Sévèrement épinglé par la Cour des comptes, l’ONSSA apporte des précisions

Sévèrement épinglé par la Cour des comptes, l’ONSSA apporte des précisions

Suite à la publication du rapport de la Cour des comptes, l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) estime que la pertinence de certaines observations et recommandations qui auront un impact positif important en vue de l’amélioration de la gestion de l’ONSSA. D’ailleurs, plusieurs d’entre elles sont d’ores et déjà mises en œuvre.

Cependant, dans ce rapport, il est précisé qu’une attention particulière doit être portée sur une remarque de fond qu’il semble important de soulever, eu égard au périmètre de la mission et à la démarche adoptée par la Cour.

Toutefois, l’ONSSA déclare constaté que la mission d’audit de la Cour ne se limite pas uniquement à l’audit de la gestion de l’ONSSA mais à la politique publique en matière de sécurité sanitaire. Hors, selon lui, la démarche suivie par la Cour, consistant à rencontrer principalement certains responsables de l’ONSSA ainsi que des personnalités issues de la société civile, du domaine de la recherche scientifique et des associations professionnelles, pourrait être considérée comme partielle compte tenu de la multiplicité des intervenants en charge du contrôle des produits alimentaires et du chevauchement des attributions.

Pour l’ONSSA, il serait légitime de s’interroger sur le bien-fondé de certaines remarques et recommandations de la Cour qui concernent la politique publique en matière de sécurité sanitaire et non la gestion de l’ONSSA. Car si l’objectif de la Cour serait d’auditer la politique publique en matière de sécurité sanitaire, il conviendrait d’élargir le périmètre de la mission à l’ensemble des structures étatiques en charge du contrôle des produits alimentaires, en particulier dans l’aval, tels que les abattoirs, marchés de gros, riyachat, restauration collective, …

L’ONSSA a décidé de répondre aux interpellations de la Cour des comptes en actes

Acte 1

Dans son rapport la Cours des comptes estime que l’objet de la mission de contrôle de gestion de l’ONSSA a été d’examiner dans quelle mesure cet établissement s’acquitte de ses obligations légales et réglementaires dans l’exercice des différentes missions qui lui sont confiées. Dans ce cadre, il a été enregistré plusieurs observations, dont le Positionnement institutionnel et politique publique en matière de sécurité sanitaire des aliments Indépendance insuffisante de l’ONSSA par rapport à la tutelle.

Sur ce point la réponse de l’ONSSA sur cette interpellation est sans équivoque et reste exhaustif

L’ONSSA précise qu’il est un établissement public doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, conformément à la loi n°25-08. Il est placé sous la tutelle de l'Etat et soumis au contrôle financier de l'Etat applicable aux entreprises publiques. Il exerce, pour le compte de l'Etat, les attributions régaliennes relatives à la protection de la santé du consommateur et à la préservation de la santé des animaux et des végétaux et applique la politique du gouvernement en matière de sécurité sanitaire des végétaux, des animaux et des produits alimentaires. Il est chargé des missions régaliennes : ses agents de contrôle disposent d’un niveau d’expertise scientifique élevé et ils sont habilités à appliquer la réglementation en vigueur et en demeurent responsables juridiquement. Ces agents sont tenus au respect des principes fondamentaux d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité tels que recommandés par les Organisations internationales spécialisées (OIE, CIPV, FAO).

Il est administré par un Conseil d’administration présidé par le Ministre chargé de l’Agriculture et composé des représentants des départements Ministériels (Intérieur, Finance Santé, Commerce et Industrie, Pêche Maritime).

Le Conseil délibère de la politique générale de l’Office dans le cadre des orientations fixées par le Gouvernement.

Dans les détails, l’ONSSA informe que la tutelle des établissements publics relève des prérogatives du chef de Gouvernement qui éventuellement décide de déléguer ce pouvoir à l’un ou à plusieurs des membres du gouvernement. C’est le cas pour l’ONSSA : conformément à la décision du Chef de Gouvernement de déléguer par décret n°2-17-197 du 28 avril 2017, au Ministre de l'Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, la tutelle de l'Etat sur l'ensemble des établissements publics placés, en vertu des textes en vigueur, sous la tutelle de l'autorité gouvernementale chargée de l'agriculture et de la pêche maritime.

Par ailleurs, il soutient que l’autonomie et l’indépendance des services de contrôle sanitaire et produits alimentaires est une des principales raisons de la création même de l’ONSSA. Cette création émane d’une réelle volonté politique de développer un métier de contrôle sanitaire indépendant.

Pour corroborer cette thèse, l’ONSSA donne des exemples de pays ayant un modèle de tutelle similaire :

-        Allemagne : BVL (Office fédéral de la protection du consommateur et de la sécurité alimentaire) relève du Ministère chargé de l’Agriculture ;

-        Belgique : L’AFSCA (Agence fédérale de la sécurité et du contrôle alimentaire) relève du Ministère chargé de l’Agriculture ;

-        Canada : L’ACIA (Agence Canadienne d’Inspection des Aliments) relève du Ministère de la Santé

-        Argentine : Le SENASA (Service National de la Sécurité alimentaire) relève du Secrétariat d’Etat de l’Agroalimentaire ;

-        Espagne : l’EECOSAN (Agence Espagnole du Contrôle Sanitaire)) relève du Ministère de la santé.

Acte 2

Dans ce rapport, plusieurs insuffisances ont été relevées au niveau du contrôle exercé par les services de l’ONSSA sur les produits alimentaires, dont : l’absence d’une véritable politique publique en matière de sécurité de la chaîne alimentaire

En réponse à cette interpellation de l’ONSSA répond par deux points

  1. Création de l’ONSSA comme première étape d’une véritable politique publique en matière de sécurité sanitaire

 Avant la création de l’ONSSA et son démarrage en 2010, les missions de la sécurité sanitaire des aliments étaient confiées à plusieurs départements ministériels, à savoir celui de l’Agriculture, la Santé, l’Intérieur et le Commerce et l’Industrie.

Seul le département de l’Agriculture disposait d’un arsenal juridique spécifique, d’un réseau de laboratoires d’analyses et de structures déconcentrées.

Toutefois, ce système présentait des insuffisances notamment sur le plan de la responsabilité, la coordination et l’harmonisation de l’approche de contrôle. En effet, ces départements agissaient sur le terrain de façon cloisonnée et parfois superposée due à une interprétation différente des textes concernant les missions et les attributions des départements concernés.

Cette situation limitait l’efficacité et l’efficience du système de contrôle sanitaire des produits alimentaires au niveau national.

La réforme du système national de contrôle des produits alimentaires a été initiée depuis 2000 suite à plusieurs crises survenues au niveau international (maladie de la « Vache Folle », dioxine, Grippe aviaire, Fièvre aphteuse, ...) et sur Instruction de Sa Majesté Le Roi que Dieu le Glorifie, suite à l’entrevue accordée par Sa Majesté


au DG de la FAO en 2000, en présence du Ministre de l’Agriculture.

Selon l’ONSSA, plusieurs projets de création d’une entité chargée de la sécurité sanitaire des aliments n’ont pas eu le consensus de tous les départements ministériels (Agence Marocaine de Sécurité Sanitaire des Aliments, Agence de Contrôle de la Qualité et de la Répression des Fraudes, …).

Avec le lancement du Plan Maroc Vert (PMV) en 2008, le Département de l’Agriculture a pris l’initiative de fusionner ses deux structures chargées des missions de contrôle (Direction de l’Élevage et Direction de la Protection des Végétaux, du Contrôle Technique et de la Répression des Fraudes) au sein d’un unique Etablissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière représenté par l’Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires (ONSSA).

L’ONSSA a ainsi été créé en 2009 par la loi N°25-08.

Par cette refonte du système de contrôle et de sécurité sanitaire des aliments, les pouvoirs publics ont eu pour objectifs d’assurer la sécurité sanitaire des produits alimentaires le long de la chaine alimentaire, redonner confiance au consommateur, renforcer la compétitivité des opérateurs au niveau national et responsabiliser davantage les opérateurs.

Toutefois, les missions et les responsabilités dévolues aux autres départements ministériels en matière de contrôle des produits alimentaires, à savoir ceux de l’Intérieur et de la Santé, ont été préservées à ces départements. Ces derniers agissent, notamment en aval de la chaine alimentaire, aux côtés de l’ONSSA.

  1. Responsabilité de l’ONSSA vis-à-vis de la politique publique en matière de sécurité sanitaire de la chaine alimentaire

A ce niveau, il faut rappeler que les grandes orientations de la politique publique en matière de sécurité sanitaire sont décidées à l’échelon du Gouvernement et traduites dans sa déclaration politique. Conformément à la loi n°25-08, l’ONSSA ne fait qu’appliquer cette politique gouvernementale en matière de sécurité sanitaire.

Aujourd’hui, l’ONSSA dit déployer d’importants efforts avec les professionnels du secteur pour assurer en amont de la chaine de valeur une meilleure qualité et une sécurité sanitaire des produits primaires (santé animale, santé végétale, agréments, intrants, …). Cependant, en aval (notamment la commercialisation), l’action de l’ONSSA se retrouve face à une multiplicité d’intervenants.

L’analyse de la Cour reste tronquée pense l’ONSSA, car pour lui, il est en effet légitime de s’interroger sur la méthodologie de la Cour d’auditer la politique sanitaire de l’Etat par le seul biais du contrôle de la gestion de l’ONSSA. On peut s’interroger sur la pertinence des remarques de la Cour car à défaut d’élargir le périmètre de la mission de la Cour des Comptes à l’ensemble des autres services de l’Etat et d’examiner minutieusement l’ensemble des éléments, l’ONSSA ne peut pas être tenue responsable des défaillances sur toute la chaine alimentaire, et plus particulièrement de l’aval comme les abattoirs, marchés de gros, riyachat, restauration collective, …

Sur la responsabilité du contrôle alimentaire, l’ONSSA déclare qu’elle est partagée entre plusieurs entités, selon des niveaux et des approches différentes, et qui parfois se chevauchent :

-        Le Ministère de la santé intervient par l’intermédiaire de la Direction de l’épidémiologie et de la lutte contre les maladies pour le suivi hygiénique, épidémiologique des déclarations des toxi-infections alimentaires collectives et des maladies d’origine alimentaire.

-        Le Ministère de l’intérieur intervient à l’échelon local par l’intermédiaire des bureaux municipaux d’hygiène, des divisions des affaires économiques et sociales et des Mohtassibs, en plus de l’intervention des Collectivités locales au niveau des points de vente et de la restauration collective. Notons que l’agrément ou l’autorisation sur le plan sanitaire des points de vente et des lieux de restauration collective sont délivrés par l’autorité compétente des Communes sur la base d’un rapport d’une commission mixte (Ministère de l’Intérieur-ONSSA-Santé) et où l’avis sanitaire de l’ONSSA, qui est obligatoire, n’est pas toujours pris en compte. Aussi, des commissions mixtes de contrôle sont instituées et convoquées par les Walis et Gouverneurs dans le cadre de leurs attributions.

Ainsi, la responsabilité du contrôle alimentaire est partagée entre plusieurs entités. Autrement dit, le contrôle sanitaire des produits alimentaires en aval de la chaine ne relève pas exclusivement de l’ONSSA.

De ce fait, les objectifs escomptés de la réforme du système national du contrôle des produits alimentaires par la création de l’ONSSA (élimination des problèmes de chevauchement et de double emploi, garantie de l’unité et de l’efficacité de l’action de contrôle et d’inspection, mise en place d’une entité unique au niveau national chargée de la sécurité sanitaire des aliments) ne peuvent être atteints aujourd’hui, au regard de la multiplicité des intervenants, et du chevauchement de leurs attributions.

Si des efforts importants ont été déployés par l’ONSSA et les professionnels du secteur pour assurer en amont de la chaine de valeur une meilleure qualité et la sécurité sanitaire des produits primaires (santé animale, santé végétale, agréments, intrants, …), il est à noter cependant qu’en aval (surtout en termes de commercialisation), l’action de l’ONSSA se retrouve face à d’autres contraintes :

-        Absence de pouvoir de sanction de l’ONSSA, notamment les sanctions administratives telles que la fermeture des établissements qui fabriquent et/ou entreposent des produits alimentaires dans des lieux non conformes à la loi n°28-07. D’ailleurs, ce point a fait l’objet d’un projet de révision de la loi 28-07 pour pallier à ce manque ;

-        La non-conformité des infrastructures d’abattage des viandes rouges, des unités d’abattage de volailles vivantes « riachates », des marchés de gros, des centres de collectes de lait, par rapport à la loi 28-07, ce qui met l’ONSSA dans l’impossibilité d’assurer ses missions de contrôle sanitaire et de salubrité des produits alimentaires conformément à la réglementation en vigueur ;

-        Non prise en compte, par les Communes, des exigences de la loi 28-07 et de l’avis sanitaire préalable de l’ONSSA pour l’octroi des autorisations d’exploitation des « Riachates », des « Mahlabats », des abattoirs et tueries rurales de viandes rouges, des lieux de vente au détail et de restauration collective ;

-        Développement du secteur informel de la commercialisation des produits alimentaires ;

-        Introduction frauduleuse d’animaux vivants, de médicaments vétérinaires, de pesticides, de produits alimentaires à partir des frontières et dont le statut sanitaire ou l’origine ne sont pas connus. A cet égard, l’ONSSA ne cesse d’informer les départements concernés sur les dangers de telles pratiques sur la santé animale, végétale et celle du consommateur, notamment en l’absence d’approches régionales harmonisées de contrôle et de gestion de tels risques.

La rédaction