L’Institut CDG interroge le rôle de la mobilité dans des systèmes urbains
L’Institut CDG a poursuivi son cycle de conférences « Regards vers le futur » avec l’organisation, mardi 1er décembre, du huitième webinaire sur le thème de la mobilité.
Quatre experts ont été réunis pour échanger sur le thème de « La mobilité urbaine face au défi de la complexité des systèmes urbains » : Thierry Mallet, Loubna Boutaleb, Zakaria Naimi et Kawtar Benabdelaziz, le tout modéré par Aziz Boucetta, directeur de Panorapost.
Dans une société toujours plus urbanisée et communicante, les mobilités prennent une importance croissante, conditionnant l’accès au logement, à la santé, au travail, à la culture, à l'éducation et aux loisirs. La qualité des temps et des lieux des moyens de locomotion est ainsi devenue une problématique centrale au sein de la vie urbaine, dans laquelle le développement des nouvelles technologies tient une place majeure.
Alors que les modes de déplacement évoluent, laissant peu à peu place à des solutions de transport intelligentes, partagées et respectueuses de l’environnement, des interrogations nouvelles apparaissent autour du rôle des transports publics et de l'innovation, des enjeux liés au changement climatique et à la pollution, à la santé des populations et à l'avenir des véhicules électriques.
« La mobilité est l’un des principaux moyens d’égalisation des niveaux de vie entre territoires et d’absorption des disparités économiques et régionales ». C’est en paraphrasant Esther Duflo et d’Abhijit V. Banerjee, deux économistes et Prix Nobel d’Economie 2019, que Thierry Mallet résume l’importance d’une infrastructure de mobilité performante dans le développement socio-économique des espaces urbains. En effet, selon Loubna Boutaleb, « La mobilité est une composante importante de la dynamique urbaine (…) elle permet un accès aux opportunités d’emploi et une équité à l’accès aux services publics, à la santé, à la scolarité et autres ».
Aujourd’hui, la population urbaine et métropolitaine est en forte augmentation au niveau mondial. Selon l’ONU, en 2050, deux personnes sur trois habiteraient dans le milieu urbain. Quant au Maroc, selon le HCP, en 2020, 63,4% de la population résident dans les villes. « Cette expansion importante des aires urbaines met plus de pression sur la mobilité et la nécessité de développer une mobilité durable pour répondre aux dynamiques urbaines », précise Loubna Boutaleb.
« Le transport public a un rôle essentiel à jouer d’abord sur le plan social, sur le plan de la fracture territoriale, sur le plan de l’équité sociale et finalement sur le plan écologique », indique Thierry Mallet. En effet, la mobilité doit prendre en compte trois grandes priorités :
- Une meilleure desserte de tous les territoires: urbains mais aussi les zones périurbaines et rurales, à travers le développement de solutions périphériques (parking relais, bus
à haut niveau de service, inter modalité…) adaptées à chaque territoire en fonction des besoins;
- La digitalisation et le numérique qui ont fait irruption et qui révolutionnent les modes de transport de tout un chacun (transport à la demande, billetterie électronique, information en temps réel sur le réseau et la mobilité autonome…);
- La mobilité durable, incarnée par la transition écologique vers des moyens de transports plus propres (développement de moyens de transport public efficace et propre qui incitera la population à moins utiliser la voiture particulière, augmentation progressive de l’offre de transport et surtout son verdissement).
Sur ce dernier volet, Kawtar Benabdelaziz a fourni des chiffres alarmants quant à la consommation énergétique du secteur du transport. « Au Maroc, le secteur du transport est dépendant à 99% des énergies fossiles, constituant ainsi le premier consommateur de l’énergie finale à hauteur de 38% et le deuxième émetteur des émissions de CO2 à environ 31% », précisant qu’il est urgent de revoir les modes de déplacement en prenant en compte les questions climatiques.
Une des solutions évoquées par les intervenants pour répondre à cette problématique concerne la voiture électrique. Son introduction au Maroc reste toutefois faible compte tenu de son prix de vente. « Ce qui rend la voiture électrique chère, c’est surtout la batterie qui peut coûter jusqu’à 60% du prix d’achat », indique Zakaria Naimi. Celui-ci ajoute que « l’amélioration du cycle de vie des batteries, de stockage, la réduction de leur taille, leur poids, leur coût sont les éléments essentiels pour pouvoir justement commercialiser cette voiture à large échelle au niveau national ».
Toutefois, Thierry Mallet rappelle que la voiture électrique ne constitue pas la solution mais un des éléments de solutions dans lesquelles « le transport partagé et le transport public sont prioritaires avec le tramway (…) et des renforts, demain, de bus électriques, de bus à haut niveau de service électrique, pour mailler plus le territoire. Parce que l’enjeu, ça va être de mailler le territoire ».
Ce débat a été l’occasion de rappeler que le Maroc a mis en place une feuille de route suite à la COP 21 de Paris qui a inscrit un certain nombre d’objectifs dans les stratégies nationales de transport urbain à différents niveaux (efficacité énergétique dans le transport, transport de la logistique, transport de marchandises …). « Avec cette feuille de route, le Maroc, qui a fait participer l’ensemble des institutions, a pour objectif de décliner au niveau des stratégies locales un certains nombres d’axes pour répondre aux différents enjeux de la mobilité durable, en réduisant les disparités, en permettant l’équité entre les différentes couches sociales et en préservant l’environnement », a déclaré Loubna Boutaleb.