Mehdi Fakir : « Le gouvernement devra trouver une formule permettant aux couches nécessiteuses de bénéficier de la compensation

Mehdi Fakir : « Le gouvernement devra trouver une formule permettant aux couches nécessiteuses de bénéficier de la compensation

Le gouvernement actuel vient de présenter l’ancien/nouveau projet de loi de finances 2017, soumis au parlement par l’équipe Benkirane. Eclairages sur le PLF 2017 avec l’économiste et consultant en stratégie et risk management El Mehdi Fakir.

En votre qualité d'expert économiste, quelle est votre perception sur les chiffres présentés par le ministre de l’Economie Mohamed Boussaïd concernant le taux de croissance (4.5%) et un déficit budgétaire de 3% du PIB, ainsi qu'une inflation limitée à 1,7% ?

Avec un modèle économique structurellement dépendant de la valeur ajoutée du secteur agricole et avec les prémisses d'une campagne prometteuse, le taux de croissance devrait être tenu, au regard des moyennes enregistrées par le passé dans des conditions similaires.

S'agissant du déficit et des taux d’inflation ?

La politique des finances publiques et la politique monétaire sont orientées vers la préservation des équilibres macro-économiques comme priorité stratégique. Il est à signaler aussi que l'application graduelle de la flexibilisation du régime de change pourrait avoir une influence limitée sur le taux d'inflation.

Les engagements pris par le Maroc pour bénéficier de la  LPL (ligne de précaution et de liquidité du FMI) sont conditionnés par la maîtrise du niveau de déficit, mais des flottements pourraient être enregistrés, notamment pour appuyer l'investissement public.

Sachant que le Maroc a un taux d'endettement en hausse, le gouvernement pourra-t-il éventuellement cibler ses objectifs ?

L'endettement public avoisine les 63% du PIB (sans compter l'endettement des entreprises publiques et les dettes garanties par l'Etat). Le gouvernement ambitionne de réduire ce taux à moins de 60% d'ici 2021. Le service de la dette réduit effectivement la marge financière de l'Etat.

Les pouvoirs publics pourraient atteindre les objectifs affichés sur le plan macro-économique à condition de mieux rationaliser et mieux orienter les dépenses publiques (rationaliser certes, mais pas dans


le sens de l’austérité) et également en améliorant l’efficacité opérationnelle du recouvrement des créances publiques.

Ces objectifs peuvent être réalisés notamment grâce à l'achèvement du chantier de la LOF (Loi organique des Finances) qui se base sur une vision des finances publiques orientée Résultats.

Le gouvernement a l'intention de procéder à la décompensation du sucre, de la farine et du gaz butane, ou d'un seul produit parmi les trois. Comment percevez-vous cette décision ? Quel sera l'impact au niveau économique et financier ?

Si cette décision se confirme, le gouvernement sera appelé à innover pour trouver une formule permettant aux couches nécessiteuses de bénéficier de l’effort de compensation.

L'impact sur les finances publiques devrait être positif, avec un allègement relatif de la charge de la compensation ; ainsi, l’enveloppe budgétaire qui serait dédiée au sucre, la farine et le gaz butane serait automatiquement réduite.

Toutefois la décompensation, si mal orientée, pourrait impacter le pouvoir d'achat de la classe moyenne notamment.

Devant la complexité du sujet, toute démarche dans ce sens devrait être le fruit d'un large consensus

Selon vous, quelles sont les procédures urgentes que doit entamer le gouvernement sur le volet économique et financier ?

1/ Rassurer les opérateurs économiques à travers l'approbation, aussi tôt que possible, de la loi des finances 2017.  Cette loi devrait permettre de clarifier les mesures incitatives envisagées par l'Etat (notamment sur le volet fiscal) et également relancer la commande publique, car l'Etat demeure le premier ordonnateur.

2/ Envisager des mesures incitatives pour l'investissement à travers la refonte de la charge d'investissement et l'appui à l'internationalisation des opérateurs marocains notamment vers l'Afrique.

3/ Envisager des mesures de rattrapage, étant donné que l'année 2017 est déjà entamée (notamment en matière de règlement des arriérés de l'Etat envers les opérateurs économiques).

Propos recueillis par Imane Jirrari