Covid-19 : inattendue, la cortisone suscite un grand espoir

Covid-19 : inattendue, la cortisone suscite un grand espoir

Pour la première fois, l'Organisation mondiale de la santé a approuvé un traitement pour les malades gravement atteints par la Covid-19. Plusieurs études dans le monde ont prouvé l'efficacité des corticoïdes, qui quelques temps avaient été classés comme « particulièrement dangereux » pour la santé du fait de la méthode d’utilisation

Après les résultats positifs donnés par la chloroquine dans certains pays, avant que l’OMS ne se rétracte pour interdire définitivement son utilisation, les patients atteints de la Covid-19 ont encore un espoir. Ce regain de confiance et d’espoir dû par la cortisone, coïncide au Maroc avec la hausse vertigineuse des cas de contamination et de décès.

Pour ce mardi 8 septembre, le Maroc compte au total 17.055 cas actifs et 1.417 décès portant ainsi le taux de létalité à 1,9%. Toutefois, le nombre total des cas exclus après des résultats négatifs d'analyses effectuées au laboratoire s'élève 2.039.669.

Pourtant plusieurs études, et notamment une grande étude internationales coordonnée par l’université de Bristol au Royaume-Uni, affirment que les corticoïdes  seraient efficaces pour traiter des patients atteints  sévèrement de la Covid-19. Cette thérapie diminuerait de 21 % le risque de mortalité pour les patients traités dans les services de réanimation, affirment les chercheurs.

Très familier, « des millions de Marocains ont pris ou prennent en effet ce médicament », a indiqué le Dr khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne et en gériatrie en libéral. A rappeler que l’étude internationale, publiée le 2 septembre, rassemble les données médicales de 1 703 patients provenant de 12 pays ayant reçu soit des soins standards, soit un placebo associé aux soins standards, soit un corticoïde (dexaméthasone, hydrocortisone ou méthylprednisolone). D’ailleurs, les études antérieures avaient déjà indiquées le bénéfice de l’emploi des corticoïdes. Donc rien d’étonnant dans cette nouvelle  mais plutôt une confirmation et une validation de leur  emploi.

De plus, Dr Moussayer estime que les corticoïdes sont  bien tolérés lors d’une prescription courte, comme dans le cas du covid-19.  « Aucun effet secondaire néfaste particulier n’a d’ailleurs été observé dans l’étude », rassure t-elle.

Mais attention, « elle ne s’applique en revanche qu’à des patients hospitalisés pour une forme sévère et nécessitant un traitement par oxygène avec ou sans assistance ventilatoire. », a averti Dr Khadija Moussayer.

L’usage des stéroïdes pour les patients moins malades ou asymptomatiques est en effet susceptible de  diminuer  leurs défenses immunitaires pour lutter contre le virus. « Et cela tant que ce système immunitaire ne se dérègle pas dans une réaction excessive). Et donc de les empêcher de combattre efficacement le virus »

Toutes ces recommandations sur l’emploi des corticoïdes mériteraient d’ailleurs d’être formalisées clairement au Maroc dans le protocole de soins et les recommandations diverses. Cela d’autant plus qu’on sait que les corticoïdes ont été administrés  dans des cas graves  mais aussi malheureusement à des patients peu atteints.

MN

 

La cortisone une molécule incontournable dans les maladies inflammatoires, selon Dr Moussayer – Interview 

 

Panorapost. Pouvez-vous définir les corticoïdes ? Et à quoi ça sert exactement  en général?

Dr Moussayer. A la base, c’est une hormone (la cortisone) sécrétée par une glande située au-dessus des reins, les glandes surrénales. Les corticoïdes en sont la forme synthétique.

C’est un médicament d’une efficacité  redoutable  pour lutter contre les réactions inflammatoires de l’organisme, comme lors du coronavirus. Son action  empêche l’organisme de produire les substances qui causent les symptômes de l’inflammation (augmentation de la température, douleurs, rougeur, gonflement…).

Sa mise au point  en  1949  a  bouleversé le traitement de nombreuses pathologies en raison de cette action anti-inflammatoire très puissante.

Outre son combat contre l’inflammation (dénommée pour cette raison  anti-inflammatoire stéroïdien), la cortisone a une action immunosuppressive (= il supprime les réactions immunitaires  exagérées de l’organisme).

Comme je l’ai déjà indiqué, les corticoïdes sont  bien tolérés lors d’une prescription courte ou s’ils sont appliqués localement. Ils ne sont prescrits sur une longue durée que dans de rares cas ou encore quand l’inflammation est chronique et généralisée, en particulier dans les maladies auto-immunes.

Comment agit la cortisone sur notre organisme ?

Les médicaments corticoïdes agissent au niveau du noyau des cellules. Ils favorisent la production de facteurs anti-inflammatoires et réduisent celle de substances  provoquant l’inflammation. Les doses de corticoïdes administrés dans un médicament représentent en général plusieurs fois la sécrétion journalière naturelle (de 5 mg par jour) de cortisone produite par les glandes surrénales.

 Au-delà de 20 mg par jour, les corticoïdes réduisent la réponse du corps à


une agression immunologique (par une bactérie, un virus…). Ce qui n’est pas sans conséquence, car cela diminue aussi la capacité de notre organisme à lutter contre des maladies infectieuses. C’est cet effet par contre qui est  désiré quand nos défenses immunitaires sont trop fortes dans le cas de la Covid-19 ou encore des maladies auto-immunes.

On dit aussi souvent que la cortisone a des effets néfastes. Qu’en est-il exactement ?

Un médicament n’est jamais anodin  et doit être donné en fonction d’une balance bénéfice / effets nocifs nettement en faveur du premier terme. 

Quand les corticoïdes sont suivis pendant de nombreux mois voire de nombreuses années, leurs effets néfaste  sont  nombreux et graves parfois :

- La cortisone déplace la graisse de l’extrémité inférieure du corps à la partie supérieure : le visage devient bouffi.

- Au niveau des reins, la cortisone retient le sodium et élimine le potassium provoquant une surcharge hydrosodée (en eau et sodium)  et donc un risque d’hypertension artérielle.

- Au niveau gastrique (estomac), des lésions ulcéreuses gastriques surviennent  chez certaines personnes à risque.

- Au niveau osseux, les corticoïdes accélèrent la perte osseuse et diminuent les capacités de formation osseuse. L’ostéoporose cortisonique est la plus fréquente des complications des traitements cortisoniques au long cours. Le risque de fracture est plus élevé dans l’ostéoporose cortisonique que dans l’ostéoporose due à la ménopause chez la femme. Pour limiter ce phénomène, du calcium et de la vitamine D3 sont généralement prescrits. Dans des cas graves, des médicaments contre l’ostéoporose y sont ajoutés. 

- Au niveau des yeux, la cortisone est susceptible d’entrainer une cataracte, et même une altération de  la rétine.

- La cortisone peut induire un diabète ou au minimum une intolérance au glucose :

- Des insomnies et même des troubles psychiatriques  surviennent aussi lors d’une corticothérapie.

Enfin, étant donné que les corticoïdes réduisent l’activité protectrice du système immunitaire,  le risque d’infection est accru. Parfois, un traitement antibiotique doit être prescrit, 

Au total, si la cortisone peut s’imposer lors des poussées aiguës d’une maladie, elle doit autant que possible être diminuée ou arrêtée en dehors des périodes de crise.  

Comment peut-on réduire ces effets secondaires ? Quels conseils pouvez-vous donner à nos lecteurs?

Tout traitement ne doit pas se limiter à prescrire des molécules : les modifications du mode de vie peuvent permettre dans une certaine mesure de réduire les phénomènes inflammatoires, même si parfois les résultats sont modestes. Cela passe en particulier par :

- L’exercice physique : il diminue les effets secondaires des corticoïdes et accélère la réparation des muscles. Sont recommandés notamment, et en fonction des situations et de la pathologie, la kinésithérapie, l’ergothérapie et les activités physiques, notamment les activités aquatiques, le vélo et la marche qui ne soumettent pas les articulations à de fortes pressions. La pratique du Taï-chi (un art martial chinois et une gymnastique de santé alliés à une composante spirituelle) aurait aussi des effets bénéfiques selon la collaboration Cochrane (une organisation internationale regroupant des chercheurs indépendants).

- La révision des habitudes alimentaires : les corticoïdes augmentent l'appétit  et,  sachant  que les malades vont manger plus en se dépensant physiquement souvent moins, la prise de poids est fréquente. Le régime méditerranéen semblerait en particulier avoir des atouts pour diminuer l’inflammation en gardant son poids. Rappelons qu’il se caractérise par une consommation prédominante d’huile d’olive, de légumes, de céréales,  de fruits ainsi que de noix, une consommation modérée de volaille et de poisson et une consommation faible de viandes rouges, de produits laitiers et de sucre.

- La Phytothérapie : Selon toujours la collaboration Cochrane, certaines huiles (d’onagre, de bourrache ou de pépins de cassis auraient une action anti-inflammatoire réduisant la douleur.

Enfin, quels recommandations importantes à retenir dans le contexte de l’épidémie actuelle

Les patients doivent continuer leur traitement prescrit par un médecin mais ne surtout pas s’adonner à l’automédication de cette molécule. Il faut demander un avis médical avant d’en prendre !

Par ailleurs, attention, l’arrêt des corticoïdes doit impérativement être progressif. La prise de corticoïdes de synthèse utilisés lors des traitements bloque en effet la sécrétion des corticoïdes naturels produits par les glandes surrénales. Il faut donc s’assurer que ces glandes ont bien pris le relais avant l’arrêt définitif des corticoïdes de synthèse. Sinon, cet arrêt est susceptible de provoquer une insuffisance surrénalienne aigue, mortelle si elle n’est pas prise en charge immédiatement.

Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue