS, ains que les Senior Fellows du Policy Center for the New South :
Larabi Jaidi, Ivan Martin et Abdelhak Bassou ont croisé leurs regards sur la mobilité et la migration, questions secouées par de nombreuses turbulences.
Pour Mounssif Aderkaoui, Directeur du Département des Etudes et des Prévisions Financières, Ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration au Maroc, l’espace méditerranéen est secoué par des enjeux d’une ampleur inédite qui interpelle le futur de la Méditerranée dans les grands équilibres mondiaux.

Les pays de cette espace sont invités aujourd’hui et plus que jamais, à repenser leur approche de co-coopération et de co-coopération, afin de répondre aux besoins de populations méditerranéennes, notamment les jeunes, par l’élaboration de politiques publiques plus efficientes et plus innovantes. Le Maroc, dans le cadre de sa politique migratoire, a adopté une stratégie basée sur les deux approches socio- économiques et sécuritaires. Rappelons à cette fin que le Maroc a accueilli en 2020 près de 12 500 étudiants en provenance de 47 pays africains, dont plus de 85% boursiers, ainsi que 10 000 cadres du secteur public de 42 pays africains qui ont bénéficié des programmes de renforcement de capacité dans le cadre de la coopération technique.
De son côté, Abdelhak Bassou, Senior Fellow au Policy Center for the New South, a estimé que la rive nord méditerranéenne a dépassé les problématiques inhérentes au développement et à la prospérité pour s’intéresser à la sécurité. En contrepartie, la rive sud n’a pas encore atteint le stade de la prospérité économique et sociale. Ce constat nous pousse à déduire que la sécurité tant recherchée au nord du bassin méditerranéen est étroitement tributaire de la stabilité du sud.
En outre, la prospérité du sud méditerranéen ne peut être atteinte sans l’assistance du nord. La réinvention de la coopération méditerranéenne nécessite d’identifier les forces d’attraction ainsi que les canaux de communication et d’échange afin de neutraliser tout forme de risque susceptible de préjudicier la communication entre les deux rives de la méditerranée. Les jeunes jouent à cette fin un rôle crucial, tellement ils incarnent le futur de cet espace., afin qu’ils soient en mesure de relever les défis qui secouent cet espace, notamment sur la question migratoire.
Pour Phillipe Fargues, Professeur à l’European University Institute, la mobilité est étroitement associée à la jeunesse, dans la mesure où les jeunes adultes âgés entre 18 et 35 ans sont la catégorie sociale la plus mobile d’une population. Cet état de fait est conséquent à la cumulation de trois facteurs : démographiques, économiques, et éducationnels. Le poids de la jeunesse dans la démographie de la rive sud de la méditerranée qui représente 30% de la population totale, a connu un pic important, résultant de la baisse de la fécondité observé depuis les années quatre- vingt du 20ème siècle.

Ce constat est générateur de défis et de risque. Il y a dès lors plus de contributeurs à la production que jamais, et ceci est considéré par les économistes comme étant favorable à l’investissement économique qui se traduit en progrès, par opposition à l’investissement démographique qui est uniquement destiné au


maintien de la population en croissance rapide. Le grand problème de cette interprétation est que pour que ce mécanisme fonctionne, il faut que les jeunes adultes soient employés. Or, dans les pays de la rive sud, les marchés de travail sont soit minés par le chômage, soit par le sous-emploi, soit par les deux à la fois.

Cela tire les salaires vers le bas et augmente l’insatisfaction générale, favorable à la révolte, où les plus faibles deviennent une proie facile à l’extrémisme, exacerbant le phénomène du sentiment de la privation relative. Il incombe alors de promouvoir la mobilité qui constitue un droit fondamental en mesure d’accroitre l’intégration régionale.

L’élaboration d’une charte méditerranéenne de libre circulation ne pourra qu’accélérer ce processus.
Dorra Ben Alaya, Maître de conférences à l’Université de Tunis El Manar, estime pour sa part que s’intéresser aux jeunes dans la rive sud de la méditerranée exige de considérer un aspect commun à tout le pourtour méditerranéen : l’émergence, depuis quelques années, d’une contestation portant sur les ressorts profonds des systèmes sociopolitiques et économiques actuels, basée sur un sentiment d’exclusion. L’expression de cette frustration s’observe à travers des mouvements plus ou moins radicaux en faveur d’une plus grande justice sociale.

Il est ainsi nécessaire d’intégrer, dans l’analyse, les dimensions de nature psychologique, psychosociale et socioculturelle, dans lesquelles le genre prend une place majeure. À cela doit s’ajouter une prise en compte des perceptions et des représentations qui accompagnent les sentiments d’exclusion et de marginalisation qui sous-tendent et nourrissent des comportements à risque, poussant les jeunes à basculer dans le fléau de l’immigration clandestine ou l’extrémisme.
Pour Adnane Addioui, Président du Moroccan Center for Innovation and Social Entrepreneurship, répondre aux besoins de la jeune méditerranéenne contemporaine suppose de privilégier une logique égalitaire. Ce constat s’explique par le fait que l’accès au marché, à la connaissance et du savoir sont devenues une donnée, comme l’illustre la pandémie de la Covid- 19 qui a symbolisée la disparition des barrières. La favorisation de l’inclusion, aussi bien linguistique, que technologique, est indispensable, tellement elle permet aux jeunes d’accéder à ces réseaux de connaissance et de compétence pour développer leurs opportunités.

Dans cette perspective, la dichotomie inclusion, mobilité et transformation doit être déclinée au niveau des politiques publiques, le financement (la coopération internationale finance aujourd’hui non seulement la mobilité, mais aussi des programmes d’accompagnement et d’entreprenariat), tout en s’interrogeant dans une perspective manière sur la manière comment la mobilité peut contribuer à la création de l’innovation.

A cette fin, il est important de créer des plateformes de conversation et de collaboration, avec des projets d’entrepreneuriat. Le narratif doit parallèlement être révisé afin de répondre aux besoins des jeunes et des décideurs, mais aussi pour repenser le paradigme des relations Nord-Sud.
Enfin, la Spécialiste en Relations Internationales au Policy Center for the New South, Amal El Ouassif, a soutenu que la mobilité et depuis le lancement du processus de Barcelone, a été perçue comme un outil en mesure de permettre la réalisation de la prospérité socio-économique dans le voisinage européen sud, tout en véhiculant les valeurs européennes.

Toutefois, les bouleversements qui affectèrent l’espace méditerranéen ont transformé le concept de la mobilité en un instrument de pression aux mains des instances européennes, voire un levier au service du procédé de la conditionnalité, afin de faire pression sur les pays sud de la méditerranée pour qu’ils réadmettent leurs ressortissants, comme le symbolise la politique européenne d’octroi des visas.

Bien que L’UE envisageait en 2020 de réformer sa politique d’octroi des visas, dans la perspective de renforcer une mobilité plus fluide, la pandémie de la Covid-19 semble avoir renvoyée aux calendes grecque ce laborieux projet, alors que les instances européennes ne semblent avoir aucune compétence effective en matière migratoire, qui demeure une forme de prérogative régalienne appartenant aux pays membres.