Epinglée par la Cour des comptes, la CDG répond et convainc au parlement
En janvier 2019, la Cour des comptes publiait son rapport sur la Caisse de dépôt et de gestion, et comme à son habitude (elle est là pour cela), elle a épinglé et mis en évidence les différents dysfonctionnements organisationnels, structurels et financiers de la Caisse. Rien de bien méchant en profondeur, mais des réformes profondes sont quand même requises. Cette semaine, le patron de la CDG Abdellatif Zaghnoun était en grand oral au parlement. On lui a posé des questions, il a répondu.
Ainsi, dans le rapport de la Cour des comptes sur la CDG, on apprend qu’en matière de gouvernance, il y aurait plus et mieux à faire, comme par exemple renforcer les structures de contrôle et de surveillance, pour dégager le DG du très lourd fardeau consistant à tout faire, ainsi que le prévoit le dahir de création de la CDG. Cela conduit à cette situation anormale de non validation des choix faits par la direction générale, qui se révèlent souvent non pertinents, comme les choix de mise en place de nouvelles filiales, de définition des nouveaux secteurs prioritaires et comme la gestion des risques « consolidés », c’est-à-dire au niveau de l’ensemble du groupe.
Le management de la CDG avait répondu que tels étaient précisément ses objectifs, en l’occurrence d’œuvrer à l’adoption d’un nouveau cadre législatif permettant de revoir la gouvernance, d’optimiser la gestion des différents risques et de définir d’une manière rationnelle les futurs secteurs d’investissement.
En un mot, comme en cent, la Cour des comptes veut des contre-pouvoirs à celui du directeur général, lequel y souscrit et œuvre dans ce sens. Mais la mesure étant législative, il appartient donc au parlement de plancher sur la question. Et c’était l’objectif de la rencontre tenue cette semaine par Abdellatif Zaghnoun, en compagnie du ministre de Finances Mohamed Benchaâboune, devant les membres de la Commission de Contrôle des Finances Publiques à la Chambre des représentants.
Considérée comme un « événement majeur » par le top management de la CDG, puisque c’est au parlement et avec les parlementaires que le cadre juridique de l’institution sera remodelé, revu et corrigé, cette rencontre aura duré au total 8 heures. Signe des temps, et de l’importance de la réunion, la plupart des membres de la Commission étaient là, pour écouter les remarques et les réponses d’Abdellatif Zaghnoun.
Ce dernier a exposé dans le détail les modes de fonctionnement de « sa » CDG, les
métiers y développés et les modes de gouvernance actuels. Il a en outre et surtout appelé de ses vœux devant les députés à la refonte totale du fonctionnement de la CDG. Il a souligné le fait, très important, que la grande majorité des recommandations de la Cour des Comptes rejoignent parfaitement les orientations stratégiques de la CDG à horizon 2022, ainsi que les nouveaux positionnements adoptés par l’Institution (Experts, Co-financeur, Investisseur stratégique).
Il s’agira donc de corriger le statut juridique de la CDG, essentiellement sur le volet gouvernance, pour lequel l’ensemble des membres se rejoignent, quant à la nécessité de faire évoluer le cadre institutionnel et juridique de l’institution. Il s’agira également de revoir la pertinence de certains secteurs et les risques liés à d’autres, comme le tourisme, où la Cour des comptes a sévèrement épinglé la Caisse. Mais comment avoir une vision sur ce secteur alors même que le gouvernement n’en a absolument pas, ou du moins agit comme s’il n’en avait pas ?
La CDG, véritable boîte noire financière des décennies durant, servant à des financements occultes et conduisant des opérations opaques, a commencé sa restructuration depuis une bonne décennie. Une véritable mue qui n’aura toutefois pas réussi à éviter le naufrage de l’opération Madinat Badès à al Hoceima. C’est à la suite de la vague de limogeages et de poursuites judiciaires d’une partie de l’encadrement de l’institution qu’Abdellatif Zaghnoun est arrivé à sa tête, avec comme feuille de route, et comme conviction : changer les choses.
C’est à cela que sert la vision 2022 de la CDG, qui porte en elle-même les nombreuses anticipations du management de l’institution publique sur le rapport de la Cour des comptes. Les députés, initialement sceptiques et venus là pour croiser le fer et accabler la direction, ont été selon plusieurs participants, d’abord surpris et ensuite étonnés par la maîtrise des dossiers et la conscience de M. Zaghnoun et ses équipes des rééquilibrages à réaliser et des arbitrages à introduire.
La CDG travaille, mais est surveillée. La Cour des comptes tient ce rôle et elle a produit son rapport. Les parlementaires remplissent leur fonction et ont entendu le management de la CDG en compagnie de sa tutelle gouvernementale. La balle est désormais dans le camp législatif, et le rapport de la Commission de la Première Chambre devra être rendu en avril, pour discussion et approbation de ses conclusions.
Aziz Boucetta