Fécondité : le HCP évoque une évolution « problématique »

Fécondité : le HCP évoque une évolution « problématique »

Après plusieurs décennies de baisse, la courbe de la fécondité au Maroc amorce un nouveau virage depuis 2014. Sur la base des récentes données collectées, le Haut commissariat au plan (HCP) évoque une tendance « problématique » de la fécondité dans le royaume.

La transition de la fécondité est le passage d’un niveau de fécondité élevé à une fécondité basse jusqu’à atteindre le taux de remplacement des générations, qui peut être même dépassé. Une fois ce processus amorcé, la baisse a tendance à s’opérer sans interruption. Ce schéma classique, certes vérifié dans le cas de bien de pays, n’est, cependant, pas universellement observé.

Tendance baissière en milieu rural et urbain

Depuis le début des années soixantela fécondité a considérablement baissé. Elle est passée de 7,20 enfants par femme en 1962 à 3,28 en 1994, à 2,47 en 2004 et à 2,19 en 2010 et a connu une faible hausse, passant à 2,20 enfants par femme en 2014, soit pratiquement une stagnation. En milieu rural, la fécondité a baissé de 6,91 en 1962 à 4,25 en 1994, ensuite à 3,06 en 2004, puis à 2,70 en 2010 et à 2,55 en 2014. Tandis qu’en milieu urbain, elle a baissé respectivement de 7,77 à 2,56, puis 2,05 et 1,80 avant une légère reprise, à 2,01 enfants par femme, enregistrée en 2014.

Toutefois, la baisse a été interrompue, puisque l’indice synthétique de la fécondité révélé par le RGPH 2014 (2,21 enfants) est légèrement supérieur à celui estimé par l’Enquête Nationale Démographique à Passage Répété 2009-2010 (2,19 enfants) suite à un léger accroissement de la fécondité en milieu urbain (1,8 contre 2,01 enfants) (Figure 1).

Explication de la baisse

La baisse tendancielle de la fécondité est due à deux facteurs essentiels. D’abord le recul de l’âge au premier mariage, qui est passé en moyenne d’environ 17,3 ans chez les femmes en 1960 à 25,7 ans en 2014. Ensuite le rôle considérable qu’a joué la contraception. Elle était de 19,4% au début des années 80, et n’a pas cessé d’augmenter jusqu’à atteindre 70,8 % en 2018.

Par ailleurs, il a été constaté que l’âge au premier mariage de la femme se modifie en fonction des circonstances en réagissant aux crises et notamment aux crises de subsistance ou aux conditions économiques favorables et la fécondité diminue ou augmente en conséquence. Ainsi, la hausse globale de l’âge au premier mariage des femmes marocaines s’est estompée depuis 2004 enregistrant depuis une baisse, passant de 26,3 ans en 2004 à 25,7 ans en 2014 et à 25,5 ans en 2018. Cette baisse est relevée chez les femmes rurales, passant de 25,5 ans en 2004 à 24,8 ans en 2014 et à 23,9 ans en 2018. Par contre chez les femmes urbaines une reprise à la hausse de l’âge au premier mariage a été enregistrée en 2018, passant de27,1 ans en 2004 à 26,4 ans en 2014 et à 26,6 ans en 2018.

Les taux de fécondité par âge de la femme révèlent une légère hausse de ces taux, survenue entre 2004 et 2014, chez les femmes âgées de moins de vingt ans, aussi bien dans le milieu urbain que dans le milieu rural (Figure 2). La hausse de la fécondité des femmes d’au-delà des 35 ans n’a concerné que le milieu urbain et a touché la quasi-totalité des grandes villes.

La hausse dans le milieu urbain pourrait être due au fait que les femmes en milieu urbain ont tendance à reporter, momentanément, le projet de mariage et préfèreraient, dans un premier temps, une réalisation de soi et acquérir une certaine autonomie financière. Pour ce faire, elles optent à poursuivre les études et trouver un travail. Cela pourrait expliquer le fait qu’elles se marient, relativement, tard. Cependant, aussitôt en couple la question de la descendance devient prioritaire à cause des contraintes biologiques puisqu’en plus des risques de complication de grossesse la fertilité des femmes diminue avec l’âge.          

Par contre, la hausse du taux de fécondité chez les moins de 20 ans a touché simultanément les deux milieux sachant que la fécondité chez ce groupe d’âge a toujours été en baisse. Si cette situation


est, relativement, compréhensive pour le milieu rural vues les coutumes et les traditions qui le caractérisent elle reste fortuite pour le milieu urbain. De prime à bord, et sachant que les rapports sexuels et les naissances ne sont acceptés que dans la cadre du mariage, cela signifie que la proportion des femmes non célibataires dans ce groupe s’est élevée, passant de 6% en 2004 à 7% en 2014, de 5% à 6% en milieu urbain et de 8% à 9% en milieu rural.

La proportion des femmes mariées a augmenté de 52,8% à 58% entre 2004 et 2014. Durant la même période, l’âge moyen au premier mariage chez les femmes est passé de 26,3 ans à 25,8 ans. Ce constat est, forcément, dû à une augmentation substantielle de la proportion de jeunes femmes mariées. Le taux de femme non-célibataires à 20-24 ans est passé de 38,7% en 2004 à 47% en 2014.Cette augmentation globale est la résultante de celle enregistrée en milieu urbain et d’une autre plus importante dans le milieu rural. Aussi, celui des hommes de 25-29 ans a légèrement augmenté entre les deux dates passant de 31,3% à 32,6%. Elle est la résultante d’une augmentation de 4 points de pourcentage au niveau de l’urbain et d’une légère baisse de 1,5 point de pourcentage au niveau du milieu rural.

La fécondité a augmenté dans le groupe d’âge 15-19 ans aussi bien dans les grandes villes que dans le milieu rural (Figure 3). Elle a augmenté de 41% à Tanger, 35% à Casablanca, de 24% à Meknès et de 5% à Rabat-Salé. Dans le groupe d’âge 35 ans et plus, et à l’exception de la ville de Fès où le taux de fécondité a baissé, une augmentation de 12% a été enregistrée à Marrakech, 11% à Rabat-Salé et environ 7% à Casablanca. Par contre, en milieu rural, et pour le même groupe d’âge, la fécondité a connu une baisse de presque 23%. Pour le reste des groupes d’âges, de 20 à 34 ans, la fécondité a globalement baissé à l’exception de Tanger où une augmentation de 6% a été enregistrée chez le groupe d’âge 20-24 ans.

Au Maroc, les premiers résultats de l’Enquête Nationale sur la Population et la Santé Familiale (ENPSF 2018) semblent indiquer que la fécondité est en train d’enregistrer une baisse comparativement à celle de 2011.

L’évolution de la fécondité marocaine à travers les enquêtes démographiques et de la santé montre qu’après avoir continuellement régressé au fil des années, la fécondité en 2011, a enregistré une faible hausse par rapport au RGPH 2004, passant de 2,5 à 2,59 enfants par femme, avant de descendre à nouveau à 2,38 enfants par femme en 2018. Même avec cette baisse, ce dernier taux reste supérieur à celui du RGPH 2014 (2,21 enfants).

Globalement, et jusqu’en 2010, la fécondité tendait vers la baisse, et ce malgré les légères fluctuations observées entre 1992 et 1997. A partir de 2014, une légère hausse de la fécondité a été entamée, pratiquement, dans les deux milieux de résidence, et a continué jusqu’en 2018. Ainsi, l’ISF annoncé, qui était de l’ordre de 2,21 enfants par femme en 2014, et qui est légèrement supérieur à celui de 2010 (2,19 enfants par femme), a continué son ascension pour atteindre 2,38 enfants par femme en 2018.

Niveau de la fécondité pour l’ensemble du Maroc

Ces fluctuations observées dans l’intensité de la fécondité nous poussent à se résigner à opter pour une tendance claire. Si on analyse, séparément, les données des recensements de la population et celles des enquêtes démographiques et de santé, la tendance est globalement vers la baisse. Par contre, lorsqu’on combine les deux sources d’information, la tendance se modifie vers la hausse depuis 2010.

A priori, les estimations de la fécondité, des recensements ou des enquêtes démographiques et de santé (EDS), devraient être proches, ou même semblables, mais ce constat soulève des questions d’ordre méthodologique, notamment de nature et de période de référence de chaque opération statistique. Seules d’autres opérations statistiques futures permettront de confirmer ou d’infirmer une éventuelle tendance de la fécondité au Maroc.

MN