Abdellatif Hammouchi prend du galon et devient patron de la Sûreté nationale, en plus de la DST
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- 15 mai 2015 --
- Maroc
C’est la consécration pour un haut responsable de la police qui n’a jamais démérité. Abdellatif Hammouchi, patron de la DST, devient également celui de la Direction générale de la Sûreté nationale. Les deux services se cumulent désormais entre les mains d’une seule personne.
Agé de 49 ans, Abdellatif Hammouchi est la météore de la police nationale. Il a intégré le corps de la DGSN en 1993, à 27 ans, avec un solide background universitaire obtenu à la faculté de droit de Fès. Homme discret, réputé pour son esprit de synthèse et travailleur acharné, il est directement versé à la DST, du temps où l’ancien (et défunt) ministre Driss Basri avait la haute main sur ce service. Hammouchi travaille dur, mais reste discret. Un tempérament de policier moderne à une époque où la police est plutôt rude.
L’ascension
Il a donc à connaître l’attentat de l’Atlas Asni, en 1994 à Marrakech, et commence à gravir les échelons. Il se fait remarquer par son excellente connaissance de l’islamisme, tant dans ses idées que dans les hommes et activistes qui les portent. Serein, calme, connaissant ses dossiers et son monde sur les bouts des doigts, il est adoubé par le général Laânigri qui prend en mains la DST à l’avènement de Mohammed VI, en 1999.
L’ère est au changement et l’heure de Hammouchi a presque sonné. Il attendra néanmoins deux années, travaillant sur les attentats du 16 mai à Casablanca et œuvrant à la modernisation de son administration. Laânigri cède la place de patron du contre-espionnage à un autre général, Ahmed Harari, qui ne s’y éternise pas. A cette époque de l’américanisme unilatéral et brutal, Hammouchi privilégie l’indépendance du service par rapport à ses grands homologues extérieurs, portés sur la tenaille par procuration ; c’est ce qui vaudra à Laânigri de tomber en disgrâce et c’est ce qui conduira Mohammed VI à reconnaître « des abus » dans la lutte antiterroriste.
La nomination
En 2005, Abdellatif Hammouchi a 40 ans, l’âge de raison dit-on… il est alors nommé chef de la DST et poursuit encore plus loin et plus fort son travail de modernisation du service. Désormais, l’analyse prend le pas sur le traitement musclé, définitivement, de la reconnaissance même de plusieurs personnes qui connaissent bien le nouveau directeur, anciens salafistes ou policiers, en service ou à la retraite.
C’est Abdellatif Hammouchi qui réconciliera la DST avec la société civile, la classe politique et, un peu moins certes, les médias qui ont la mémoire dure. Il faudra attendre 2011 pour que les officiers de la DST prennent la qualité d’officiers de police judiciaire, que le centre de Temara soit ouvert aux parlementaires, que les parquets y fassent leur entrée, pour constater que la violence en était sortie.
Apparemment, Abdellatif Hammouchi plaît en haut-lieu ; il est réactif, il est efficace, il est omniprésent, sachant ne pas se montrer omnipotent. Pour ceux qui le connaissent, toute affaire à lui soumise et relevant de lui est traitée rapidement, dans le sens qu’il faut. Les médias commencent à leur tour à reconnaître le talent fait d’une louable combinaison entre fermeté de l’analyse des dossiers et élégance dans le traitement des suspects.
En février 2014, Abdellatif Hammouchi est en France, il a une réunion avec ses homologues.
Echanges d‘informations avec les hauts responsables de la police et de la sécurité françaises, entretiens fructueux. Le responsable sort des bureaux de la sécurité française pendant qu’une escouade de policiers se présente à la résidence de l’ambassadeur du Maroc. Le coup de Jarnac… et le début d’une longue crise entre les deux pays.
La consécration
Le Maroc rompt pratiquement toutes relations avec la France suite au camouflet infligé à son « homme le mieux informé ». On ne convoque pas un directeur de la DST, qui vient de fournir des informations à ses homologues français, comme un vulgaire malfrat, ou escroc, du type de celui dont émane la plainte à l’origine de ladite convocation (Zakaria Moumni en l’occurrence).
Rabat suspend dans la foulée ses accords d’entraide judiciaire avec Paris, et laisse le temps couler… En 2015, attentats de Paris aidant, la France officielle prend la mesure de son erreur, et décide de renouer avec Rabat, en révisant l’accord d’entraide judiciaire avec le Maroc. L’honneur de Hammouchi est rétabli, l’homme a été soutenu par son gouvernement ; et la France l’a compris.
Le 20 mars, Abdellatif Hammouchi lance le Bureau d’enquêtes et d’investigations judiciaires, le BCIJ, confié au chef de la Brigade nationale de la Police judiciaire, Abdelhaq Khiam, qui multiplie les opérations antiterroristes, les coups de force anticriminels et les offensives de communication. Le BCIJ est placé sous l’autorité de la DST.
Et le 15 mai, à 49 ans, moins de 10 ans après avoir été nommé à la tête de la DST, Hammouchi prend les rênes de la police nationale, devenant l’homme le plus titré de ce corps. Patron de la DGSN, directeur de la DST et chef indirect du BCIJ.
Le message que l’on peut retenir de cette nomination est que le Maroc s’ancre résolument dans une culture de droits de l’Homme et d’équilibre entre les impératifs du renseignement, les exigences de la sécurité et le nécessaire respect des droits de l’Homme. Abdellatif Hammouchi est le pur produit de cette nouvelle politique M6, qui a patiemment façonné, puis donné une classe de dirigeants moralement intègres, techniquement compétents et personnellement engagés.
L'explication
Avec cette nouvelle nomination, c'est désormais un seul et même homme qui dirige l'ensemble des services de police. Le cumul des fonctions à ce niveau et dans le corps de la police, pour exceptionnel qu'il soit, est utile étant donné que la période actuelle et la menace terroriste qui la caractérise nécessitent une centralisation des informations en vue du traitement et du lancement des actions nécessaires le plus rapidement possible.
Par ailleurs, Hammouchi est connu pour être un haut responsable qui respecte les règles du jeu, lesquelles consistent en cette équation très simple : Sécuriser simultanément le pays et les individus. Autrement dit, traquer le crime et détruire les cellules terroristes tout en respectant les droits de l'Homme. Or, le Conseil national des droits de l'Homme est en train de mettre en place un dispositif de contrôle du respect des droits.
Hammouchi, avec son collaborateur Abdelhaq Khiam, fraîchement promu et cumulant lui aussi deux fonctions (BCIJ et BNPJ), sont les hommes de la situation. Il leur appartiendra maintenant de construire une culture des droits de l'Homme dans leur directions et d'assurer la formation d'une nouvelle génération de flics. La relève.
AAB