Centrale Danone : l’uppercut du boycott
L’entreprise laitière « marocaine » a subi de plein fouet le mouvement de boycott de ses produits, au printemps 2018. Centrale Danone vient donc de publier ses résultats financiers, et son résultat net part du groupe passe de 115 millions de DH (MDH) en 2017 à une perte de 538 MDH à fin 2018, soit une dégradation de 653 MDH en 12 mois. Le management local et de la maison mère avaient pourtant réagi juste après le boycott, mais rien n’y a fait semble-t-il…
Ainsi, dans un communiqué financier, l’entreprise confirme les profit warning émis en 2018 : le chiffre d’affaires consolidé de Centrale Danone s’établit à 4,76 milliards de DH, en baisse de 27% en comparaison à 2017, année heureuse où le résultat net avait plus que doublé. L’excédent brut d’exploitation courant consolidé au 31 décembre 2018 est de 179 MDH, en recul de 75% par rapport à 2017.
Centrale Danone ne voit pas l’avenir en rose, puisqu’elle précise dans son communiqué que « face à cette crise inédite qui frappe durement Centrale Danone et son écosystème depuis le 23 avril 2018, Centrale Danone continue à tout mettre en œuvre pour satisfaire les besoins de ses consommateurs en restant une marque accessible et encore plus innovante, et en prenant les mesures d’adaptation de son organisation, permettant de retrouver progressivement le chemin d’une croissance rentable et durable. Les résultats financiers du premier semestre 2019 resteront fortement pénalisés par les conséquences de cette crise ».
Et Centrale Danone de préciser qu’elle ne verserait pas de dividendes cette année… ce qui est normal, puisqu’il n’y a pas de bénéfices réalisés par cette entreprise propriété
à 99,68% (autant dire tout) de Gervais Danone. Le patron de cette dernière Emmanuel Faber était pourtant venu au Maroc par deux fois en 2018, et avait promis une restructuration de fond de l’entreprise et du calcul de ses prix, promettant même la vente de lait pasteurisé au prix coûtant, dans l’attente de la mise au point d’un nouveau modèle économique. M. Faber s’était adressé en juin 2018 aux médias et aux influenceurs du net lors d’une conférence inédite, mais de toute évidence, le mal était fait, bien que le PDG fût convaincant, suintant la bonne foi et pétri de bonnes intentions. Las.
Rappelons toutefois qu’aux premières semaines du boycott, le mal était déjà là puisque l’entreprise avait décidé, dans un effet d’annonce malheureux de son DG Daniel Lamblin, de mettre un terme à quelques centaines de CDD employés, de réduire les collectes de lait de 30%, et autres mesures désagréables du même tonneau (de lait caillé ?). La décision était très mal passée au sein de l’opinion publique et des centaines de milliers de boycotteurs, et le mouvement avait repris de plus belle.
L’affaire Centrale Danone avait défrayé la chronique avec la sortie du ministre Lahcen Daoudi en plein milieu des manifestants devant le parlement, début juin, ce qui l’avait même conduit à déposer sa démission du gouvernement.
En conséquence, le cours de l’action, bien que l’actionnaire quasi unique de Centrale Danone soit Gervais Danone, a cédé 5,89% à la Bourse de Casablanca ce 5 mars 2019. Cela ne signifie rien et veut tout dire en même temps, surtout que le laitier annonce un premier trimestre affligeant.
AB