Darija, charge violente, voire insultante, de l’ancien ministre Himmich contre Noureddine Ayouch

Darija, charge violente, voire insultante, de l’ancien ministre Himmich contre Noureddine Ayouch

Alors que le Conseil supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche scientifique peine visiblement à remettre son rapport et à développer sa vision de l’enseignement au Maroc et surtout des langues, y compris la darija, la société marocaine continue d’être divisée au sujet de cette question de l’introduction du dialecte dans les premières années du primaire. Le promoteur de l’idée est, on le sait, le publicitaire Noureddine Ayouch, et aujourd’hui, c’est au tour de l’ancien ministre de la Culture de rédiger une violente diatribe contre lui.

Pour Himmich, excusez du peu, Ayouch rejoint le maréchal Lyautey qui souhaitait supprimer l’arabe du Maroc, ou Louis Brunot, avec son ouvrage « Introduction à l’arabe marocain » (1950) dans lequel il explique le peu de relation entre arabe classique (adjectif récusé par Himmich) et dialecte.

Dans une tribune publiée sur le site Hespress, le professeur de philosophie Bensalem Himmich se départit de sa réserve… philosophique, et attaque Ayouch. On frôle l’insulte, et parfois même on y est. Extraits.

« Je n’ai partagé une table avec M. Ayouch qu’une seule fois, et tout à fait fortuitement, à l’occasion de la commémoration du décès de feu Shimi. L’homme allait de table en table, ne cessant de pérorer, puis il est arrivé à la mienne, s’adressant à M. Abdelouahed Radi en langage grossier : je t’avais remis une proposition de réforme et tu l’as ignorée, et voilà qu’aujourd’hui ton parti coule »…

« Ayouch avait employé Laâbi et son épouse, mais il les avait ensuite soumis à un véritable harcèlement, avant de les renvoyer ».

« Cet homme avait refusé de participer à une émission sur France 24 quand il avait appris que j’y étais ».

« Quand Abdallah Laroui avait accepté de débattre avec Ayouch sur 2M, il avait commis une grosse erreur car son interlocuteur n’a pas son niveau culturel et académique. Mais cette émission avait contribué à montrer qu’Ayouch est un « mcharmel » dont la marchandise est de mauvaise facture et la vision branlante ».

« Ayouch est devenu – quelle infamie – membre du Conseil supérieur de l’Education, de la Formation et e la Recherche scientifique qui s’attelle aujourd’hui à la discussion de l’introduction ou non de la darija et qui s’achemine vers un vote sur la question, comme si le Maroc n’avait pas des siècles d’arabe derrière lui ».

« Le Maroc produit plusieurs choses néfastes, parmi lesquelles, et non des moindres, celle consistant à détruire notre tissu linguistique et culturel ».

« Ayouch et ses semblables n’ont pas vraiment l’objectif de promouvoir le dialecte marocain, mais de déchirer encore plus ce pays pour mieux le jeter dans les bras de cette chose si influente qui porte pour


nom la francophonie. La preuve est qu’au sein du Conseil, Ayouch et les siens défendent le français comme langue étrangère principale, et non l’anglais
 ».

Après ce flot d’insultes, Bensalem Himmich donne, enfin, son argumentaire, articulé en cinq points :

1/ La darija est disparate, varie selon les régions, ne dispose pas de règles établies et est de plus inscrite sous le signe du moindre effort ;

2/ La darija est une langue originellement dispersée  et ne répond à aucun critère linguistique connu ;

3/ Il est plus facile de lire un texte en arabe classique, même sans caractères diacritiques ; mais commencer son apprentissage en dialectal pour le poursuivre en classique ne serait que boniment et non-sens ;

4/ Tous les travaux menés pour rapprocher l’arabe classique de ses dialectes s’est avérée une tâche fort délicate car titanesque, et cela, les « moucharmiline » l’ignorent ;

5/ Si les tenants de cette idée de la darija avaient dressé des comparaisons, ils se seraient aperçus qu’en France – leur suzerain et maître – les gens ne parlent pas au quotidien la langue de Molière et de Voltaire et qu’ils n’ont pas de dialectes et de patois régionaux.  En France, personne n’a jamais demandé à ce que le langue usuelle soit enseignée à l’école.

Et donc, de fait, dit en substance et en creux Himmich, Ayouch roule pour la France, veut faire éclater ce pays et ignore tout, ou presque, sur tout, ou presque.

On peut, comme l’auteur de ces lignes, ne pas souscrire à l’idée de Noureddine Ayouch d’introduire la darija dans les premières années de l’enseignement, mais on ne peut lui nier son apport au débat. Pour ce qui concerne la rencontre avec Abdallah Laroui, ce dernier a eu le panache et l’élégance de sortir de sa réserve et venir débattre en public d’une idée qui agite la société marocaine et la fait réagir. De plus, Laroui, du haut de l'autorité morale et académique qu'on lui connaît, a émis des idées essentielles sur la nécessaire simplification de l’arabe et de sa grammaire, ce qui n’aurait pas pu être dit ni suggéré sans la proposition d’Ayouch.

Et puis, cette posture consistant à taper encore et encore sur la France, le français et la francophonie est de plus en plus dépassée voire lassante, surtout quand elle n’est affichée que pour servir un débat pour lequel on manque d’arguments. Mettre ou non la darija dans nos écoles est une chose où la France n’a pas de position. Et sortir Lyautey ou Brunot, disparus voici près d‘un siècle reste une position pour le moins curieuse. M. Himmich aurait été grandi d’argumenter, en se retenant d’insulter.

Aziz Boucetta