Marchés publics : au nom de la préférence nationale

Marchés publics : au nom de la préférence nationale

La commande publique au Maroc représente environ 160 milliards de dirhams soit 17% du PIB. En 2016, les acheteurs publics du Royaume ont passé 33.320 marchés dont plus de 97% par appel d’offres ouvert. Dans ce florilège de marchés, le secteur des BTP réalise 70% de son chiffre d’affaires dans le cadre des marchés publics.  Le secteur de l’ingénierie réalise 80% de son chiffre d’affaires dans le même domaine.

Les clients ne sont pas seulement des institutions publiques, ils peuvent généralement être des sociétés privées soumises au droit des marchés publics marocains - par exemple, certaines sociétés du secteur de l’énergie, du transport ou du BTP.

Les principes d'égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence garantissent une concurrence loyale entre les entreprises candidates et préviennent la corruption et le népotisme. Mais il faut dire que face à la concurrence féroce, les TPE/PME marocaines sont les petits poucets de ce combat de gladiateurs. La conséquence est que 2/3 de TPE/PME marocaines surfent sur du fil et certains marchés leur sont quasi accessibles.

Pour donner plus d’air aux entreprises marocaines, le Conseil de gouvernement du jeudi 25 avril 2019 avait adopté le projet de décret 2.19.69 modifiant et complétant le décret 2.12.349 de 2013 sur les marchés publics. Ce décret ouvre l’accès aux marchés publics aux auto-entrepreneurs, aux coopératives et à leurs groupements au même titre que les PME, et porte de 20% à 30% la part de la commande publique que les donneurs d’ordres doivent réserver annuellement à cette catégorie de prestataires (PME, autro-entrepreneurs, coopératives et leurs groupements).

Plus loin, lors du forum CGEM/gouvernement (représenté par les ministres de l’Intérieur et de l’Economie et des Finances), organisé le 4 novembre 2019, le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, avait affirmé qu’il fallait revoir le décret sur les marchés publics qui est complètement dépassé. Entre autres, en...

raison de non application de la préférence nationale. « Les textes réglementant les marchés publics ne permettent pas de faire confiance les uns aux autres ni de favoriser l’entreprise marocaine et encore moins d’accélérer le processus d’investissement », avait-il dit.

« Le cadre réglementaire sur les marchés publics doit imposer la préférence nationale. On doit se pencher dessus », selon Médias24.

« Quand quelque chose peut être réalisée par les Marocains, on doit leur attribuer le marché. Ce n’est pas normal que des cahiers des charges soient conçus pour favoriser les étrangers. »

Mohamed Benchaâboun, le ministre de l’Economie et des Finances a ajouté qu’ « Il y a aujourd’hui des départements qui ont commencé à saucissonner leurs marchés pour en faire bénéficier les entreprises marocaines. Et ça marche. Mais aujourd’hui, il faut que le mot d’ordre passe à tout le monde ».

Pourtant les intentions du gouvernement sont louables, quid maintenant des capacités techniques de entreprises marocaines quand à la réalisation de grands ouvrages ? Et à ce niveau, les entreprises étrangères dament le pion aux nationaux malgré des offres très chères compte tenu de l’IR qui se situent à 15% et parfois même moins.

Autre obstacle des entreprises marocaines face à la compétitivité avec les étrangères, c’est le délai de paiement où les nationales peinent souvent à entrer dans leur fond alors qu’elles sont pour les 2/3 à bout de souffle.

Disons que le projet et l’idée sont bonnes, et même louables… sauf que c’est toute la structure qu’il faut changer : avoir des entreprises compétitives et fiables, qu’elles aient accès au financement, qu’elles soient correctement payées… Pour la concurrence étrangère, il faut voir ce qu’en dit l’OMC et les réglementations internationales. Enfin, il serait judicieux que l’Etat aide et contribue à la création de champions nationaux, comme par exemple pour la gestion du transport urbain, qui est en train d’être délégué aux étrangers.

Mouhamet Ndiongue